Imaginez un stade modeste, niché dans une région du nord du Soudan, où les cris des supporters font vibrer les gradins. Dans un pays où la guerre fait rage depuis plus de deux ans, ces moments de joie sont rares. Pourtant, le football, ce sport universel, fait son grand retour, apportant une lueur d’espoir à une population éprouvée par les combats, la faim et les déplacements massifs. Cet article explore comment le ballon rond redonne vie à une nation en crise.
Le Football, Symbole de Résilience
Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans un conflit dévastateur entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR). Ce conflit a causé des dizaines de milliers de morts et forcé des millions de personnes à fuir leurs foyers. Les Nations unies qualifient cette situation de crise humanitaire la plus grave au monde. Pourtant, au milieu de ce chaos, le football refait surface, offrant un moment de répit à une population épuisée.
Depuis juillet, une version réduite du championnat soudanais, une mini-ligue réunissant huit équipes, a été organisée dans trois villes considérées comme sûres : Berber, Atbara et al-Damer. Ces régions, sous contrôle de l’armée, permettent aux matchs de se dérouler loin des ruines de Khartoum, la capitale dévastée. Ce retour du football, même dans des conditions difficiles, est un symbole puissant de la résilience d’un peuple.
Un Retour Chargé d’Émotions
Dans le stade de Berber, l’ambiance est électrique. Les supporters, privés de football pendant des mois, se lèvent pour acclamer leurs équipes préférées, comme Al-Hilal, le champion en titre, ou Hay al-Wadi. Pour beaucoup, assister à un match est bien plus qu’un simple divertissement : c’est un moyen de retrouver un semblant de normalité.
« C’est un sentiment merveilleux, indescriptible, ce retour magnifique », confie un supporter enthousiaste, Ahmed, dans les gradins de Berber.
Ce retour du football est d’autant plus émouvant que les équipes ont dû surmonter d’énormes obstacles. Certaines, comme Al-Hilal et Al-Merrikh, ont passé la saison précédente en exil, s’entraînant en Mauritanie et participant à des compétitions régionales. Malgré la distance, leurs supporters sont restés fidèles, suivant les matchs à distance, souvent via des écrans de fortune.
Les Héros du Terrain
Pour les joueurs, ce retour au Soudan est une renaissance. Mohamed Abdel Rahman, capitaine et meilleur buteur d’Al-Hilal, incarne cette détermination. « Nous sommes enfin de retour chez nous, devant nos supporters », déclare-t-il, un sourire illuminant son visage. Bien que son équipe ne puisse pas jouer dans son stade habituel à Khartoum, il savoure chaque instant sur le terrain.
Pour d’autres, comme Jibril Mohamed Nour, capitaine de Hay al-Wadi, le retour est doux-amer. Son équipe, originaire de Nyala, une ville ravagée par les violences dans le Sud-Darfour, s’est entraînée en Arabie saoudite avant de revenir. « Nos fans nous manquent, notre ville natale nous manque », confie-t-il, tout en se préparant à fouler le terrain boueux de Berber.
Le football soudanais, malgré les défis, continue de briller :
- Al-Hilal a atteint les quarts de finale de la Ligue africaine des champions.
- Les matchs se jouent dans des stades modestes, souvent sur des pelouses abîmées.
- Les supporters retrouvent un sentiment d’unité et d’appartenance.
Un Défi Logistique et Émotionnel
Organiser un championnat dans un pays en guerre est un exploit. Les infrastructures sportives sont souvent en mauvais état, et certains joueurs, privés d’entraînement régulier, doivent redoubler d’efforts pour performer. Pourtant, l’enthousiasme est palpable. Les entraîneurs, arbitres et administrateurs affichent des sourires radieux, malgré les défis.
Shawki Ghareeb, un entraîneur égyptien récemment recruté par Al-Merrikh, reste optimiste. « Les supporters sont là, les joueurs aussi. Avec un système en place, tout peut être amélioré », affirme-t-il. Pour lui, la simple reprise des matchs est une victoire en soi.
Un Espoir pour l’Avenir
La Fédération soudanaise de football ne compte pas s’arrêter là. Mohamed Abdel Samee, l’un de ses administrateurs, annonce déjà des projets ambitieux. « Dès que ce championnat sera terminé, nous planifierons la prochaine saison, avec l’espoir que chaque équipe puisse jouer dans sa ville natale », explique-t-il. Un tel objectif semble audacieux, alors que le conflit ne montre aucun signe d’apaisement.
Pourtant, le football a ce pouvoir unique de transcender les crises. Dans les gradins, les supporters chantent, rient et rêvent d’un avenir meilleur. Chaque but marqué, chaque passe réussie est une petite victoire contre l’adversité. Ce sport, bien plus qu’un jeu, devient un symbole d’espoir et d’unité pour un peuple qui refuse de baisser les bras.
Équipe | Ville d’Origine | Défi Actuel |
---|---|---|
Al-Hilal | Khartoum | Incapacité de jouer dans son stade habituel |
Hay al-Wadi | Nyala | Ville contrôlée par les paramilitaires |
Al-Merrikh | Khartoum | S’entraîne à l’étranger |
Le Football comme Remède à la Crise
Dans un pays où la famine, le choléra et les déplacements massifs font partie du quotidien, le football offre une échappatoire. Les matchs, même joués sur des terrains boueux, permettent aux Soudanais de se réunir, de partager des moments de joie et de rêver à des jours meilleurs. Ce sport, profondément ancré dans la culture du pays, devient un vecteur d’unité.
Pour les jeunes, en particulier, assister à un match ou soutenir une équipe est une façon de retrouver un sentiment d’appartenance. Dans un contexte où les écoles sont fermées et les opportunités rares, le football devient une source d’inspiration et d’espoir.
Un Symbole d’Unité Nationale
Le football soudanais, malgré les défis, montre la voie vers un avenir possible. En réunissant des supporters de différentes régions, il transcende les divisions ethniques et politiques qui alimentent le conflit. Chaque match est une célébration de la résilience, un rappel que, même dans les moments les plus sombres, la passion et l’espoir peuvent triyer.
Alors que le conflit continue de faire rage, le retour du football au Soudan est bien plus qu’un simple événement sportif. C’est une lueur d’espoir, un cri de ralliement pour un peuple déterminé à reconstruire, un match à la fois.