Imaginez un géant des mers, un trimaran capable de voler sur les vagues à plus de 40 nœuds, prêt à défier les océans pour un tour du monde sans escale. C’est exactement ce qui se prépare en cette fin d’année 2025. Thomas Coville et son équipe viennent de recevoir le feu vert météo tant attendu : le code vert est activé pour Sodebo Ultim 3.
Un Départ Imminent Pour L’ultime Challenge
Le compte à rebours est lancé. Après des semaines d’attente et d’analyse météo minutieuse, l’équipage de Sodebo Ultim 3 s’apprête à quitter Lorient pour rejoindre la ligne de départ virtuelle entre Ouessant et le cap Lizard. Le départ officiel devrait intervenir dans la nuit de lundi à mardi, moment précis où les conditions sembleront optimales pour engloutir les milles à une vitesse folle.
Ce n’est pas une simple traversée. Il s’agit ni plus ni moins que de battre le record absolu du tour du monde à la voile en équipage, détenu depuis 2017 par Francis Joyon et son équipage sur IDEC Sport : 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes. Un chrono mythique que beaucoup ont tenté d’effacer sans succès ces dernières années.
Thomas Coville, Un Habitué Des Records
À la barre, on retrouve Thomas Coville, figure incontournable de la voile océanique française. Le skipper breton n’en est pas à son premier essai sur ce trophée légendaire. Il détient déjà le record en solitaire, réalisé en 2016 en 49 jours et quelques heures. Mais en équipage, la donne change complètement : la vitesse moyenne grimpe, les décisions sont collectives, et la gestion de l’effort devient cruciale.
Coville connaît chaque cap, chaque dépression, chaque zone de convergence. Son expérience est un atout majeur, surtout quand il s’agit de choisir la bonne fenêtre météo. Passer en code vert signifie que les routages prévoient une descente de l’Atlantique rapide, un passage de l’équateur sans encombre et, surtout, des vents portants dans les Quarantièmes Rugissants.
Cette fois, il sera accompagné d’un équipage rodé et complémentaire. On note la présence de Benjamin Schwartz, son fidèle coskipper lors de la récente Transat Café L’Or où ils ont décroché une belle deuxième place. Une complicité déjà éprouvée en course.
Un Équipage Sept Hommes Pour Dompter Le Géant
L’équipe est composée de sept navigateurs, un nombre optimisé pour les Ultim : suffisamment pour gérer les manœuvres complexes, pas trop pour limiter le poids à bord.
Parmi eux :
- Frédéric Denis, routage et navigation de haut vol
- Pierre Leboucher, spécialiste des réglages fins
- Léonard Legrand, jeune talent prometteur
- Guillaume Pirouelle, expert en performance
- Nicolas Troussel, autre grand nom de la voile française
Tous ont déjà navigué ensemble ou sur des campagnes similaires. La cohésion est palpable, essentielle quand on sait que les quarante prochains jours seront un enchaînement de quarts intenses, de réparations d’urgence et de décisions critiques à prendre sous fatigue.
Le trimaran Sodebo Ultim 3 n’est pas un novice non plus. Lancé en 2019, il a déjà prouvé sa vitesse lors de nombreuses transatlantiques. Optimisé au fil des années, il est aujourd’hui l’un des bateaux les plus aboutis de la classe Ultim, capable de voler durablement grâce à ses foils impressionnants.
Le Trophée Jules Verne : Une Histoire De Légendes
Créé en 1993, le Trophée Jules Verne récompense le tour du monde à la voile le plus rapide, sans escale et en équipage. La ligne de départ et d’arrivée est fictive, entre l’île d’Ouessant et le cap Lizard en Cornouailles anglaises. Le parcours : descendre l’Atlantique, passer le cap de Bonne-Espérance, traverser l’océan Indien, contourner le cap Horn, puis remonter l’Atlantique.
Depuis sa création, le record a été battu neuf fois. Chaque amélioration a coïncidé avec une révolution technologique : passage des catamarans aux trimarans géants, puis apparition des foils permettant de décoller la coque centrale.
