Dans une ville où la guerre fait rage, la faim devient une arme silencieuse mais implacable. À el-Facher, capitale du Nord-Darfour au Soudan, la malnutrition a fauché 63 vies en seulement une semaine, touchant principalement les enfants et les femmes. Cette tragédie, survenue début août, illustre l’ampleur d’une crise humanitaire qui s’aggrave dans un pays déchiré par un conflit brutal. Comment une ville assiégée en arrive-t-elle à un tel point de rupture ?
El-Facher : Une Ville Prise au Piège
El-Facher, dernière place forte de l’armée dans la région du Darfour, vit sous le joug d’un siège imposé par les Forces de soutien rapide (FSR) depuis plus d’un an. Ce conflit, qui oppose les paramilitaires à l’armée régulière depuis avril 2023, paralyse la ville. Les routes sont coupées, les convois humanitaires bloqués, et les habitants, pris en étau, luttent pour survivre dans des conditions inhumaines.
La ville, autrefois un refuge pour des milliers de déplacés fuyant les combats dans les zones voisines, est aujourd’hui un symbole de désespoir. Les camps de déplacés, comme celui de Zamzam en périphérie, ont été attaqués, forçant des populations entières à converger vers el-Facher, où les ressources s’amenuisent à une vitesse alarmante.
La Malnutrition : Une Urgence Silencieuse
Dans les rues d’el-Facher, la faim prend des proportions dramatiques. Selon un responsable du ministère de la Santé, 63 personnes ont succombé à la malnutrition entre le 3 et le 10 août, un chiffre qui ne reflète que les cas recensés à l’hôpital. Parmi les victimes, les enfants et les femmes sont les plus touchés, révélant la vulnérabilité des populations déjà fragilisées par la guerre.
« Soixante-trois personnes sont mortes de malnutrition depuis le 3 août, la plupart sont des enfants et des femmes. »
Un responsable du ministère de la Santé
Les chiffres du Programme alimentaire mondial (PAM) dressent un tableau encore plus sombre : près de 40 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë, dont 11 % dans une forme sévère. Ces statistiques traduisent une urgence sanitaire où chaque jour compte.
Une Cantine Populaire Débordée
À el-Facher, la principale takia, une cantine populaire, est devenue le dernier rempart contre la famine. Chaque matin, environ 1 700 personnes s’y pressent pour obtenir une portion de bouillie traditionnelle, souvent leur seul repas de la journée. Mais les rations, déjà maigres, se réduisent encore : une assiette, autrefois partagée entre trois personnes, doit désormais nourrir sept bouches.
Imaginez une file interminable sous un soleil brûlant, des regards fatigués, des enfants affaiblis. Cette scène, quotidienne à el-Facher, illustre la lutte pour la survie dans une ville où la nourriture devient un luxe.
Face à cette pénurie, certains habitants en sont réduits à consommer du fourrage ou des déchets pour apaiser leur faim. Ce recours à des solutions désespérées montre à quel point la situation est critique.
Une Logistique Humanitaire Paralysée
Le conflit au Soudan ne se limite pas aux affrontements armés. Il a des répercussions directes sur l’acheminement de l’aide humanitaire. Les routes principales, verrouillées par les combats, empêchent les convois d’atteindre el-Facher. Les réserves alimentaires, déjà limitées, s’épuisent rapidement, laissant les organisations humanitaires démunies.
La saison des pluies, qui s’intensifie en août, aggrave encore la situation. Les routes boueuses deviennent impraticables, isolant davantage la ville. Sans accès à l’aide extérieure, les habitants dépendent des maigres ressources locales, insuffisantes pour répondre à une crise de cette ampleur.
Une Crise aux Chiffres Alarmants
Le conflit soudanais, entré dans sa troisième année, a des conséquences dévastatrices. Voici un aperçu des impacts majeurs :
- Dizaines de milliers de morts : Les combats ont coûté la vie à un nombre incalculable de personnes.
- Millions de déplacés : Des populations entières ont fui leurs foyers, cherchant refuge dans des zones comme el-Facher.
- Pire crise humanitaire mondiale : Selon l’ONU, le Soudan traverse une catastrophe sans précédent.
Ces chiffres, bien que choquants, ne racontent qu’une partie de l’histoire. Derrière chaque statistique se cachent des vies brisées, des familles déchirées et des communautés au bord de l’effondrement.
Le Darfour : Une Région à l’Agonie
Le Darfour, région de l’ouest du Soudan, est depuis longtemps marqué par les conflits. Mais la guerre actuelle, opposant l’armée aux FSR, a plongé la région dans une spirale de violence et de misère. El-Facher, en tant que capitale régionale, concentre les tensions et les souffrances d’une population prise en otage.
Les attaques contre les camps de déplacés, comme celui de Zamzam en avril, ont exacerbé la crise. Les habitants, chassés de leurs terres, affluent vers el-Facher, où les infrastructures ne peuvent plus répondre à la demande. Les hôpitaux, débordés, manquent de matériel et de personnel pour traiter les cas de malnutrition sévère.
Que Peut Faire la Communauté Internationale ?
Face à une crise qualifiée par l’ONU de pire crise humanitaire au monde, l’inaction n’est plus une option. Pourtant, les obstacles sont nombreux : insécurité, blocus logistiques, et manque de coordination internationale compliquent l’acheminement de l’aide. Des solutions existent, mais elles nécessitent une mobilisation rapide et concertée :
- Couloirs humanitaires : Négocier des accès sécurisés pour les convois d’aide.
- Financement accru : Mobiliser des fonds pour renforcer les opérations du PAM et d’autres ONG.
- Pression diplomatique : Inciter les parties en conflit à respecter les civils et à cesser les blocus.
Ces mesures, bien que complexes, pourraient sauver des milliers de vies. Mais le temps presse, et chaque jour sans action aggrave le sort des habitants d’el-Facher.
Un Avenir Incertain
La situation à el-Facher est un cri d’alarme. Alors que la famine menace de s’étendre à d’autres régions du Soudan, la communauté internationale doit agir pour éviter une catastrophe encore plus grande. Les enfants, qui représentent la majorité des victimes, incarnent l’urgence de cette crise. Leur survie dépend de la capacité du monde à répondre à temps.
Pour les habitants d’el-Facher, chaque jour est une lutte pour la dignité et la survie. La guerre, la faim et l’isolement ont transformé leur quotidien en cauchemar. Pourtant, au milieu de ce chaos, leur résilience force l’admiration. Mais sans aide immédiate, combien de temps pourront-ils tenir ?
Le Soudan crie, mais qui écoute ?
