Au cœur de la Corne de l’Afrique, une élection présidentielle pas comme les autres se déroule actuellement dans la république autoproclamée du Somaliland. Chaque jour, cette région, qui a fait sécession de la Somalie en 1991, change de couleur au gré des campagnes des différents partis politiques. Une tradition unique au monde qui fait la fierté des Somalilandais, qui espèrent que leur comportement démocratique et pacifique leur apportera enfin la reconnaissance internationale qu’ils attendent depuis plus de trois décennies.
Une campagne présidentielle haute en couleur
Imaginez un pays qui change de couleur chaque jour, au rythme des meetings politiques. C’est le spectacle étonnant auquel on assiste en ce moment au Somaliland, à l’approche de l’élection présidentielle du 13 novembre. Les trois principaux partis, Kulmiye, Wadani et UCID, font campagne à tour de rôle dans l’ensemble du territoire.
Ainsi, un jour les villes et villages se parent de vert et de jaune, les couleurs du parti présidentiel Kulmiye. Le lendemain, c’est une marée orange, la couleur de Wadani, qui déferle. Puis vient le tour du vert foncé de l’UCID. Une rotation qui dure jusqu’à la fin de la campagne, prévue dimanche, et qui donne lieu à de grandes manifestations festives et colorées.
Un système électoral unique
Ce système de campagne à tour de rôle, qui précède une élection au suffrage universel direct, est unique au monde. Il illustre l’attachement des Somalilandais au processus démocratique, dans une région marquée par l’instabilité et les tensions.
Il n’y a aucun pays au monde où les gens font campagne comme ça. Ici, la démocratie est une habitude.
Abdisamad, travailleur social de 34 ans
La fierté des habitants est palpable. Beaucoup estiment que leur comportement exemplaire devrait enfin leur valoir la reconnaissance internationale, 33 ans après la proclamation unilatérale d’indépendance du Somaliland.
Une campagne disputée sur fond de tensions régionales
Si la campagne se déroule dans une ambiance bon enfant, elle n’en est pas moins disputée entre les deux favoris, le président sortant Muse Bihi et le leader de l’opposition Abdirahman Irro. Les attaques fusent, sur fond d’accusations de divisions.
L’élection survient aussi dans un contexte de tensions accrues dans la Corne de l’Afrique, après l’annonce par l’Ethiopie d’un accord maritime avec le Somaliland. Un accord dénoncé par la Somalie comme une “agression” contre sa souveraineté. Mais loin des tensions politiques, dans la rue, c’est la fête.
Les jeunes et les femmes au cœur de la campagne
Les meetings sont l’occasion pour les partisans, en majorité des femmes et des jeunes, d’afficher haut et fort leur soutien. Vêtus aux couleurs de leur parti, ils chantent, dansent, et font résonner les rues de leurs slogans.
Comme lors des précédents scrutins, les Somalilandais veulent que cette élection se déroule dans le calme. Un souhait partagé par Anab Jamal Muhammad, mère de 9 enfants, qui votera pour l’opposant “Irro” :
Nous voulons que cette élection se passe pacifiquement.
Anab Jamal Muhammad, électrice
L’espoir d’une reconnaissance internationale
Au-delà de l’enjeu du scrutin, de nombreux Somalilandais espèrent que cette élection sera l’occasion de montrer au monde leur attachement à la démocratie. Une façon pour eux de prouver qu’ils méritent une place à part entière dans le concert des nations.
Le Somaliland est un gouvernement fonctionnel, le peuple du Somaliland est démocratique, il utilise la démocratie directe, il a organisé des élections, élu ses représentants, ses présidents… Tous les piliers de la démocratie sont présents au Somaliland. Pourquoi les autres pays ne nous reconnaissent-ils pas ?
Mahmoud Mohamed Hassan, professeur de sciences sociales
Cette quête de reconnaissance est au cœur des aspirations des Somalilandais. Un peuple qui a su construire, loin des projecteurs, un modèle démocratique original. Et qui espère qu’enfin, le monde saura le voir et le saluer à sa juste valeur.