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Soudan : Nouveaux Combats et Appel Pressant à une Trêve

Des combats font rage à Babanusa malgré l’annonce d’une trêve unilatérale. L’émissaire américain exige un cessez-le-feu sans conditions alors que les deux généraux se renvoient la responsabilité. La population paie le prix fort… Que va-t-il se passer maintenant ?

Imaginez un pays où la guerre dure depuis plus de deux ans, où chaque semaine apporte son lot de nouveaux combats, de nouvelles victimes et de nouveaux espoirs déçus de paix. C’est la réalité quotidienne du Soudan depuis avril 2023. Et pourtant, mardi encore, l’armée annonce avoir repoussé une attaque majeure tandis que la communauté internationale tente, une fois de plus, d’imposer le silence des armes.

Le Soudan toujours au bord du précipice

Le conflit oppose deux hommes qui étaient autrefois alliés : le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée régulière, et Mohamed Hamdane Daglo, connu sous le nom de Hemedti, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR). Ce qui avait commencé comme une lutte de pouvoir a dégénéré en guerre totale, faisant des dizaines de milliers de morts et déplaçant des millions de personnes.

Au cœur de cette spirale de violence, la région du Darfour et le Kordofan restent les zones les plus meurtries. Récemment, la prise d’El-Facher par les paramilitaires a été accompagnée d’accusations graves de crimes de guerre. Des témoignages font état d’exactions systématiques contre les civils, relançant l’urgence d’une intervention internationale forte.

L’attaque de Babanusa, un nouveau point chaud

Mardi, l’armée soudanaise a déclaré avoir repoussé un assaut des FSR contre la base d’infanterie de Babanusa, dans le Kordofan-Ouest. Cette ville représente le dernier bastion des forces régulières dans la région et contrôle une route stratégique vers le Darfour.

Selon le communiqué militaire, l’attaque a été violemment repoussée : plusieurs véhicules détruits ou capturés, des centaines de combattants neutralisés dont des responsables de terrain et des mercenaires étrangers. Dans ce genre de guerre, les deux camps ont l’habitude de gonfler leurs bilans, et il reste impossible de vérifier ces chiffres de source indépendante, les communications étant coupées depuis des mois.

Ce qui est certain, c’est que ces combats interviennent alors même que le chef des FSR venait d’annoncer une trêve humanitaire unilatérale de trois mois. Une annonce qui, sur le terrain, semble n’avoir eu aucun effet immédiat.

Une proposition de cessez-le-feu rejetée par Khartoum

Parallèlement, une nouvelle initiative diplomatique portée par les États-Unis, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte tente de faire taire les armes. Le texte, dont les détails précis restent confidentiels, a été transmis aux deux parties.

« Nous appelons les deux parties à accepter la trêve humanitaire telle que présentée sans conditions préalables »

Massad Boulos, émissaire américain

Mais le général Burhane a qualifié cette proposition d’« inacceptable » et même de « la pire » reçue jusqu’ici. Il reproche ouvertement à la médiation d’être déséquilibrée, pointant du doigt les Émirats arabes unis, accusés de soutenir logistiquement et militairement les FSR – des accusations qu’Abou Dhabi dément fermement malgré des rapports d’experts et d’organisations internationales.

L’émissaire américain, en déplacement à Abou Dhabi, a balayé ces critiques d’un revers de main, invitant les belligérants à « ignorer ces commentaires » et à se concentrer sur la crise humanitaire.

Un historique de trêves violées

Il faut le rappeler : depuis le début du conflit, aucune trêve n’a réellement tenu. Chaque accord signé sous pression internationale a été violé dans les heures ou les jours qui ont suivi. Les précédentes médiations, à Djeddah ou ailleurs, se sont toutes soldées par des échecs.

Au début du mois de novembre, les FSR avaient déjà accepté le principe d’une pause humanitaire. L’armée n’avait pas répondu. Aujourd’hui, les rôles semblent inversés : les paramilitaires annoncent une trêve unilatérale, mais leurs troupes sont accusées d’attaquer quelques heures plus tard.

