L’avocate et chroniqueuse tunisienne Sonia Dahmani fait face à une lourde condamnation pour avoir exprimé publiquement son opinion. Arrêtée le 11 mai dernier en direct à la télévision, elle vient d’écoper de deux ans de prison ferme pour “diffusion de fausses nouvelles”, en vertu du controversé décret présidentiel 54.
Une figure médiatique condamnée pour ses propos
Connue pour son franc-parler, Sonia Dahmani n’a pas hésité à aborder des sujets sensibles comme le racisme et la situation des migrants en Tunisie lors de ses interventions médiatiques. Des prises de position qui lui valent aujourd’hui d’être poursuivie dans pas moins de cinq affaires différentes.
En juillet dernier, elle avait déjà été condamnée à un an de prison en première instance, une peine réduite à huit mois en appel en septembre, pour des propos jugés critiques envers le président Kais Saied. C’est finalement une peine de deux ans de prison ferme qui vient de lui être infligée par la justice tunisienne.
Un décret présidentiel controversé
Ces condamnations ont été prononcées en vertu du décret présidentiel 54, promulgué en 2022 par le président Saied pour officiellement lutter contre la diffusion de fausses informations. Mais ce texte est décrié par de nombreux observateurs pour son interprétation très large qui permet de poursuivre journalistes, avocats et opposants politiques.
D’après une source proche du dossier, des dizaines de personnes auraient déjà été poursuivies ou condamnées sur la base de ce décret depuis son entrée en vigueur, selon le décompte du Syndicat national des journalistes tunisiens.
Une “institution judiciaire mise à mal”
Au cœur de l’une des affaires visant Sonia Dahmani, des propos tenus en mai dernier sur un plateau TV. L’avocate avait ironisé sur la possibilité pour les migrants subsahariens de vouloir s’installer durablement en Tunisie malgré la grave crise économique que traverse le pays. Une saillie qui lui vaut aujourd’hui de sérieux ennuis judiciaires.
La secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, n’a pas manqué de réagir. Lors d’une visite à Tunis en juillet dernier, elle avait dénoncé un “recul drastique” des droits humains dans le pays et une “institution judiciaire mise à mal”.
Sonia Dahmani, qui reste poursuivie dans trois autres affaires selon son avocat Me Pierre-Francois Feltesse, est devenue malgré elle le symbole d’une dérive autoritaire qui inquiète en Tunisie. Son cas illustre la détermination du pouvoir à faire taire les voix critiques, quitte à bafouer la liberté d’expression.
Une situation préoccupante dans un pays qui était pourtant perçu comme un îlot démocratique dans une région tourmentée. Les condamnations à répétition de figures comme Sonia Dahmani soulèvent de sérieuses questions sur l’état de droit et l’indépendance de la justice en Tunisie. Une dérive qui suscite l’inquiétude de la communauté internationale et des défenseurs des droits humains.