Un nouveau chapitre s’ouvre-t-il dans les relations tumultueuses entre la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et le Sahel? C’est tout l’enjeu du sommet ordinaire qui se tient ce dimanche à Abuja, la capitale du Nigeria. Les dirigeants ouest-africains se réunissent avec à l’ordre du jour deux questions brûlantes: la sécurité régionale et le possible retrait des pays dirigés par des juntes militaires.
L’Alliance du Sahel sur le Départ
Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, qui forment l’Alliance des États du Sahel (AES), ont réaffirmé deux jours avant le sommet leur décision « irréversible » de quitter la Cedeao. Ils accusent l’organisation d’être instrumentalisée par l’ancienne puissance coloniale française. Un départ qui pourrait ébranler les fondements de la coopération régionale.
Le départ de ces trois pays pourrait avoir des implications économiques et politiques importantes, notamment sur la libre circulation des personnes et des biens dans la région.
Une source proche du dossier
Médiations de la Dernière Chance
Pour tenter d’éviter la rupture, plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, désigné médiateur, a affirmé faire des « progrès » dans les négociations. « Il n’y a aucune raison pour qu’ils ne maintiennent pas leurs relations avec la Cedeao, surtout compte tenu de la situation sécuritaire« , a-t-il plaidé.
Le dirigeant togolais Faure Gnassingbé s’est lui aussi investi pour apaiser les tensions. Mais le coup d’État au Niger en juillet 2023, le sixième dans la région en trois ans, a précipité la crise. La Cedeao avait alors brandi la menace d’une intervention militaire et imposé de lourdes sanctions économiques, depuis levées.
Renforcer la Coopération Sécuritaire
Malgré les différends politiques, la lutte contre les groupes jihadistes qui gagnent du terrain au Sahel reste une priorité. Fin août, les chefs d’état-major du Nigeria et du Niger se sont rencontrés pour renforcer leur coopération militaire, notamment la communication entre les deux armées et leur participation à une force commune le long de leur frontière.
Selon des analystes, le délitement des liens entre l’AES et la Cedeao risque cependant d’affaiblir la réponse régionale face à la menace terroriste. « Sans une approche coordonnée et solidaire, il sera très difficile de venir à bout de ces groupes qui profitent des vides sécuritaires et de la porosité des frontières« , prévient un expert des questions de défense.
L’Épineuse Question des Élections
La Guinée, autre pays de la Cedeao dirigé par les militaires depuis 2021, cristallise aussi les antagonismes. Sous la pression, les autorités de Conakry s’étaient engagées à organiser des élections avant fin 2024. Un calendrier qu’elles ont depuis remis en cause, provoquant la réprobation de l’organisation ouest-africaine.
Le respect des échéances électorales et le retour à l’ordre constitutionnel seront assurément au menu des discussions d’Abuja. Mais avec le front uni affiché par l’AES et la Guinée, la Cedeao semble plus que jamais confrontée à ses limites pour peser sur ces régimes non conventionnels. Le sommet s’annonce donc crucial pour l’avenir de la coopération régionale et la stabilité du Sahel.