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Soudan du Sud : l’Ouganda accusé de violer l’embargo sur les armes

Des experts de l'ONU révèlent que l'Ouganda déploie des troupes et du matériel militaire au Soudan du Sud depuis mars 2025, violant clairement l'embargo sur les armes. Cette ingérence risque de relancer une guerre civile dévastatrice. Que cache ce soutien militaire ?

Imaginez un pays à peine sorti d’une guerre civile sanglante, où les cicatrices sont encore à vif, et où l’ombre d’un nouveau conflit plane déjà. Au Soudan du Sud, le plus jeune État du monde, la situation se dégrade à une vitesse alarmante. Des experts mandatés par les Nations unies viennent de publier un rapport accablant : l’Ouganda, pays voisin, aurait déployé des troupes et du matériel militaire en violation flagrante de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité.

Une ingérence qui change la donne

Depuis plusieurs mois, les tensions s’intensifient entre les forces gouvernementales et les groupes armés fidèles à l’ancien vice-président Riek Machar. Les combats, jusque-là localisés, ont repris de plus belle dès le mois de mars. Mais ce qui frappe dans le dernier rapport des experts de l’ONU, c’est l’intervention directe d’un acteur extérieur : l’Ouganda.

À la demande du président Salva Kiir, Kampala aurait envoyé des soldats des Forces de défense du peuple ougandais (FDPO). Ce déploiement, initialement limité, s’est rapidement élargi. Les experts confirment l’arrivée de personnel supplémentaire, de chars, de véhicules blindés et même de trois hélicoptères militaires. Autant d’éléments qui, selon eux, constituent une violation claire de l’embargo sur les armes instauré en 2018.

Les preuves accumulées par les experts

Les conclusions du rapport ne reposent pas sur des rumeurs. Les experts ont obtenu des confirmations officielles de la part des autorités ougandaises elles-mêmes. Kampala a admis avoir déployé des troupes à la demande de Juba. Depuis, la présence militaire s’est renforcée, principalement autour de la capitale sud-soudanaise.

Les forces ougandaises sont stationnées à quelques kilomètres de Juba, offrant un soutien logistique et opérationnel continu au gouvernement. Cette assistance inclut des moyens lourds : chars d’assaut et véhicules blindés qui circulent librement sur le territoire sud-soudanais. Pour les experts, il s’agit d’une violation caractérisée de l’embargo, qui interdit tout transfert d’armes, de matériel militaire ou de soutien logistique aux parties en conflit.

Le rapport va encore plus loin. L’arrivée de trois hélicoptères militaires ougandais est qualifiée de « violation probable » supplémentaire. Ces appareils renforcent considérablement la capacité aérienne des forces gouvernementales, un atout stratégique majeur dans un conflit où le contrôle du ciel devient décisif.

Une rupture dans les tactiques de combat

Le rapport met aussi en lumière une évolution inquiétante sur le terrain. Les forces sud-soudanaises, en manque de provisions et démoralisées, se sont tournées vers des bombardements aériens relativement aveugles. Cette pratique marque une rupture nette avec les tactiques antérieures.

En mai, le Conseil de sécurité de l’ONU avait déjà exprimé sa vive préoccupation face à l’utilisation de barils explosifs largués sans discernement. Ces méthodes, qui touchent indistinctement civils et combattants, augmentent le risque de crimes de guerre et aggravent la crise humanitaire.

« Le moral en berne et en manque de provisions, les Forces sud-soudanaises de défense du peuple s’en sont remis de plus en plus à des bombardements aériens relativement aveugles. »

Cette dépendance aux frappes aériennes illustre la faiblesse structurelle des forces gouvernementales. Elles compensent leur manque d’organisation par une violence indiscriminée, souvent facilitée par le soutien extérieur.

Un conflit de plus en plus fragmenté

Le rapport décrit une situation complexe et mouvante. Des années de négligence ont profondément fragmenté les forces en présence. On observe désormais un mélange hétéroclite de soldats en uniforme, de transfuges et de groupes armés locaux qui se livrent à des luttes de pouvoir locales.

