L’attaque au couteau perpétrée à Southport le 30 juillet dernier, faisant trois jeunes victimes parmi des enfants, a profondément choqué l’opinion publique. Mais au-delà du drame humain, c’est aujourd’hui le traitement médiatique de l’affaire qui fait polémique, certains reprochant à des médias comme France 3 Régions d’avoir sciemment omis un élément du profil de l’assaillant : ses origines rwandaises.
France 3 Régions épinglée pour son traitement partiel
Dans un article paru le 6 août et consacré à la récupération de l’affaire par l’extrême-droite, France 3 Régions revient en détail sur le profil de l’auteur de l’attaque, Axel Rudakubana, 17 ans. Son nom, son lieu de naissance à Cardiff, sa ville de résidence sont ainsi précisés. Mais nulle mention du fait que le jeune homme est issu d’une famille immigrée rwandaise, une information pourtant rapportée par de nombreux médias britanniques comme le Mirror ou le Daily Record.
Une omission qui ne passe pas inaperçue, dans un contexte où l’origine et le parcours des auteurs d’actes violents font l’objet d’une attention particulière. Pour certains observateurs, ce choix éditorial de France 3 Régions relève au mieux de la négligence, au pire d’une volonté délibérée d’occulter un aspect sensible mais important de l’affaire.
Axel Rudakubana, un profil qui interpelle
Car si le jeune Axel Rudakubana ne correspond pas aux stéréotypes hâtifs qui ont pu circuler dans un premier temps sur les réseaux sociaux (jeune musulman radicalisé récemment arrivé), son origine immigrée rwandaise n’en soulève pas moins des questions. Issu d’une famille chrétienne impliquée dans la vie locale selon les médias britanniques, rien ne semble a priori le prédisposer à un tel déchaînement de violence.
Ce profil atypique ne rend que plus nécessaire un examen de toutes les facettes de son parcours et de son environnement, sans tabou ni angle mort, pour tenter de comprendre son geste. En passant sous silence cet élément d’identité et de trajectoire, France 3 Régions se prive d’une clé de lecture potentiellement éclairante.
Rectifier la désinformation sans occulter des réalités ?
L’article de France 3 Régions entend pourtant déconstruire les rumeurs et la désinformation qui ont pullulé après l’attaque, comme le faux nom “Ali-Al-Shakati” un temps attribué à l’assaillant. Un fact-checking nécessaire pour rétablir les faits, mais qui perd en crédibilité et en exhaustivité en omettant l’origine immigrée pourtant avérée.
Révéler ces origines n’aurait rien eu d’un amalgame ou d’une stigmatisation, dès lors que l’information est factuelle, vérifiée et mise en contexte sans en tirer de conclusions hâtives. Ne pas le faire, c’est nourrir le soupçon d’une volonté d’édulcorer la réalité.
Un choix qui nourrit la défiance envers les médias
Dans un contexte de défiance grandissante envers les médias traditionnels, régulièrement accusés de cacher une partie de la vérité sur ces sujets sensibles, cette omission de France 3 Régions apparaît au mieux maladroite, au pire contre-productive. Elle donne du grain à moudre à ceux qui dénoncent un traitement médiatique biaisé et partisan, nourrissant le discours victimaire des “médias du système”.
Pourtant, c’est justement par une information complète, honnête et nuancée, sans filtre ni tabou mais aussi sans instrumentalisation ni généralisation, que les médias peuvent espérer regagner en crédibilité et en utilité dans le débat public.
Une autocensure qui dessert le débat démocratique
Car au-delà d’une simple polémique sur un choix éditorial, c’est bien notre capacité collective à analyser en profondeur les maux de notre société qui est en jeu. En refusant d’aborder frontalement la question de l’immigration et de l’intégration quand elle s’impose dans l’actualité, par peur de “faire le jeu” de certains discours, les médias se censurent et appauvrissent le débat démocratique.
Nous avons besoin, sur ces sujets complexes et clivants, non pas d’une information aseptisée et sélective mais d’une information exhaustive et équilibrée, permettant à chacun de se forger une opinion éclairée. C’est tout l’enjeu d’un journalisme responsable et courageux au service de l’intérêt général.
Sylvain Crépon, sociologue des médias
Espérons que la polémique suscitée par le traitement de France 3 Régions puisse engendrer une prise de conscience salutaire sur l’exigence de complétude et de transparence, sans fard ni filtre, que nous sommes en droit d’attendre de nos médias sur les sujets les plus sensibles qui traversent notre société. La vérité, aussi dérangeante soit-elle, reste le meilleur rempart contre la désinformation et la manipulation.