Il y a 40 ans, le 15 octobre 1984, naissait dans un concert de bonnes volontés l’association SOS Racisme. Avec sa petite main jaune en logo, elle promettait d’être le fer de lance du combat antiraciste en France. Pari réussi pendant un temps, avant qu’un lent déclin ne s’amorce dans l’indifférence générale, comme en témoigne la quasi absence d’échos autour de son 40e anniversaire. Que reste-t-il aujourd’hui de SOS Racisme ? Retour sur les hauts et les bas d’une association emblématique.
Un lancement en fanfare
Lorsque SOS Racisme voit le jour en 1984, sous l’impulsion de jeunes militants proches du PS comme Julien Dray ou Harlem Désir, l’association surfe sur une forte prise de conscience antiraciste dans le pays. La Marche pour l’égalité de 1983 a marqué les esprits et les crimes racistes se multiplient. SOS Racisme apparaît alors comme une réponse militante, moderne et médiatique à ces enjeux. Concerts géants, badges omniprésents, slogans chocs (“Touche pas à mon pote”)… En quelques mois, l’association s’impose comme un acteur central.
Les premiers combats de SOS sont d’ailleurs des succès, avec notamment des condamnations judiciaires historiques obtenues contre des discriminations dans l’entrée en boîte de nuit. De nombreuses personnalités apportent leur soutien à l’association, qui gagne vite une forte visibilité.
Un âge d’or contrasté
Tout au long des années 80 et 90, SOS Racisme règne sur le paysage antiraciste français. Ses dirigeants, à l’image d’un Harlem Désir charismatique, sont très présents médiatiquement. L’influence de l’association est forte dans les sphères politiques et culturelles.
Pourtant, derrière les succès apparents, certains aspects posent question. SOS est régulièrement taxé de faire le jeu du PS, dont il est très proche. Un certain flou entoure parfois ses financements et son fonctionnement interne. Des voix discordantes dénoncent un antiracisme trop “moral” et pas assez social. Mais dans l’ensemble, la dynamique semble l’emporter.
Le tournant des années 2000
Les années 2000 vont constituer un tournant pour SOS Racisme. L’association est bousculée par l’émergence de nouvelles mouvances antiracistes, souvent plus à gauche et plus radicales, qui lui reprochent ses accointances avec le pouvoir et un certain suivisme sur des sujets clivants comme la laïcité.
La position ambiguë de SOS sur la question du voile, entre défense de la laïcité et lutte contre l’exclusion, lui attire des critiques de tous bords. En s’arc-boutant sur une ligne “républicaine” perçue comme frileuse voire complaisante envers l’islamophobie ambiante, SOS Racisme semble se couper d’une partie de la jeunesse des quartiers populaires.
Face à de nouveaux défis
Ces dernières années, malgré des combats continus et quelques victoires symboliques, SOS Racisme semble peiner à retrouver son écho d’antan. L’association doit faire face à l’émergence de nouvelles causes (discriminations liées à l’identité de genre, intersectionnalité…) et de nouveaux modes d’engagement (réseaux sociaux, démarches inclusives…) qui bousculent son logiciel historique.
Nous avons sans doute eu des angles morts et peut-être cédé parfois à une vision un peu figée de l’antiracisme. Il faut savoir se renouveler.
– Dominique Sopo, président de SOS Racisme
En outre, le climat général autour des questions d’immigration et de vivre-ensemble rend le combat antiraciste toujours plus difficile. Dans un contexte de durcissement des discours, de montée des populismes et des identités, les messages d’ouverture et de fraternité chers à SOS Racisme ont plus de mal à passer.
Vers un nouveau souffle ?
Malgré ce contexte compliqué, les responsables actuels de l’association veulent croire en l’avenir. Ils promettent un “nouveau souffle”, un “changement dans la continuité” autour de combats renouvelés. Discriminations dans l’emploi, contrôles au faciès, racisme en ligne… Les chantiers ne manquent pas pour remettre l’antiracisme au coeur du débat public.
Reste à savoir si SOS Racisme pourra négocier ce virage et incarner un discours audible et rassembleur dans une société française toujours plus polarisée sur ces enjeux. Le défi est de taille pour cette association qui a écrit quelques unes des plus belles pages de l’antiracisme hexagonal mais qui semble aujourd’hui chercher un second souffle. Les prochains mois diront si ses 40 ans auront été l’occasion d’un vrai rebond ou une simple célébration nostalgique.