En Serbie, la grogne estudiantine ne faiblit pas. Après des semaines de manifestations contre la corruption qui gangrène le pays, les étudiants ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Dans un appel lancé mercredi sur les réseaux sociaux, ils exhortent la population à une grève générale ce vendredi, dans l’espoir d’accentuer la pression sur le gouvernement.
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres remonte au 1er novembre dernier. Ce jour-là, l’effondrement de l’auvent en béton de la gare de Novi Sad, la deuxième ville du pays, a coûté la vie à 15 personnes. Une tragédie que beaucoup voient comme la conséquence directe de la corruption endémique. La gare venait en effet tout juste d’être rénovée, via un marché de plusieurs millions d’euros attribué à des entreprises chinoise, hongroise et française.
Une mobilisation inédite, un slogan choc
Depuis, le mouvement de contestation a pris une ampleur sans précédent dans le pays. Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés à plusieurs reprises dans la capitale Belgrade et dans de nombreuses autres villes. Leur slogan choc, « La corruption tue », s’affiche sur les pin’s et les banderoles, souvent accompagné du symbole d’une main ensanglantée.
Parmi les principales revendications figurent la publication de tous les documents relatifs au chantier de rénovation de la gare de Novi Sad, mais aussi l’augmentation du budget des universités, la fin des attaques contre les manifestants et une totale transparence sur l’enquête en cours concernant le drame.
Les étudiants appellent à ne « pas travailler », ne « pas consommer »
Pour leur « grève générale » de vendredi, les étudiants mobilisés ont détaillé sur Instagram une série de consignes à l’attention de la population :
- Pour les employés : « ne pas aller travailler », « parler à leurs collègues pour organiser un arrêt du travail » ou « prendre un jour de congé » s’ils craignent la réaction de leur employeur
- Pour tous : « ne pas aller au café », « ne pas aller au restaurant ni commander de repas », « ne pas aller à la salle de sport », « ne pas faire ses courses »
« Prenons notre liberté en main ! Votre participation fait la différence », martèlent-ils dans leur appel à la « désobéissance civile ».
Djokovic affiche son soutien, le pouvoir évoque des « agents étrangers »
Signe de l’impact croissant du mouvement, même la star du tennis Novak Djokovic a affiché publiquement son soutien aux étudiants lors d’une conférence de presse depuis l’Australie. Une prise de position rare dans un pays où peu de personnalités osent critiquer le pouvoir en place.
Justement, du côté du gouvernement, la réponse semble pour l’instant se dessiner sous la forme de contre-manifestations. Le président Aleksandar Vucic a prévu un grand meeting ce vendredi à Jagodina, dans le centre du pays. Et multiplie les références à de mystérieux « agents étrangers » qui seraient derrière le mouvement, une rhétorique classique pour tenter de le discréditer.
Vendredi sera donc une journée test pour jauger le véritable rapport de force entre les étudiants et le pouvoir. En appelant à bloquer l’économie du pays, ne serait-ce que pour 24h, les manifestants espèrent faire plier le gouvernement et obtenir enfin des avancées concrètes dans la lutte contre la corruption qui mine la Serbie. Le bras de fer ne fait sans doute que commencer.