Depuis avril 2023, le Soudan est déchiré par une guerre civile qui oppose deux factions rivales, plongeant le pays dans une crise humanitaire sans précédent. Des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés, des famines et des épidémies de choléra ravagent la population. Les efforts internationaux pour ramener la paix, comme les récents pourparlers initiés par les États-Unis à Washington, se heurtent à des obstacles majeurs. Pourquoi ces initiatives échouent-elles, et quelles sont les conséquences pour les Soudanais ? Cet article explore les dynamiques complexes du conflit, les tentatives de médiation et les réalités tragiques sur le terrain.
Un Conflit Enraciné dans une Rivalité Militaire
Le conflit au Soudan oppose deux figures militaires de premier plan : le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée soudanaise, et son ancien allié, Mohamed Daglo, surnommé Hemedti, commandant des Forces de soutien rapide (FSR). Ce qui a commencé comme une lutte pour le pouvoir s’est transformé en une guerre totale, avec des combats particulièrement violents dans des régions comme le Darfour et le Kordofan. Les deux camps, loin de chercher un compromis, cherchent à consolider leur contrôle territorial en établissant des administrations parallèles.
Les conséquences de cette rivalité sont dévastatrices. Selon les Nations Unies, la guerre a provoqué la pire crise humanitaire mondiale, avec des millions de personnes contraintes de fuir leurs foyers. Les infrastructures sont en ruines, les hôpitaux manquent de ressources, et la famine menace des régions entières. Une question se pose : comment un conflit entre deux leaders peut-il entraîner une telle catastrophe pour tout un pays ?
Les Efforts de Médiation : Un Parcours Semé d’Embûches
Depuis le début du conflit, plusieurs initiatives internationales ont tenté de réunir les belligérants pour négocier une trêve. Des pourparlers ont eu lieu à Jeddah en Arabie saoudite et à Genève en Suisse, mais aucun n’a abouti à un cessez-le-feu durable. Récemment, les États-Unis ont organisé une réunion à Washington pour réunir des acteurs régionaux clés, notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats arabes unis. Cependant, cette tentative a échoué avant même de commencer, en raison de désaccords diplomatiques.
Les États-Unis n’étaient pas prêts, ayant éliminé le personnel spécialisé sur le Soudan lors d’une restructuration récente, privant le processus de mémoire institutionnelle.
Kholood Khair, analyste soudanaise
Le principal point de discorde concernait une proposition émiratie visant à exclure à la fois l’armée et les FSR d’une future transition politique, une idée rejetée par l’Égypte, qui soutient fermement le général al-Burhane. Ce désaccord a conduit à l’annulation de la réunion, soulignant les tensions entre les puissances régionales impliquées dans le conflit.
Les Puissances Régionales : Alliés ou Obstacles ?
Le rôle des acteurs régionaux complique davantage les efforts de paix. L’Égypte soutient l’armée soudanaise, la considérant comme la seule autorité légitime, tandis que les Émirats arabes unis sont accusés par plusieurs rapports d’experts de l’ONU de fournir des armes aux FSR. Bien que Abou Dhabi nie toute implication, ces allégations alimentent les tensions et sapent la crédibilité des Émirats comme médiateur potentiel.
Pour Mini Minawi, gouverneur pro-armée du Darfour, les médiations internationales manquent de pertinence car elles ne tiennent pas compte des réalités locales. Selon lui, les solutions doivent émaner des Soudanais eux-mêmes, et non des agendas des pays étrangers. Cette position reflète un sentiment croissant de frustration face à l’ingérence extérieure.
Les puissances régionales, en soutenant des camps opposés, prolongent le conflit et compliquent les efforts de paix, transformant le Soudan en un champ de bataille par procuration.
Une Crise Humanitaire d’une Ampleur Inouïe
Sur le terrain, la population soudanaise paie le prix fort. Les combats incessants ont détruit des villes entières, obligeant des millions de personnes à fuir. Les camps de déplacés sont surpeuplés, et les organisations humanitaires peinent à répondre aux besoins croissants. La famine touche des régions comme le Darfour, tandis que des épidémies, notamment de choléra, se propagent rapidement en raison du manque d’accès à l’eau potable et aux soins médicaux.
