Imaginez un instant : il y a encore un an, les États-Unis trônaient sans concurrence au sommet des classements mondiaux d’adoption des cryptomonnaies. Aujourd’hui, une petite cité-État de 5,7 millions d’habitants vient de leur ravir la couronne. Singapour n’est officiellement plus seulement la ville la plus chère du monde… elle est devenue le nouveau centre névralgique de la révolution crypto.
Singapour, nouveau numéro 1 mondial : la fin d’une ère américaine ?
Le verdict est tombé hier : dans le tout dernier classement mondial établi par l’échange crypto Bybit et le cabinet DL Research, Singapour décroche la première place sur 79 pays analysés. Les États-Unis, qui régnaient en maîtres depuis des années, rétrogradent à la deuxième marche du podium. Un séisme.
Ce n’est pas un simple changement de position. C’est le symptôme d’un basculement géopolitique profond : le centre de gravité de la finance décentralisée glisse inexorablement vers l’Asie.
Pourquoi Singapour a tout écrasé
Tout commence par une recette que peu de pays maîtrisent : une régulation claire, stricte mais incroyablement accueillante pour l’innovation. L’Autorité monétaire de Singapour (MAS) a mis en place un cadre licensing parmi les plus sophistiqués au monde. Résultat ? Tous les gros acteurs veulent leur licence singapourienne.
Mais ce n’est pas que de la paperasse. Plus de 11 % de la population singapourienne détient déjà des cryptomonnaies. C’est le taux de pénétration le plus élevé du globe. Quand on sait que le revenu médian y dépasse les 70 000 dollars par an, on comprend vite que ce n’est pas juste du trading de memecoins entre étudiants.
« Singapour combine maturité institutionnelle, clarté réglementaire et engagement massif des utilisateurs. C’est actuellement le cocktail parfait. »
Et les institutions suivent. Les family offices asiatiques, les fonds souverains, même les banques traditionnelles ouvrent des desks crypto à Singapour. La ville-État est devenue le hub où l’on tokenise des yachts, des immeubles entiers et même des parts de fonds privés.
L’explosion asiatique : six pays dans le top 20
Ce qui frappe encore plus, c’est la domination régionale. L’Asie-Pacifique place six pays dans le top 20 : Singapour (1er), Vietnam (9e), Hong Kong (10e), Australie (11e), Philippines (17e) et Corée du Sud (20e).
Derrière Singapour, deux histoires totalement différentes mais tout aussi fascinantes.
Vietnam : l’adoption populaire qui défie tous les pronostics
Le Vietnam, c’est l’anti-Singapour. Pas (encore) de régulation claire, peu d’institutions, mais une adoption de masse hallucinante. Près de 20 % de la population possède des crypto-actifs. C’est énorme.
Pourquoi ? Parce que pour des millions de Vietnamiens, Bitcoin et les stablecoins sont devenus des outils du quotidien : transferts de fonds depuis l’étranger (les remesas), protection contre l’inflation du dong, épargne alternative quand les banques traditionnelles restent hors de portée.
Le pays domine même le classement mondial de l’usage transactionnel et de l’adoption des nœuds décentralisés (type Helium ou autres réseaux DePIN). C’est l’adoption grassroots dans sa forme la plus pure.
Hong Kong : le phénix qui renaît de ses cendres réglementaires
Il y a deux ans, Hong Kong faisait peur. Interdiction des exchanges, répression post-2021… Et puis tout a changé. Nouveau régime de licences, feu vert aux ETF spot Bitcoin et Ethereum, ouverture aux investisseurs retail.
Résultat ? Le territoire bondit à la 10e place mondiale et se positionne comme le pont parfait entre finance occidentale et marchés chinois. Les stablecoins y pullulent, les projets RWA (Real World Assets) se multiplient, et les grands noms reviennent en force.
Le saviez-vous ? Hong Kong est aujourd’hui le seul endroit au monde où un investisseur chinois continental peut (légalement) acheter du Bitcoin via des structures régulées. Un détail qui pèse des milliards.
Les trois grandes tendances qui expliquent tout
Le rapport met en lumière trois phénomènes majeurs qui redessinent la carte mondiale de la crypto.
1. L’explosion de la tokenisation d’actifs réels (RWA)
En un an, la valeur des actifs du monde réel tokenisés a bondi de 63 % pour dépasser les 25,7 milliards de dollars. Immobilier, obligations, œuvres d’art, crédits carbone… tout y passe. Et devinez où se concentre la majorité de ces projets ? Asie du Sud-Est et Golfe persique.
2. L’émergence des stablecoins en monnaie locale
On assiste à une dé-dollarisation douce mais réelle. Des pays lancent leurs propres stablecoins indexés sur leur monnaie nationale : baht thaïlandais, peso philippin, dirham émirati… Objectif : garder le contrôle tout en profitant de la vitesse et du coût bas de la blockchain.
3. Le salaire en cryptomonnaies devient (presque) normal
Le chiffre est vertigineux : 9,6 % des professionnels dans le monde reçoivent aujourd’hui une partie de leur salaire en cryptomonnaies, contre seulement 3 % il y a un an. Multipliez ça par les millions de freelances, développeurs et traders… et vous comprenez l’ampleur du phénomène.
Et les États-Unis dans tout ça ?
Attention, les États-Unis restent un géant. Capital-risque, innovation technologique, ETF Bitcoin spot qui cartonnent… tout ça existe toujours. Mais la machine réglementaire américaine patine. Entre la SEC, la CFTC, les États qui font leurs propres lois et l’incertitude politique, le pays a perdu son avance en termes de clarté.
Résultat : les entrepreneurs crypto regardent ailleurs. Miami reste cool, mais Singapour offre la stabilité. Dubaï propose zéro taxe, le Portugal des visas golden… L’Amérique n’est plus l’unique destination rêvée.
Ce que ça signifie pour l’avenir
Nous assistons probablement au plus grand transfert de pouvoir financier depuis l’émergence de Wall Street au début du XXe siècle. L’Asie n’attend plus l’autorisation de quiconque pour construire la finance du futur.
Et ce n’est que le début. Quand la Chine (même partiellement) ouvrira la porte, quand l’Inde mettra en place son cadre réglementaire, quand le Japon accélérera encore… la carte sera totalement redessinée.
Une chose est sûre : celui qui pensait que la crypto resterait éternellement une histoire américaine vient de prendre une claque monumentale. Le nouveau roi porte un nom asiatique, et il s’appelle Singapour.
La question désormais n’est plus de savoir si l’Asie va dominer la prochaine décennie crypto… mais de combien d’années d’avance elle va prendre au reste du monde.









