Une tragédie déchirante a frappé le Soudan ce lundi, lorsqu’un bombardement de l’armée régulière a semé la mort et le chaos sur un marché animé du Darfour-Nord. Selon le bilan alarmant communiqué par un groupe d’avocats soudanais, cette frappe meurtrière aurait fait plus d’une centaine de victimes et blessé des centaines d’autres, parmi lesquelles se trouvaient des femmes et des enfants venus faire leurs emplettes hebdomadaires.
La ville de Kabkabiya, théâtre de ce drame, se situe à environ 180 kilomètres à l’ouest d’El-Facher, capitale régionale assiégée depuis plusieurs mois par les redoutables paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Ces derniers contrôlent une partie de cette zone instable de l’ouest soudanais, ravagée par un conflit sanglant opposant l’armée régulière aux FSR depuis avril 2023. Les combats ont déjà fait des dizaines de milliers de morts et plus de 11 millions de déplacés, plongeant le pays dans l’une des pires crises humanitaires de ces dernières années, d’après l’ONU.
Des raids ciblant délibérément les civils
Face à ce nouveau drame, les avocats d’Emergency Lawyers, une organisation prodémocratie documentant les atrocités commises depuis le début de la guerre, ont vivement dénoncé la stratégie de l’armée soudanaise. Selon eux, les raids aériens se concentrent « délibérément sur des zones résidentielles densément peuplées », faisant fi de la vie des civils pris au piège de ce conflit fratricide.
L’armée a nié toute implication, criant au mensonge et accusant les partis politiques soutenant les FSR de propager des fake news. Cependant, des images vidéo tournées après le bombardement et fournies par un groupe de la société civile locale montrent les restes carbonisés d’enfants gisant sur un sol calciné, ainsi que des gens fouillant désespérément les décombres. Un témoignage glaçant de l’horreur vécue par la population.
La famine gagne du terrain
Au Darfour, une région grande comme la France qui abrite un quart de la population soudanaise, la situation ne cesse de se dégrader. Plus de la moitié des 10 millions d’habitants sont aujourd’hui déplacés, fuyant les combats incessants. En juillet, un rapport soutenu par l’ONU révélait qu’après plusieurs mois de siège des FSR, la famine s’était installée dans un grand camp de réfugiés du Darfour-Nord, le blocus empêchant l’acheminement de l’aide et paralysant le commerce.
Exactions contre les civils
Les civils sont les premières victimes de cette guerre sans merci. Outre les bombardements aveugles, les exactions se multiplient sur le terrain. L’ONG Human Rights Watch a récemment accusé les FSR et leurs alliés des milices arabes de crimes de guerre au Kordofan-Sud, un autre État du Soudan. Entre décembre 2023 et mars 2024, ces groupes auraient commis de nombreux « meurtres, viols et enlèvements de résidents de l’ethnie Nuba », en plus des pillages et destructions de maisons.
Face à ces atrocités, Human Rights Watch exhorte la communauté internationale à agir. L’ONG appelle les Nations unies et l’Union africaine à déployer d’urgence une mission pour protéger les populations civiles prises en étau dans ce conflit qui n’en finit pas de gangrener le Soudan. Un cri d’alarme, alors que chaque jour apporte son lot de morts et de souffrances dans l’indifférence quasi-générale.
Le bombardement meurtrier de ce lundi sur un marché du Darfour-Nord est un tragique rappel que malgré les promesses et les discours, ce sont toujours les civils qui paient le plus lourd tribut de la folie des hommes. Pris entre les feux croisés de l’armée régulière et des paramilitaires, la population soudanaise semble condamnée à subir encore longtemps les affres d’une guerre fratricide qui déchire le pays et hypothèque son avenir. Une tragédie sans fin qui se joue loin des caméras et de l’attention du monde, mais dont les cicatrices marqueront durablement le Soudan et son peuple.