Le chrono actuel de 40 jours et 23 heures semble presque insurmontable. Pourtant, les nouveaux Ultim, comme Sodebo ou SVR-Lazartigue, ont montré des vitesses moyennes supérieures lors de courses transatlantiques. La marge existe, mais elle est fine. Tout repose sur la météo et la fiabilité du bateau.
« Le Trophée Jules Verne, c’est le Graal absolu de la voile océanique en équipage. C’est à la fois une aventure humaine extrême et une démonstration technologique. »
Ces mots résument bien l’esprit de cette tentative. Ce n’est pas seulement une question de vitesse, mais aussi de résilience face aux éléments.
Les Clés D’une Réussite : Météo Et Stratégie
Pourquoi ce départ en décembre ? Tout simplement parce que l’été austral offre les meilleures conditions dans les mers du Sud. Les dépressions circulent rapidement, offrant des vents forts et portants dans les Quarantièmes et Cinquantièmes.
Le code vert signifie que les prévisionnistes ont identifié une fenêtre favorable pour les premières 48 heures critiques : la descente de l’Atlantique Nord et le passage de l’équateur. Ensuite, il faudra composer avec les systèmes météo successifs.
Le routage à terre, assuré par des experts, jouera un rôle déterminant. Chaque jour, l’équipage recevra des fichiers météo pour ajuster sa trajectoire. Choisir la bonne dépression, éviter les zones de pétole, anticiper les transitions : tout est une question de milles gagnés ou perdus.
Les concurrents virtuels ne manquent pas. D’autres teams surveillent aussi les cartes, prêts à bondir si la fenêtre semble meilleure plus tard. Mais partir le premier, c’est aussi avoir une chance de profiter d’un système météo unique.
Les Dangers D’un Tour Du Monde À Cette Vitesse
À plus de 30 nœuds de moyenne, les impacts avec les objets flottants deviennent dramatiques. Un simple container ou un growler (morceau de glace) peut causer des dégâts irréversibles. Les équipes ont renforcé les zones vulnérables, mais le risque zéro n’existe pas.
Le froid dans les mers du Sud, la fatigue accumulée, les manœuvres sous tension : tout est amplifié. L’équipage doit être prêt à gérer des situations extrêmes, comme une voile déchirée en plein océan Indien ou un foil endommagé.
La gestion de l’énergie à bord est aussi cruciale. Les Ultim sont autonomes en électricité grâce aux hydrogénérateurs et panneaux solaires, mais chaque watt compte pour les pilotes automatiques et les systèmes de communication.
Pourquoi Ce Record Fascine-T-il Autant ?
Parce qu’il incarne l’ultime défi humain face à la nature. Tourner autour de la Terre en moins de 41 jours, sans toucher terre, en équipage réduit, sur un bateau volant : c’est une prouesse qui repousse sans cesse les limites.
Le public suit ces tentatives avec passion. Chaque jour, les positions sont mises à jour, les milles restants calculés, les comparaisons avec le record établies. C’est une course contre la montre autant que contre les éléments.
Et quand le bateau franchit enfin la ligne d’arrivée, l’émotion est immense. Des larmes, des embrassades, la sensation d’avoir accompli l’impossible.
Pour Sodebo Ultim 3, l’aventure commence à peine. Dans quelques heures, ils couperont la ligne. Puis ce sera 40 jours de combat, d’espoir, de doute, de joie intense.
Resteront-ils devant le chrono fantôme d’IDEC Sport ? Parviendront-ils à descendre sous les 40 jours ? Une chose est sûre : ils vont tout donner pour écrire une nouvelle page de l’histoire de la voile océanique.
Nous suivrons cette tentative avec attention, jour après jour, mille après mille. Car c’est aussi cela, la magie du Trophée Jules Verne : partager, même de loin, une aventure hors norme.
À retenir : Le départ de Sodebo Ultim 3 marque le début d’une nouvelle bataille pour le record absolu du tour du monde à la voile. Avec un équipage expérimenté et un bateau optimisé, toutes les conditions semblent réunies pour une tentative historique.
La voile océanique n’a pas fini de nous faire rêver. Et cette tentative de record en est la plus belle illustration.