Les milices, autrefois alliées ou opposantes, se sont parfois absorbées dans des conflits plus locaux. Cette atomisation rend le conflit encore plus difficile à contrôler et à résoudre.

  • Fragmentation des forces gouvernementales et d’opposition
  • Multiplication des groupes armés locaux
  • Transfuges et déserteurs rejoignant des milices
  • Absence de commandement unifié
  • Conflits de plus en plus localisés

Cette mosaïque de combattants complique toute tentative de désescalade. Chaque groupe poursuit ses propres intérêts, rendant les négociations encore plus ardues.

L’inculpation de Riek Machar : un nouveau facteur de tension

Le 11 septembre, Riek Machar, ancien vice-président et chef de l’opposition armée, a été inculpé pour crimes contre l’humanité. Cette décision judiciaire alimente les craintes d’une reprise généralisée des hostilités.

Pour ses partisans, cette inculpation est perçue comme une tentative de neutraliser politiquement et militairement le principal rival du président Salva Kiir. Elle risque de pousser les groupes armés fidèles à Machar à intensifier leurs actions.

Dans un pays où les divisions ethniques et politiques restent très marquées, une telle mesure judiciaire peut rapidement dégénérer en nouvelle vague de violence.

Un pays encore marqué par une guerre dévastatrice

Le Soudan du Sud a accédé à l’indépendance en 2011, après des décennies de guerre contre Khartoum. Mais la paix n’a duré que deux ans. Dès 2013, une guerre civile éclatait entre les forces loyales à Salva Kiir et celles de Riek Machar.

Ce conflit, qui s’est achevé officiellement en 2018, a fait au moins 400 000 morts et déplacé des millions de personnes. Les accords de paix ont permis la formation d’un gouvernement d’union nationale, mais les tensions n’ont jamais vraiment disparu.

Aujourd’hui, le pays reste extrêmement fragile. Les infrastructures sont détruites, l’économie en ruine, et la population vit dans une précarité extrême. Toute nouvelle escalade militaire pourrait plonger le pays dans une catastrophe humanitaire encore plus grave.

Les conséquences régionales et internationales

L’intervention ougandaise soulève de nombreuses questions. Pourquoi Kampala décide-t-elle de s’engager aussi ouvertement ? Quels sont ses intérêts stratégiques dans ce pays voisin ?

Les experts notent que cette ingérence pourrait avoir des répercussions régionales importantes. Elle risque de déstabiliser davantage une zone déjà volatile, où plusieurs pays voisins ont leurs propres intérêts et leurs propres alliés.

Sur le plan international, le rapport met en lumière les limites de l’embargo sur les armes. Malgré les sanctions, du matériel militaire continue d’arriver sur le terrain. Cela pose la question de l’efficacité réelle des mécanismes onusiens face à des acteurs déterminés.

Vers une nouvelle guerre civile ?

Les signaux sont alarmants. L’intensification des combats, l’inculpation de Riek Machar, le soutien militaire ougandais et la multiplication des bombardements aériens indiquent que le pays se rapproche dangereusement d’une nouvelle guerre civile.

Les experts de l’ONU appellent à une réaction rapide du Conseil de sécurité. Ils insistent sur la nécessité de faire respecter l’embargo et de pousser les parties à la table des négociations.

Mais dans un contexte où les intérêts géopolitiques se croisent, et où les divisions internes restent profondes, la route vers la paix semble encore longue et semée d’embûches.

Le Soudan du Sud reste un pays en sursis. Chaque jour qui passe sans progrès réel rapproche le pays d’un nouveau cycle de violence. L’avenir dépendra de la capacité de la communauté internationale à faire pression sur tous les acteurs, internes comme externes, pour qu’ils privilégient le dialogue plutôt que les armes.

En attendant, les populations civiles continuent de payer le prix le plus lourd. Dans les villages dévastés, dans les camps de déplacés, l’espoir d’une paix durable s’amenuise un peu plus chaque jour.

Le rapport des experts de l’ONU est un cri d’alarme. À nous d’écouter, et surtout d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

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