Les projecteurs de la géopolitique mondiale sont braqués cette semaine sur Astana, la capitale du Kazakhstan, qui accueille le sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Loin d’être un énième raout diplomatique, cette grand-messe illustre de manière éclatante le basculement tectonique en cours dans les relations internationales. Avec en guest stars les présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine, ce sommet consacre la montée en puissance de l’Asie Centrale comme nouvelle plaque tournante des enjeux géostratégiques du 21ème siècle.
L’OCS, une alternative à l’ordre mondial dominé par l’Occident
Fondée en 2001, l’OCS regroupe principalement des pays en délicatesse avec l’Occident : Chine, Russie, Inde, Pakistan, Iran (membre depuis 2021) et la plupart des ex-républiques soviétiques d’Asie Centrale. Sa vocation ? Offrir une plateforme de coopération alternative aux organisations sous leadership occidental comme l’OTAN, avec un fort accent mis sur les enjeux sécuritaires et économiques.
Malgré certaines divergences entre ses membres, l’OCS affiche un front uni dans sa volonté de redistribuer les cartes de la gouvernance mondiale. Comme l’a souligné Vladimir Poutine, elle incarne “un pilier clé de l’émergence d’un ordre multipolaire”. Une ambition symbolisée par l’adhésion du Bélarus comme 10ème membre, un camouflet de plus adressé à l’Occident.
La Russie et la Chine, alliées de circonstance
Si Moscou et Pékin affichent un partenariat « sans limites », notamment face aux sanctions occidentales liées à la guerre en Ukraine, les deux géants restent de facto rivaux pour le leadership régional en Asie Centrale. Cette zone, riche en hydrocarbures, est un enjeu majeur pour la Chine et ses projets de « nouvelles routes de la soie », mais reste traditionnellement dans la sphère d’influence russe.
L’OCS compte 40% de la population mondiale et 30% du PIB. Elle peut devenir un sérieux concurrent aux forums occidentaux.
Vladimir Poutine, Président russe
L’Afghanistan, sujet brûlant à l’agenda
Autre dossier épineux sur la table du sommet : l’Afghanistan, pays observateur de l’OCS, mais en retrait depuis le retour au pouvoir des talibans en 2021. S’il n’y a pour l’instant pas de reconnaissance officielle du régime de Kaboul, certains signes de dégel sont perceptibles. La Chine a nommé un ambassadeur, le Kazakhstan a retiré les talibans de sa liste des organisations terroristes, et Moscou pourrait emboiter le pas. Signe de l’importance du dossier, le secrétaire général de l’ONU est aussi convié à Astana.
Asie Centrale : la nouvelle route de la soie
Le cœur battant du sommet reste cependant les échanges économiques. La Chine, via ses projets titanesques d’infrastructures, entend faire de l’Asie Centrale un hub logistique entre la Chine et l’Europe. Mais la guerre en Ukraine, et les sanctions contre la Russie, ont grippé le corridor de transport via ce pays. D’où la nécessité pour l’UE, comme pour l’Asie Centrale, d’identifier des routes alternatives comme le corridor transcaspien.
Le grand jeu diplomatique en Asie Centrale
Cette course de vitesse pour la maîtrise des routes commerciales renforce le poids stratégique de l’Asie Centrale. Une région courtisée par les puissances régionales (Turquie, Iran), mais aussi par les Occidentaux en quête de diversification face à la Chine. Résultat, un ballet diplomatique incessant dans les capitales, où les dirigeants centrasiatiques tentent de tirer leur épingle du jeu en jouant sur les rivalités.
Le sommet de l’OCS à Astana illustre donc la centralité géopolitique croissante de l’Asie Centrale, épicentre des recompositions en cours. Entre volonté d’autonomie stratégique et tentation du chacun pour soi, parviendra-t-elle à émerger comme un acteur à part entière ? La partie d’échecs ne fait que commencer.