Imaginez-vous corriger une prestation, désigner les élèves les plus fragiles et, quelques heures plus tard, recevoir des menaces de mort si précises que la police doit stationner devant votre domicile. C’est exactement ce qu’a vécu Oscar Sisto, professeur de théâtre à la Star Academy entre 2002 et 2004. Ce que beaucoup voient comme un simple divertissement peut, pour certains fans, devenir une question de vie ou de mort.
Quand la passion devient menace
Chaque vendredi soir, des millions de Français retiennent leur souffle devant les nominations. Pour les téléspectateurs, c’est un jeu. Pour les professeurs, c’est un choix artistique parfois douloureux. Et pour une minorité de fans, c’est une attaque personnelle.
Oscar Sisto, visage emblématique des premières saisons, a brisé le silence dans une interview bouleversante. Il raconte comment, après certaines décisions difficiles, sa famille et lui ont vécu sous protection policière. « On avait des flics en bas de chez nous », confie-t-il, encore marqué des années après.
« Ça nous est arrivé plusieurs fois. On a été menacés de mort suite à quelques éliminations… Je trouve tout ça démesuré et déplacé. »
Oscar Sisto
Des précédents qui font froid dans le dos
Malheureusement, Oscar Sisto n’est pas un cas isolé. Raphaëlle Ricci, l’inoubliable professeure d’expression scénique des premières heures, a elle aussi payé le prix fort de la notoriété.
Elle se souvient encore des crottes de chien déposées dans sa boîte aux lettres, des inconnus qui campaient devant son immeuble, des appels anonymes à toute heure. « L’émission avait pris une ampleur médiatique folle, c’était ingérable », explique-t-elle avec une pointe d’amertume.
Aujourd’hui encore, les professeurs de la saison 2025 subissent un torrent de haine dès qu’une décision déplaît. Marlène Schaff, accusée d’être trop clémente ou trop sévère selon les jours, doit affronter des vagues d’insultes quotidiennes sur les réseaux sociaux.
Pourquoi une telle violence autour d’un concours de chant ?
Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’est amplifié avec les réseaux sociaux. En quelques clics, un fan déçu peut passer du simple commentaire à la menace explicite. L’anonymat, la rapidité, le sentiment d’impunité font le reste.
Le psychologue Mickaël Mangot, spécialiste des comportements de foule, explique : « La Star Academy crée un attachement émotionnel très fort. Quand le public perçoit une injustice envers son candidat préféré, il se sent personnellement attaqué. C’est le même mécanisme que dans les rivalités de supporters de foot, mais en plus intime. »
Ajoutez à cela l’effet de groupe : un message haineux en entraîne dix, puis cent. Et très vite, des professeurs se retrouvent avec des centaines de menaces dans leur boîte mail.
Les élèves aussi dans la tourmente
Si les professeurs sont en première ligne, les académiciens n’échappent pas au phénomène. Marine, gagnante de la saison précédente, a récemment pris la parole sur Instagram, à bout de nerfs.
Depuis plusieurs mois, elle et ses proches reçoivent des messages haineux, des insultes, parfois des menaces physiques. « Le privé, c’est le privé », a-t-elle écrit, les larmes aux yeux, suppliant qu’on la laisse tranquille.
Pierre Garnier, Héléna, Julien Lieb… Tous ont déjà confié avoir été submergés par la violence de certains messages après leur sortie du château.
La responsabilité des réseaux sociaux
Twitter (devenu X), Instagram, TikTok : les plateformes sont pointées du doigt. Les algorithmes favorisent les contenus émotionnels, donc les messages les plus virulents remontent en haut des fils.
En 2024, une étude de l’Observatoire du harcèlement en ligne révélait que 68 % des personnalités de téléréalité avaient déjà porté plainte pour cyberharcèlement. Un chiffre en constante augmentation.
Certains appellent à une modération plus stricte, d’autres à une éducation des fans. Mais pour l’instant, les équipes de la Star Academy se contentent souvent de signalements massifs et de blocages.
Que fait vraiment la production ?
Officiellement, TF1 condamne fermement tout harcèlement et dit accompagner les professeurs et les élèves. Dans les faits, beaucoup estiment que la protection reste insuffisante.
Un ancien membre de la production confie sous couvert d’anonymat : « On alerte la police quand c’est vraiment grave, mais on ne peut pas mettre un garde du corps à chaque prof. Et puis, il y a la peur du bad buzz : si on parle trop du harcèlement, on risque de faire fuir les annonceurs. »
Résultat : beaucoup de professeurs préfèrent se taire pour ne pas en rajouter. Oscar Sisto, lui, a choisi de parler, espérant que les choses changent enfin.
Vers une prise de conscience collective ?
Cette année, plusieurs académiciens de la promotion 2025 ont lancé des messages forts sur les réseaux : « Soutenez votre candidat préféré sans détruire les autres », « La haine n’a pas sa place ici ».
Des associations comme Respect Zone essaient d’intervenir dans les collèges et lycées pour sensibiliser les plus jeunes au cyberharcèlement. Mais le chemin est encore long.
Comme le résume Oscar Sisto avec beaucoup de justesse : « C’est un concours de chant. On ne joue pas la finale de la Coupe du monde. Personne ne mérite de mourir pour ça. »
Une phrase simple, mais qui résonne particulièrement en cette fin novembre 2025, alors que la saison bat son plein et que les tensions montent à chaque prime.
La Star Academy restera sans doute l’une des plus belles aventures télévisuelles françaises. Mais elle porte aussi, en son sein, cette face sombre que personne n’avait vraiment anticipée il y a vingt ans : celle d’une passion qui, mal canalisée, peut détruire des vies.
Espérons que les révélations d’Oscar Sisto et des autres permettront enfin d’ouvrir les yeux. Parce qu’un concours de chant, aussi magique soit-il, ne devrait jamais mettre quiconque en danger.
