Le football français se retrouve une nouvelle fois ébranlé par des soupçons de malversations au plus haut niveau. Des perquisitions ont été menées mardi dernier dans les bureaux de la Ligue de Football Professionnel (LFP) ainsi que dans ceux du fonds d’investissement CVC Capital Partners, a-t-on appris de sources proches de l’enquête. Ces opérations s’inscrivent dans le cadre d’une procédure ouverte en février dernier par le Parquet National Financier (PNF) pour des soupçons de détournement de fonds publics, corruption active et passive d’agent public, et prise illégale d’intérêts.
Une plainte à l’origine de l’enquête
C’est une plainte déposée en novembre 2023 par l’association anticorruption AC! qui a donné lieu à l’ouverture de cette enquête. L’organisation y dénonçait un possible détournement de fonds publics lors de la création de la société commerciale de la LFP. Cette entité avait été mise sur pied suite à une cession partielle de capital au fonds luxembourgeois CVC Capital Partners en avril 2022, un accord qui devait rapporter 1,5 milliard d’euros au football professionnel français en échange de 13% des revenus de la Ligue.
À l’époque, cette opération était présentée comme un moyen de sortir de l’ornière un football hexagonal exsangue après la crise du Covid et le fiasco Mediapro. Mais rapidement, des voix se sont élevées pour critiquer l’opacité de ce montage et pointer de potentiels conflits d’intérêts. L’enquête confiée à la Section de recherches de Paris depuis le 16 juillet vise justement à faire la lumière sur les conditions de conclusion de cet accord et le rôle exact joué par les différents protagonistes.
Vincent Labrune dans le viseur
Selon nos informations, des perquisitions auraient également eu lieu au domicile de Vincent Labrune, le président de la LFP récemment réélu pour un second mandat. Une information que la Ligue s’est refusée à commenter, préférant garder le silence médiatique et annuler en catastrophe un point presse prévu le jour même. Des sources en interne confiaient cependant se sentir « plus sereins » à l’idée de livrer leurs explications aux enquêteurs du PNF qu’à ceux de la commission d’enquête sénatoriale qui planche en parallèle sur ce dossier brûlant depuis avril 2024.
Un rapport sénatorial au vitriol
Car les parlementaires ne sont pas en reste. Après plus d’une soixantaine d’auditions et un contrôle mené jusque dans les locaux de la Ligue, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin ont rendu fin octobre un rapport accablant de 130 pages. Épinglant tout particulièrement le contrat liant la LFP à CVC, ils y préconisent des réformes drastiques allant d’une répartition plus équitable des revenus entre clubs à un plafonnement des salaires des dirigeants. Mais surtout, pour éviter les conflits d’intérêts et renforcer le contrôle démocratique:
Il faut opérer une distinction nette entre les activités des ligues professionnelles et celles de leurs sociétés commerciales en séparant clairement la ligue de sa filiale.
– Extrait du rapport Lafon-Savin
Une piste qui risque de ne pas plaire aux principaux intéressés, bien décidés à conserver la main sur ce juteux business. Mais face aux révélations à venir des enquêteurs, la LFP aura-t-elle vraiment le choix ? C’est tout l’avenir de la gouvernance du football professionnel français qui se joue désormais dans les coulisses feutrées du PNF et les travées du palais du Luxembourg. Une chose est sûre, le feuilleton est loin d’être terminé et promet encore de nombreux rebondissements dans les mois à venir.