À trois semaines de l’élection présidentielle ivoirienne prévue pour le 25 octobre 2025, une annonce retentissante secoue le paysage politique : Charles Blé Goudé, figure emblématique de la scène ivoirienne, a décidé de rallier l’ex-Première dame Simone Ehivet Gbagbo. Ce choix, validé par une large majorité des militants de son parti, le Cojep, lors d’une convention à Yamoussoukro, marque un tournant majeur. Pourquoi ce ralliement ? Quels sont les enjeux pour la Côte d’Ivoire dans ce contexte électoral tendu ? Plongeons dans les dynamiques de cette alliance inattendue.
Un Soutien Stratégique pour Simone Gbagbo
Le ralliement de Charles Blé Goudé à Simone Gbagbo n’est pas une surprise totale. Leur proximité historique, forgée dans l’ombre de l’ancien président Laurent Gbagbo, a toujours été un secret de polichinelle. Cependant, ce choix traduit une stratégie politique audacieuse, alors que la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une élection sous haute tension. Avec 77 % des voix des militants du Cojep en faveur de Simone Gbagbo, Blé Goudé envoie un message clair : l’unité est de mise pour défier le président sortant, Alassane Ouattara, qui brigue un quatrième mandat.
Simone Gbagbo, figure respectée de la gauche ivoirienne, incarne une alternative crédible pour beaucoup. Son passé de Première dame, combiné à son engagement militant, lui confère une aura unique. Mais ce soutien ne se limite pas à une question d’affinités personnelles. Il s’agit d’une tentative de fédérer une opposition fragmentée face à un pouvoir en place solidement ancré.
Charles Blé Goudé : Du « Général de la Rue » à Artisan de la Paix
Dans les années 2000, Charles Blé Goudé était surnommé le « général de la rue » pour sa capacité à mobiliser des foules de jeunes avec des discours enflammés, souvent teintés d’anti-impérialisme. Cette époque semble révolue. Aujourd’hui, Blé Goudé prône des élections apaisées, insistant sur l’absence de violence dans le processus électoral. Ce virage, loin des diatribes qui l’ont fait connaître, témoigne d’une maturité politique, peut-être forgée par ses huit années passées en détention à La Haye.
« Pas une goutte de sang ne doit être versée pour ces élections », a martelé Charles Blé Goudé lors de la convention de Yamoussoukro.
Son acquittement en 2021 par la justice internationale pour des accusations de crimes contre l’humanité a renforcé sa légitimité. Cependant, une condamnation en Côte d’Ivoire liée à la crise post-électorale de 2010-2011 l’empêche de se présenter. Ce contexte explique pourquoi il a choisi de se ranger derrière Simone Gbagbo, une candidate capable de porter les aspirations de ses militants.
Une Rupture avec Laurent Gbagbo
Le soutien à Simone Gbagbo marque également une fracture définitive avec Laurent Gbagbo, ancien mentor de Blé Goudé. Ce dernier, également disqualifié pour des raisons judiciaires, n’a pas encore donné de consigne de vote, laissant planer le doute sur ses intentions. Cette division au sein de l’ancienne garde rapprochée des Gbagbo révèle les tensions internes de la gauche ivoirienne, où les ambitions personnelles et les divergences stratégiques s’entremêlent.
Laurent Gbagbo, figure historique, reste une ombre pesante sur la campagne. Son silence, à ce stade, pourrait soit apaiser les tensions, soit exacerber les rivalités. Simone Gbagbo, en s’appuyant sur le Cojep, cherche à capter une partie de cet héritage politique tout en s’en démarquant.
Le Contexte Électoral : Une Course à Plusieurs Visages
La présidentielle ivoirienne de 2025 s’annonce comme un carrefour crucial pour le pays. Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, brigue un quatrième mandat, une décision qui suscite des critiques dans un pays où les tensions post-électorales ont déjà causé des milliers de morts par le passé. Face à lui, plusieurs figures émergent :
- Simone Ehivet Gbagbo : Soutenue par le Cojep, elle mise sur son expérience et sa popularité.
