Au cœur d’un pays où les échos de la guerre résonnent encore, des héros méconnus se lèvent chaque jour pour redonner espoir à une population brisée. Au Soudan, des milliers de bénévoles, souvent jeunes, s’organisent en Cellules d’intervention d’urgence (ERR), un réseau citoyen qui agit là où les institutions vacillent. Leur mission ? Apporter nourriture, soins, et abri à ceux qui ont tout perdu. Mais qui sont ces anonymes qui, dans l’ombre, tissent à nouveau les liens d’une société déchirée ?
Un Réseau Citoyen Face à la Crise
Dans un pays où le conflit entre l’armée et les paramilitaires fait rage depuis avril 2023, les bénévoles des ERR incarnent une lueur d’espoir. Issus de tous horizons – médecins, étudiants, ingénieurs ou chômeurs – ils partagent un même objectif : répondre aux besoins urgents d’une population en détresse. Implantées dans chaque région du Soudan, ces cellules opèrent avec une agilité remarquable, souvent en collaboration avec des organisations internationales qui, bloquées par l’insécurité, leur confient la gestion des ressources.
« Nous faisons partie de la population, nous venons de là où nous intervenons », déclare un bénévole de Khartoum.
Cette proximité avec les communautés locales leur permet de comprendre les besoins réels, qu’il s’agisse de nourriture, de médicaments ou d’un simple soutien moral. Leur action, souvent menée hors des cadres administratifs, s’appuie sur une connaissance fine du terrain et une détermination sans faille.
Une Réponse Multiforme à l’Urgence
Les ERR ne se contentent pas de distribuer de l’aide. Leur travail touche tous les aspects de la survie en temps de crise. Voici quelques-unes de leurs actions clés :
- Gestion des hôpitaux : Les bénévoles assurent le fonctionnement des établissements de santé, souvent laissés à l’abandon.
- Réparation des infrastructures : Ils rétablissent l’accès à l’eau et à l’électricité dans des zones dévastées.
- Soutien aux victimes : Ils offrent une aide psychologique et sociale, notamment aux femmes et enfants touchés par des violences.
- Éducation et reconstruction : Ils rebâtissent des écoles et organisent des cantines pour nourrir les plus démunis.
Ces initiatives, menées dans des conditions extrêmes, ont permis à plus de quatre millions de personnes de bénéficier d’une aide directe au cours des dix premiers mois du conflit, selon les chiffres des Nations Unies. Dans des villes comme Dilling, assiégée dans le Kordofan-Sud, les bénévoles sont parfois les seuls à pouvoir intervenir.
« Ce sont les seuls capables de nous aider. Grâce à eux, nous mangeons », témoigne une habitante de Dilling, âgée de 22 ans.
Les Héritiers d’une Révolution
Les ERR ne sont pas nées de nulle part. Elles puisent leurs racines dans les comités de résistance, des groupes citoyens apparus dès 2013 pour s’opposer au régime autoritaire d’Omar el-Béchir. Ces réseaux ont joué un rôle déterminant dans la révolution de 2018-2019, qui a conduit à la chute du dictateur. Leur expérience s’est renforcée pendant la pandémie de Covid-19, où ils ont organisé des campagnes de prévention et de vaccination.
Ainsi, lorsque la guerre a éclaté en 2023, ces comités étaient déjà prêts à agir. Dans un contexte où les autorités publiques étaient quasi inexistantes, ils ont pris en charge des tâches vitales : évacuer les blessés, nettoyer les rues jonchées de cadavres, ou encore fournir des médicaments essentiels. Leur organisation, structurée en bureaux spécialisés (logistique, protection des femmes, sécurité), leur permet d’agir avec une efficacité redoutable.
Un Travail à Haut Risque
Travailler dans un pays en guerre n’est pas sans danger. Les bénévoles des ERR opèrent dans des zones où la violence est omniprésente, souvent sous la menace des deux camps en conflit. Considérés comme des extensions de la révolution par les autorités, ils sont régulièrement ciblés. Arrestations, agressions, et même viols font partie des risques qu’ils affrontent au quotidien.
Risques encourus | Exemples |
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Arrestations | Un jeune volontaire arrêté en transportant des couches. |
Violences physiques | Agressions signalées dans plusieurs régions. |
Menaces psychologiques | Suspicion constante des deux camps en conflit. |
Malgré ces dangers, les bénévoles continuent. Un jeune homme de 25 ans, arrêté dans l’État du Nil Bleu, a repris son engagement après sa libération. Cette résilience illustre l’engagement profond de ces citoyens ordinaires, devenus des piliers de l’aide humanitaire.
Documenter l’Indicible
En plus de leur travail sur le terrain, les ERR jouent un rôle crucial dans la documentation des exactions. Dans un pays où la désinformation et la propagande règnent, leurs rapports sont une source fiable pour les organisations internationales. Ils recensent les violations des droits humains, qu’il s’agisse des abus de l’armée ou des paramilitaires, offrant ainsi une voix aux victimes souvent réduites au silence.
Cette mission d’information n’est pas sans conséquences. En dénonçant les atrocités, les bénévoles s’exposent davantage. Pourtant, leur travail a été reconnu à l’échelle internationale, notamment par le prix Rafto des droits humains en septembre 2025, qui a salué leurs « initiatives innovantes d’entraide ».
Un Soutien Essentiel aux Communautés
Dans des régions comme al-Jazirah, où plus d’un million de déplacés sont revenus après la reprise de la zone par l’armée, les ERR ont mis en place des espaces sûrs pour les femmes et les enfants. Ces lieux offrent non seulement des soins médicaux et un soutien psychologique, mais aussi un refuge contre les violences qui gangrènent le pays.
« Ils nous apportent des médicaments, des premiers soins, et un soutien psychologique essentiel », explique une représentante des ERR dans al-Jazirah.
Ce soutien va au-delà de l’aide matérielle. En offrant un sourire ou une parole réconfortante, ces bénévoles redonnent une dignité à ceux qui ont tout perdu. Leur présence, dans des zones souvent inaccessibles aux grandes ONG, fait d’eux une bouée de secours pour des millions de Soudanais.
Un Combat pour l’Avenir
Le travail des ERR ne se limite pas à répondre à l’urgence. En reconstruisant des écoles, en réparant des réseaux d’eau, ou en formant des jeunes à l’aide humanitaire, ils posent les bases d’un avenir meilleur pour le Soudan. Leur action incarne une forme de résistance pacifique, celle d’une jeunesse qui refuse de céder au chaos.
Leur nomination parmi les candidats au prix Nobel de la paix 2025 témoigne de l’impact de leur engagement. Bien que le prix ait finalement été attribué à une autre figure, leur travail continue d’inspirer. Ils rappellent que, même dans les moments les plus sombres, l’humanité peut triompher grâce à la solidarité.
En conclusion, les bénévoles des ERR ne sont pas seulement des secouristes. Ils sont les gardiens de l’espoir dans un pays où tout semble s’effondrer. Leur courage, leur organisation et leur dévouement montrent que, même au cœur de la guerre, la compassion et l’action collective peuvent changer des vies. Combien de temps pourront-ils tenir face aux dangers qui les guettent ? Une chose est sûre : leur histoire mérite d’être racontée.