Cette valse des annonces montre à quel point la confiance est totalement rompue entre les deux camps. Chacun utilise les propositions de paix comme outil de communication, sans réelle volonté de les appliquer sur le terrain.

La population, grande oubliée du conflit

Derrière les communiqués militaires et les déclarations diplomatiques, ce sont des millions de Soudanais qui souffrent. Plus de 12 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays ou ont fui vers les pays voisins. La famine menace plusieurs régions, notamment le Darfour et le Kordofan.

Les couloirs humanitaires, lorsqu’ils existent, sont souvent pris pour cibles ou bloqués par l’un ou l’autre camp. Les hôpitaux, lorsqu’ils fonctionnent encore, manquent de tout. Les enfants n’ont plus accès à l’école depuis des mois, parfois des années.

Chaque nouvelle offensive, chaque nouvelle annonce de trêve avortée, c’est un peu plus d’espoir qui s’éteint pour des familles entières prises au piège de cette guerre sans fin.

Pourquoi cette guerre semble sans issue

Plusieurs facteurs expliquent la difficulté à mettre fin au conflit :

  • Les intérêts économiques colossaux liés au contrôle des mines d’or, des terres agricoles et des routes commerciales.
  • Le soutien extérieur, avéré ou supposé, de puissances régionales qui prolongent la guerre par procuration.
  • La fragmentation des forces sur le terrain : même au sein de chaque camp, des factions échappent parfois au contrôle des chefs.
  • L’absence totale de confiance entre Burhane et Daglo, qui se considèrent mutuellement comme des traîtres.

Aucun des deux généraux ne semble prêt à faire le premier pas réel vers la paix s’il pense que cela affaiblirait sa position. Et tant que l’un des deux croira pouvoir l’emporter militairement, la guerre continuera.

Vers une nouvelle impasse diplomatique ?

L’initiative actuelle, portée notamment par l’administration américaine, se heurte aux mêmes obstacles que les précédentes. Le refus catégorique du général Burhane, combiné à l’absence de sanctions réelles contre ceux qui violent les trêves, laisse peu d’espoir à court terme.

Pourtant, la pression internationale existe. Les images et témoignages en provenance d’El-Facher ont choqué l’opinion mondiale. Des rapports d’organisations de défense des droits humains parlent ouvertement de crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité.

Mais tant que les armes continuent d’arriver – d’où qu’elles viennent – et que les deux camps estiment avoir les moyens de poursuivre le combat, la voie diplomatique restera une impasse.

Que peut encore faire la communauté internationale ?

Plusieurs pistes sont évoquées dans les cercles diplomatiques :

  1. Renforcer les sanctions individuelles contre les chefs militaires et leurs soutiens financiers.
  2. Imposer un embargo sur les armes vérifiable et effectif.
  3. Soutenir activement les initiatives de la société civile soudanaise qui appellent à un dialogue national inclusif.
  4. Conditionner toute aide économique future à des progrès concrets vers la paix.

Mais pour l’instant, aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre avec la fermeté nécessaire. Et pendant ce temps, les combats continuent.

Le Soudan est à un carrefour. Soit la communauté internationale trouve le moyen de faire plier les deux généraux, soit ce pays risque de sombrer définitivement dans le chaos d’une guerre sans fin. Les prochaines semaines seront décisives. Pour l’instant, les armes parlent plus fort que les diplomates.

À retenir : Malgré les appels répétés à la paix et les annonces de trêve, la guerre au Soudan ne montre aucun signe d’apaisement. Babanusa, El-Facher, le Darfour, le Kordofan… les noms des villes changent, mais le drame reste le même. Des millions de civils continuent de payer le prix d’un conflit de pouvoir entre deux généraux qui refusent de céder.

Et demain ? Personne n’ose plus faire de pronostic. Une chose est sûre : chaque jour qui passe sans cessez-le-feu effectif est un jour de trop pour le peuple soudanais.

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