Un nouveau rebondissement secoue l’affaire de corruption présumée impliquant jusqu’aux plus hautes sphères du ministère de la Santé croate. Selon des sources proches du dossier, la justice nationale vient de reprendre la main sur les investigations, jusqu’alors menées par le parquet européen. Une volte-face surprenante dans ce scandale tentaculaire qui éclabousse Zagreb et révèle au grand jour les maux profonds du système de santé du pays.
Le ministre de la Santé dans la tourmente
Tout a commencé vendredi dernier avec l’arrestation fracassante de Vili Beros, le ministre de la Santé croate, soupçonné d’avoir perçu des pots-de-vin dans le cadre d’un vaste réseau de trafic d’influence. Un coup de filet choc, orchestré par le parquet européen (EPPO) qui avait ouvert une enquête sur cette affaire impliquant au total huit personnes, dont de réputés chirurgiens.
Au cœur des investigations : un système bien rodé de malversations reposant sur la vente à prix gonflés de matériel médical. Un juteux trafic qui aurait permis de détourner des fonds européens, attirant ainsi l’attention de l’EPPO. En parallèle, la justice croate avait également ouvert sa propre enquête sur ce tentaculaire dossier.
Bras de fer entre Zagreb et l’EPPO
Mais coup de théâtre ce mardi : le procureur général croate Ivan Turudic a finalement décidé de reprendre la main et de confier l’intégralité des investigations au parquet national anti-corruption. Une décision justifiée par la “compétence” de ce bureau spécialisé dans la lutte contre le crime organisé.
Pour Zagreb, l’EPPO est à l’origine d’un “conflit de juridiction” dans ce dossier. Le parquet européen est accusé de ne pas avoir agi conformément au principe de “coopération loyale” et d’avoir maintenu ses homologues croates dans l’ignorance. Autre argument avancé : la part des actes criminels liés spécifiquement aux fonds européens ne représenterait qu’une infime partie des activités illégales
Le mal endémique de la corruption
Au-delà de cette battle judiciaire, l’affaire met crûment en lumière le fléau de la corruption qui gangrène encore de larges pans de la société croate, près de 10 ans après l’adhésion du pays à l’UE. Malgré les efforts affichés, la pratique des dessous-de-table reste monnaie courante, notamment dans les couloirs des ministères.
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2016 du parti conservateur HDZ, les scandales se sont multipliés, contraignant plusieurs ministres à la démission. Un mal récurrent qui plombe la confiance des citoyens envers leurs élites politiques.
Un système de santé à l’agonie
Cette nouvelle affaire jette aussi une lumière crue sur l’état désastreux du système de santé croate. Les hôpitaux publics, en manque chronique de moyens, sont devenus le terrain de jeu favori des adeptes des pots-de-vin. Une pratique décriée mais largement répandue, comme le souligne sous couvert d’anonymat un médecin de Zagreb :
Ici, si vous voulez être bien soigné ou opéré rapidement, il faut mettre la main au portefeuille. Les médecins des hôpitaux publics n’hésitent pas à réclamer des dessous-de-table pour ensuite orienter les patients vers leurs cliniques privées. Un système à deux vitesses devenu la norme.
Face à l’ampleur du phénomène, le gouvernement avait promis une grande loi pour assainir le secteur. Mais dans les couloirs des hôpitaux zagrebois, le pessimisme domine. “Tant que les salaires des soignants resteront aussi bas, la tentation sera toujours grande de chercher d’autres sources de revenus”, confie un infirmier.
Quoi qu’il en soit, les projecteurs sont plus que jamais braqués sur la suite de ce sulfureux dossier de corruption présumée. La justice croate parviendra-t-elle à faire toute la lumière sur les agissements de l’ancien ministre et de ses complices supposés ? L’enjeu est de taille pour restaurer la confiance des Croates envers leurs institutions. Le procureur général l’a promis : “tous les suspects seront traités de la même manière, quel que soit leur statut ou leur fonction.” Les prochaines semaines s’annoncent décisives.