Pour mieux comprendre l’ampleur de la crise, voici quelques chiffres clés :
- Dizaines de milliers de morts depuis le début du conflit en avril 2023.
- Millions de déplacés, fuyant les combats et les destructions.
- Famine généralisée dans plusieurs régions, notamment le Darfour.
- Épidémies de choléra dues à l’effondrement des infrastructures sanitaires.
Ces statistiques, bien que choquantes, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière chaque nombre se trouve une tragédie humaine : des familles déchirées, des enfants privés d’éducation, et des communautés entières plongées dans le désespoir.
Gouvernements Rivaux : Une Lutte pour la Légitimité
Face à l’impasse diplomatique, les deux camps cherchent à asseoir leur autorité. L’armée, dirigée par al-Burhane, a reconquis la capitale Khartoum en mai 2025 et tente d’y réinstaller un gouvernement dirigé par le nouveau Premier ministre, Kamel Idriss. De leur côté, les FSR ont nommé leur propre chef de gouvernement, Mohamed Hassan al-Ta’ayshi, et mettent en place une administration parallèle, notamment dans le Darfour.
Cette dualité de pouvoir aggrave la fragmentation du pays. L’Union africaine a fermement condamné la formation d’un gouvernement rival par les FSR, estimant qu’elle compromet les efforts de paix. Pourtant, les deux camps semblent déterminés à imposer leur vision, rendant toute réconciliation encore plus difficile.
Pourquoi les Négociations Échouent-elles ?
L’échec des pourparlers de Washington illustre plusieurs obstacles majeurs. Tout d’abord, l’absence de volonté politique interne empêche les belligérants de s’engager pleinement dans le processus de paix. Comme l’explique Bakri Eljack, porte-parole de la coalition civile Sumoud, sans une réelle détermination des parties soudanaises, les efforts internationaux sont voués à l’échec.
En l’absence d’une véritable volonté interne, il est peu probable que les grandes puissances régionales arrivent à des résultats.
Bakri Eljack, porte-parole de Sumoud
Ensuite, les rivalités entre les puissances régionales, comme l’Égypte et les Émirats, compliquent les négociations. Enfin, la situation militaire sur le terrain, où l’armée semble prendre l’avantage face à des FSR affaiblies, réduit l’incitation des belligérants à dialoguer. Selon Tarek Abdelkarim, ancien général, l’échec diplomatique n’a pas d’impact immédiat, car les forces armées estiment avoir le dessus.
Quel Avenir pour le Soudan ?
Alors que les combats se poursuivent, l’avenir du Soudan reste incertain. Les efforts de médiation doivent surmonter non seulement les rivalités internes, mais aussi les divergences entre les acteurs internationaux. Pour les civils soudanais, chaque jour de conflit prolonge une souffrance indescriptible. La communauté internationale, malgré ses bonnes intentions, semble incapable de trouver une solution durable.
Pour sortir de l’impasse, plusieurs pistes pourraient être envisagées :
- Renforcer la médiation locale : Impliquer davantage les acteurs soudanais, comme les coalitions civiles, pour garantir une légitimité aux négociations.
- Neutralité des médiateurs : Choisir des pays ou organisations sans parti pris pour éviter les accusations d’ingérence.
- Aide humanitaire d’urgence : Intensifier l’assistance internationale pour répondre à la crise alimentaire et sanitaire.
Mais sans une volonté commune de paix, ces solutions risquent de rester lettre morte. Le Soudan, riche en histoire et en potentiel, mérite mieux qu’une guerre sans fin. La question demeure : combien de temps encore les Soudanais devront-ils attendre pour retrouver la paix ?
Le Soudan est à un tournant. La paix est possible, mais elle exige un effort collectif et une vision partagée.