C’est un appel fort que vient de lancer le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) : rendre accessibles et remboursables les tests de dépistage permettant de détecter une soumission chimique, et ce même sans dépôt de plainte. Une mesure indispensable selon l’instance pour améliorer la prise en charge des victimes de ce fléau en pleine recrudescence.
La soumission chimique, un phénomène préoccupant
Mais au fait, qu’est-ce que la soumission chimique ? Il s’agit de l’administration de substances psychoactives à une personne à son insu, dans le but d’abuser d’elle, notamment sexuellement. Un procédé sournois et criminel qui touche majoritairement les femmes. Les agresseurs utilisent différents types de drogues comme le GHB, la kétamine ou encore des anxiolytiques qui provoquent une forte désinhibition et des pertes de mémoire chez les victimes.
Si le phénomène n’est pas nouveau, il a été récemment médiatisé avec le procès emblématique de Mazan dans le Vaucluse où 51 hommes sont jugés pour le viol de l’épouse de l’un d’entre eux, droguée pendant 10 ans. Une affaire glaçante qui met en lumière l’ampleur du problème. Autre cas révélateur, en novembre dernier, la députée Sandrine Josso a porté plainte contre un sénateur qu’elle accuse de tentative d’agression sexuelle par soumission chimique.
Un dépistage difficile d’accès pour les victimes
Face à ce fléau, l’Ordre des Médecins tire la sonnette d’alarme. Car pour l’heure, dépister une soumission chimique relève du parcours du combattant pour les victimes. En effet, les tests et analyses nécessaires peuvent coûter jusqu’à 1000€ et ne sont remboursés que sur dépôt de plainte. Or, comme le souligne le CNOM, porter plainte est une démarche compliquée pour de multiples raisons :
- L’amnésie fréquente liée aux substances ingérées
- Le choc post-traumatique
- La peur des représailles
- La culpabilité et la honte ressenties
Résultat, de nombreuses victimes renoncent à se faire dépister, ce qui les prive d’un accès aux soins et à la justice. Une situation inacceptable pour l’Ordre des Médecins qui plaide pour un dépistage précoce et accessible à tous sans condition. D’autant que ces tests très spécifiques ne peuvent être réalisés que dans des laboratoires experts en toxicologie, peu nombreux sur le territoire.
Les médecins, souvent en première ligne pour recevoir et accompagner ces victimes, doivent être formés à identifier les signes de soumission chimique, mais surtout disposer des outils nécessaires pour en confirmer la présence.
Dr François Arnault, porte-parole du CNOM
Le remboursement des tests, une mesure de santé publique
Pour le Conseil de l’Ordre, la prise en charge de ces tests sur prescription médicale par l’Assurance Maladie est un levier essentiel. Cela permettrait d’inciter davantage de victimes à se faire dépister rapidement et donc de renforcer leur accès aux soins et à la justice. Une mesure de santé publique indispensable face à la “gravité et l’urgence” de ce problème de société majeur.
Le gouvernement entendra-t-il cet appel ? Certaines initiatives locales ont déjà été prises, comme en Île-de-France où l’Agence Régionale de Santé finance depuis 2021 des “kits de prélèvement” utilisables sans dépôt de plainte. Mais pour endiguer ce fléau, une politique nationale ambitieuse semble plus que jamais nécessaire. En commençant par lever le principal frein au dépistage : son coût prohibitif pour les victimes.
À l’heure où la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est érigée en grande cause du quinquennat, espérons que cet appel crucial sera entendu. Car face à la soumission chimique, chaque minute compte pour apporter aux victimes les réponses médicales et judiciaires qu’elles méritent. Le droit d’être protégées et soignées ne devrait souffrir d’aucune entrave financière.