Imaginez commander une robe à 8 euros et recevoir, en même temps, une poupée sexuelle reproduisant le corps d’une enfant. Ce n’est pas un cauchemar dystopique, c’est ce qui s’est réellement passé sur Shein début novembre. L’affaire a choqué la France entière et déclenché une réaction en chaîne jusqu’à Strasbourg.
Le Parlement européen passe à l’offensive
Mercredi, les eurodéputés ont adopté une résolution cinglante. Ils exigent que la suspension temporaire d’une plateforme de commerce en ligne devienne une mesure ordinaire, et non plus exceptionnelle, en cas de violations graves et répétées du droit européen.
Le message est clair : trop, c’est trop.
Un scandale qui a mis le feu aux poudres
Début novembre, des consommateurs français découvrent avec horreur que Shein propose à la vente des poupées sexuelles manifestement pédopornographiques. Dans le même temps, des armes de catégorie A – donc strictement interdites à la vente aux particuliers – apparaissent sur la plateforme.
L’État français réagit immédiatement. Une demande de suspension de trois mois est déposée devant le tribunal judiciaire de Paris. L’audience, initialement prévue mercredi dernier, a été reportée au 5 décembre, l’avocat de l’État ayant reçu trop tard les arguments de la défense de Shein.
Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg.
Shein n’est pas un cas isolé
Le parquet de Paris a révélé mardi qu’eBay fait également l’objet d’une enquête pour vente d’armes illégales. C’est la cinquième procédure du genre, après celles visant Shein, AliExpress, Temu et Wish.
Cinq plateformes majeures dans le collimateur de la justice française en quelques mois. Le constat est accablant : le modèle ultra-low-cost semble aller de pair avec un contrôle qualité et légal souvent défaillant.
« Les conclusions récentes concernant Shein témoignent non pas d’incidents isolés, mais d’un système défaillant »
Résolution du Parlement européen
Cette phrase résume parfaitement le sentiment des eurodéputés : retirer un produit ou présenter des excuses publiques ne suffit plus.
Des suspensions plus rapides et plus simples
Le texte adopté à Strasbourg demande instamment que la suspension des places de marché en ligne ne soit plus considérée comme un ultime recours. Les parlementaires veulent que cette mesure puisse être prise rapidement dès lors qu’il existe des violations systémiques, graves ou répétées.
Concrètement, cela signifierait qu’une plateforme comme Shein pourrait être bloquée en Europe le temps que les problèmes soient réglés, sans attendre des mois de procédure.
Une petite révolution dans le monde du e-commerce.
La Commission européenne sort du bois
Le même jour, la Commission annonçait avoir officiellement réclamé des explications détaillées à Shein suite au scandale français. Bruxelles ne se contente plus d’observer : elle passe à l’action.
Les eurodéputés vont plus loin et invitent la Commission à légiférer sans délai dès qu’une faille juridique manifeste est constatée. Le message entre les lignes : le Digital Services Act (DSA), pourtant entré en vigueur récemment, montre déjà ses limites face à certains acteurs.
Renforcer les contrôles douaniers : la seconde arme réclamée
Au-delà des suspensions, le Parlement cible un autre maillon faible : les douanes. Chaque jour, des millions de colis en provenance de Chine arrivent en Europe sans contrôle réel.
Les eurodéputés demandent aux États membres de renforcer considérablement les contrôles et d’élargir les capacités d’analyse des risques pour détecter et intercepter rapidement les produits non conformes ou dangereux.
L’objectif double : protéger les consommateurs et préserver les entreprises européennes qui respectent les règles face à une concurrence parfois déloyale.
En résumé, le Parlement européen exige deux grandes mesures :
- Suspension rapide et simplifiée des plateformes en cas de manquements graves
- Renforcement massif des contrôles douaniers sur les colis en provenance de pays tiers
Ces deux leviers, combinés, pourraient profondément modifier le paysage du commerce en ligne en Europe dans les mois à venir.
Vers une régulation plus dure du e-commerce asiatique ?
Si la résolution votée à Strasbourg n’est pas contraignante, elle envoie un signal politique extrêmement fort. Les plateformes ultra-low-cost, majoritairement chinoises, sont clairement dans le viseur.
Après des années de laissez-faire, l’Europe semble prête à durcir très sensiblement le ton. La question n’est plus de savoir si des mesures fortes seront prises, mais à quelle vitesse et avec quelle intensité.
Le 5 décembre, lors de la prochaine audience Shein au tribunal de Paris, nous aurons peut-être un premier élément de réponse concret. En attendant, une chose est sûre : le shopping à 5 euros sans réfléchir pourrait bientôt appartenir au passé.
Entre protection des consommateurs, sécurité des enfants et concurrence loyale, l’Europe a choisi son camp. Et ce camp n’est clairement pas celui du tout-est-permis.