- Ahoua Don Mello : Ancien ministre proche des milieux russes, il incarne une autre voix de la gauche ivoirienne.
- Jean-Louis Billon : Ancien ministre, il représente une option plus modérée.
- Henriette Lagou : Candidate en 2015, elle revient avec une expérience électorale.
Ce casting diversifié reflète la complexité du paysage politique ivoirien, où les alliances et les ruptures redessinent constamment les équilibres. La présence de ces candidats, aux profils variés, promet une campagne animée, mais aussi à haut risque.
Les Enjeux d’une Élection Apaisée
La crise post-électorale de 2010-2011, qui avait fait plus de 3 000 morts, reste dans toutes les mémoires. Charles Blé Goudé, en insistant sur des élections sans violence, cherche à rassurer une population encore marquée par ces événements. Simone Gbagbo, de son côté, devra convaincre qu’elle peut incarner une alternance crédible tout en évitant les dérapages.
Les défis sont nombreux :
- Réconcilier un pays divisé : Les fractures politiques et ethniques restent vives.
- Mobiliser les jeunes : Ils représentent une part importante de l’électorat, mais sont souvent désabusés.
- Gérer les tensions électorales : Les risques de violences sont réels, comme l’histoire récente l’a montré.
Simone Gbagbo, avec le soutien de Blé Goudé, pourrait capitaliser sur cette volonté de paix pour séduire un électorat lassé des conflits. Mais elle devra aussi faire face à un appareil politique bien huilé du côté d’Alassane Ouattara.
Yamoussoukro : Symbole d’un Ralliement
Le choix de Yamoussoukro pour la convention du Cojep n’est pas anodin. Ville natale de Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance ivoirienne, elle incarne un symbole d’unité nationale. En y organisant cet événement, Blé Goudé et ses militants envoient un message fort : leur ambition dépasse les clivages partisans pour viser une réconciliation plus large.
La convention, qui a réuni des centaines de militants, a été marquée par un vote clair : 77 % des participants ont approuvé le soutien à Simone Gbagbo. Ce chiffre, impressionnant, témoigne de la confiance placée en cette alliance, mais aussi de la discipline du Cojep, qui reste une force politique non négligeable.
Vers un Nouveau Chapitre pour la Côte d’Ivoire ?
À l’approche du scrutin, la question centrale reste : cette alliance peut-elle bouleverser les équilibres politiques ? Simone Gbagbo, avec le soutien de Charles Blé Goudé, dispose d’un atout majeur : une base militante mobilisée et une légitimité ancrée dans l’histoire récente du pays. Cependant, face à un pouvoir en place expérimenté et à une opposition fragmentée, la route vers la victoire s’annonce semée d’embûches.
Ce ralliement pourrait également redéfinir les contours de la gauche ivoirienne. En rompant avec Laurent Gbagbo, Blé Goudé et Simone Gbagbo tentent de construire un nouveau récit, plus inclusif et moins marqué par les luttes du passé. Mais le pari est risqué : réussiront-ils à convaincre un électorat divisé ?
| Candidat | Profil | Atouts |
|---|---|---|
| Simone Gbagbo | Ex-Première dame, soutenue par le Cojep | Popularité, expérience, alliance stratégique |
| Alassane Ouattara | Président sortant, 4e mandat | Machine politique rodée, stabilité économique |
| Ahoua Don Mello | Ancien ministre, proche des milieux russes | Positionnement alternatif, réseau international |
En conclusion, l’alliance entre Charles Blé Goudé et Simone Gbagbo redessine les contours de la présidentielle ivoirienne. Dans un pays où les blessures du passé restent vives, leur discours d’apaisement pourrait séduire. Mais face à un président sortant déterminé et une opposition dispersée, l’issue du scrutin reste incertaine. Une chose est sûre : les prochaines semaines seront décisives pour l’avenir de la Côte d’Ivoire.
