Les relations sino-allemandes traversent une zone de turbulences. Berlin a ouvert une enquête sur un ressortissant chinois soupçonné d’espionnage dans une base navale stratégique au bord de la mer Baltique. Une affaire qui suscite l’inquiétude de Pékin, qui appelle les autorités allemandes à la retenue.
Un Chinois dans le viseur de la justice allemande
Selon des révélations de la télévision publique allemande WDR, l’individu en question aurait été surpris le 9 décembre dernier en train de prendre des photos sans autorisation à l’intérieur de la base navale de Kiel-Wik. Située dans le nord de l’Allemagne, cette installation militaire revêt une importance capitale pour la marine allemande en mer Baltique.
Les enquêteurs ont immédiatement saisi le téléphone du suspect et transféré le dossier au contre-espionnage militaire allemand (MAD). Si le parquet a indiqué que le suspect avait été remis en liberté après sa garde à vue, l’enquête suit son cours pour faire toute la lumière sur ses motivations et d’éventuelles complicités.
La Chine monte au créneau
Face à ces graves accusations, la réaction de la Chine ne s’est pas fait attendre. Lors d’une conférence de presse, un porte-parole de la diplomatie chinoise, Lin Jian, a assuré n’être « pas au courant de la situation ». Tout en rappelant que son pays exige toujours de ses citoyens à l’étranger « qu’ils respectent les lois et réglementations locales ».
Mais Pékin est allé plus loin, appelant Berlin à la plus grande prudence dans la gestion de cette affaire. « Nous espérons que la partie allemande se basera sur les faits, arrêtera d’utiliser des soi-disant affaires d’espionnage pour s’adonner à de la manipulation et de la diabolisation, et protégera concrètement les droits et intérêts légitimes des citoyens chinois » a martelé Lin Jian.
Kiel, épicentre de tensions croissantes
Le port de Kiel n’est pas un lieu anodin. Outre la base navale allemande, il abrite également un important chantier naval du fabricant de sous-marins Thyssenkrupp ainsi qu’un centre de test de l’OTAN pour les capacités militaires en eaux peu profondes. Autant d’installations sensibles qui aiguisent les appétits des services de renseignement étrangers.
L’Allemagne affirme d’ailleurs être constamment sur ses gardes face aux tentatives d’espionnage venant de Chine. Mais cette nouvelle affaire intervient dans un contexte particulièrement tendu dans la région de la mer Baltique depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Les pays européens y dénoncent régulièrement des « attaques hybrides » qu’ils attribuent à la Russie.
Pékin et Berlin à la croisée des chemins
Au-delà du cas individuel de cet obscur ressortissant chinois, c’est bien la question plus large des relations bilatérales entre l’Allemagne et la Chine qui est posée. Entre méfiance sécuritaire et nécessité de coopérer avec un partenaire commercial de premier plan, Berlin marche sur une ligne de crête de plus en plus étroite.
De son côté, Pékin semble déterminé à défendre bec et ongles ses intérêts et ceux de ses citoyens à l’étranger. Quitte à hausser le ton diplomatiquement et à agiter le spectre d’une « manipulation » politique de la part des autorités allemandes. Une façon de rappeler à Berlin que la Chine entend peser de tout son poids dans ce délicat jeu d’équilibriste entre espionnage, business et géopolitique.
Cette affaire est donc loin d’être anecdotique. Elle illustre au contraire les profondes tensions qui traversent les relations internationales à l’heure de la Nouvelle Guerre Froide entre grandes puissances. Et la mer Baltique, avec l’affaire de Kiel, pourrait bien en devenir l’un des points chauds dans les mois à venir, sur fond de rivalités d’espionnage exacerbées.
