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Soudan : Les Paramilitaires S’emparent du Champ Pétrolifère Clé

Les paramilitaires viennent de s’emparer du plus grand champ pétrolifère du Soudan, Heglig. L’armée se retire, la production est stoppée net. Ce coup pourrait faire basculer toute la guerre… et plonger deux pays dans le chaos. Que va-t-il se passer maintenant ?

Imaginez un pays déjà à genoux, déchiré par plus de vingt mois de combats sans merci, et soudain, un coup de tonnerre : les paramilitaires s’emparent du cœur battant de son économie, son plus grand champ pétrolifère. C’est exactement ce qui vient de se produire au Soudan, dans la région stratégique du Kordofan. Heglig, ce nom ne dit peut-être pas grand-chose au premier abord, mais il représente bien plus qu’un simple gisement : c’est une artère vitale pour deux nations.

Heglig tombe aux mains des Forces de soutien rapide

Lundi, les Forces de soutien rapide (FSR) ont annoncé avoir pris le contrôle total de la zone de Heglig. Selon leurs propres termes, l’armée régulière a fui face à leur avancée. Du côté militaire, on préfère parler d’un retrait tactique destiné à préserver les installations pétrolières. Quelle que soit la version, le résultat est le même : le site n’est plus sous contrôle gouvernemental.

Situé à la frontière avec le Soudan du Sud, Heglig n’est pas un champ comme les autres. Il traite une grande partie du pétrole sud-soudanais avant son acheminement par pipeline jusqu’à la mer Rouge. Sa perte représente donc un coup dur, non seulement pour Khartoum, mais aussi pour Juba.

Un désastre économique en marche

Un ancien ministre du Pétrole n’a pas mâché ses mots : c’est un véritable désastre. Le Soudan vient de perdre ses deux principaux sites de production encore potentiellement opérationnels. L’économie, déjà exsangue après deux années de guerre, risque de s’effondrer définitivement.

La production a été immédiatement arrêtée. Les équipes techniques ont été évacuées vers le Soudan du Sud. Les ouvriers, eux, ont quitté les lieux dans l’urgence. Plus une goutte de pétrole ne sort de Heglig pour l’instant.

« Le pays a maintenant perdu ses deux principales régions productrices de pétrole, Heglig et le Bloc 6 »

Un ancien haut responsable pétrolier soudanais

Depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, le Nord a vu partir la majorité de ses gisements. Ceux qui restaient, dont Heglig, étaient devenus cruciaux. Leur perte accélère une chute déjà vertigineuse du niveau de vie et des capacités de l’État à fonctionner.

Une stratégie militaire claire

Pourquoi les FSR ont-elles mis autant d’énergie à conquérir cette zone ? La réponse tient en un mot : Khartoum. Après avoir pris l’ensemble du Darfour en octobre, les paramilitaires cherchent maintenant à briser les dernières lignes de défense de l’armée autour du centre du pays.

Le Kordofan est devenu l’épicentre des combats. Contrôler Heglig, c’est couper une source de revenus vitale à l’armée tout en s’ouvrant la route vers la capitale. Les analystes y voient une tentative claire de renverser la donne stratégique après des mois d’équilibre précaire.

Les communications sont quasi inexistantes dans la région. Les deux camps diffusent des communiqués contradictoires. Vérifier les informations sur le terrain relève de l’impossible. Pourtant, les signes d’une offensive massive sont là : intensification des frappes de drones, bombardements, exode de populations.

Le coût humain continue de grimper

Derrière les cartes militaires et les enjeux pétroliers, il y a des civils. Des milliers de familles fuient à nouveau. Les organisations humanitaires alertent sur des risques accrus d’exactions. Et les chiffres glaçants tombent presque chaque jour.

Le 4 décembre, une école maternelle et un hôpital ont été touchés par des frappes attribuées aux FSR. Le bilan de l’OMS est terrible : 114 morts, dont 63 enfants. Des bombardements qualifiés d’« insensés » par le directeur général de l’organisation.

Ces attaques contre des infrastructures civiles ne sont malheureusement pas isolées. Elles s’inscrivent dans une guerre où les règles semblent s’effacer peu à peu. Les deux camps s’accusent mutuellement de viser délibérément les populations.

Le risque d’une nouvelle partition

Plus de vingt mois de conflit ont déjà redessiné la carte du Soudan. L’armée tient encore le nord, l’est et une partie du centre. Les FSR dominent l’ouest et, avec leurs alliés, de vastes zones du sud. La prise de Heglig renforce cette fracture.

Certains observateurs n’hésitent plus à parler d’une possible nouvelle partition du pays. Un scénario cauchemardesque pour une nation qui a déjà vécu la sécession du Sud en 2011 dans la douleur et le sang.

Le Soudan du Sud, voisin et dépendant du pipeline qui traverse Heglig, regarde la situation avec angoisse. Toute interruption prolongée menace directement ses recettes pétrolières, déjà fragiles.

Où va ce conflit sans fin ?

Depuis avril 2023, la guerre a fait des dizaines de milliers de morts. Douze millions de personnes ont été déplacées. Des villes entières sont en ruines. Et pourtant, aucun camp ne semble prêt à céder.

La communauté internationale regarde, condamne, parfois tente de médiatiser, mais les initiatives de paix piétinent. Les intérêts régionaux complexes – Émirats arabes unis, Égypte, Russie, entre autres – compliquent toute tentative de règlement.

Au rythme actuel, le Soudan risque de sombrer encore plus profondément dans le chaos. La prise de Heglig n’est peut-être qu’une étape supplémentaire vers un point de non-retour.

Et pendant ce temps, des enfants continuent de mourir sous les bombes, des familles entières marchent des jours entiers pour fuir, et un pays autrefois prometteur s’enfonce dans l’abîme. La question n’est plus seulement de savoir qui gagnera cette guerre, mais s’il restera quelque chose à gagner.

Plus de vingt mois de guerre, des millions de vies brisées, et maintenant la perte du dernier poumon économique. Le Soudan est à un carrefour tragique.

Il est difficile de rester indifférent face à l’ampleur du drame qui se joue sous nos yeux. Chaque avancée militaire, chaque champ pétrolifère pris ou perdu, a des répercussions immédiates sur des millions de vies humaines. Heglig n’est pas qu’une cible stratégique : c’est le symbole d’un pays qui se déchire et qui, peut-être, ne s’en relèvera pas.

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