Imaginez-vous à la pompe, juste avant les fêtes de fin d’année, et découvrir que plus une goutte d’essence ne sort. En Serbie, ce scénario cauchemardesque n’est plus de la science-fiction : il pourrait devenir réalité dès la fin décembre.
Une épée de Damoclès sur l’unique raffinerie serbe
Depuis le 9 octobre, les États-Unis ont placé la compagnie pétrolière NIS sous sanctions. Cette entreprise n’est pas n’importe laquelle : elle exploite la seule raffinerie du pays, fournit environ 80 % du carburant consommé et possède près d’une station-service sur cinq. Autant dire que NIS, c’est le cœur battant de l’approvisionnement énergétique serbe.
Le problème ? Gazprom et Gazprom Neft, deux géants russes, détiennent ensemble environ 56 % du capital. Washington exige leur sortie totale pour envisager une levée des sanctions. Pour l’instant, ni Moscou ni les actionnaires russes ne semblent prêts à céder.
Les réserves s’épuisent, le compte à rebours est lancé
Selon les dernières informations communiquées par la compagnie, les stocks de pétrole brut permettent de tenir jusqu’à la fin décembre, pas un jour de plus. Après, c’est l’arrêt brutal de la raffinerie de Pančevo.
Le président Aleksandar Vučić l’a dit sans détour : « Cela entraînera la fermeture de la raffinerie aujourd’hui, demain ou après-demain. » Le ton est grave, et pour cause.
« Quand NIS aura épuisé ses réserves, l’État serbe ne pourra pas aider les stations-service de l’entreprise sous peine d’être frappé par des sanctions secondaires. »
Aleksandar Vučić, président de la Serbie
Les sanctions secondaires, c’est la menace ultime : toute entité – y compris un État – qui continuerait à commercer avec NIS se verrait elle-même sanctionnée. Pour Belgrade, accepter ce risque équivaudrait à mettre en péril l’ensemble du système financier du pays.
Le gouvernement prêt à couper tous les ponts
Face à cette pression, la position serbe est claire : il faudra rompre tout lien avec NIS si les sanctions persistent. Le président l’a répété : aucune aide publique, aucun soutien logistique, aucune transaction financière au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour payer salaires et fournisseurs d’ici la fin de la semaine.
Cette décision, aussi douloureuse soit-elle, vise à protéger la Serbie d’une catastrophe plus grande. Comme l’a expliqué Vučić, maintenir le lien avec une entreprise sanctionnée pourrait entraîner « la destruction complète du système financier de la République de Serbie ».
Et les automobilistes dans tout ça ?
Le gouvernement se veut rassurant : il n’y aura pas de pénurie généralisée. L’État promet de fournir suffisamment de carburant (diesel, essence, kérosène) à toutes les stations qui n’appartiennent pas au réseau NIS.
En clair : les pompistes indépendants et les concurrents seront approvisionnés en priorité. Les avions continueront de décoller, les chauffeurs routiers de rouler… mais les clients habitués des stations NIS devront changer leurs habitudes.
Concrètement :
- 80 % du carburant actuel vient de NIS → il faudra trouver d’autres sources rapidement
- 20 % des stations-service appartiennent à NIS → elles risquent de fermer ou de fonctionner au ralenti
- Le kérosène pour l’aviation est garanti → aucun impact sur les vols
Retour en arrière : comment en est-on arrivé là ?
Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter à 2008. À l’époque, la Serbie, en pleine restructuration économique, cède 51 % de NIS à Gazprom et Gazprom Neft pour 400 millions d’euros seulement – un prix jugé très bas même à l’époque.
L’État serbe conserve aujourd’hui près de 30 % du capital, le reste étant dispersé entre petits actionnaires. Pendant plus de quinze ans, cette alliance russo-serbe a fonctionné sans encombre. L’invasion de l’Ukraine et la guerre des sanctions ont tout changé.
Le gaz, prochain dossier explosif
Le pétrole n’est que la partie visible de l’iceberg. La Serbie dépend à 90 % du gaz russe. Le contrat actuel expire fin décembre et les négociations traînent.
Vučić a fixé un ultimatum clair : si aucun accord n’est trouvé d’ici vendredi, Belgrade ouvrira dès lundi des discussions avec d’autres fournisseurs. Une diversification forcée qui pourrait marquer un tournant historique dans les relations énergétiques serbo-russes.
Entre le marteau américain et l’enclume russe
La Serbie se retrouve coincée dans un étau géopolitique. D’un côté, Washington brandit la menace des sanctions secondaires. De l’autre, Moscou refuse de lâcher un actif stratégique acquis à bas prix.
Belgrade espérait depuis des semaines un compromis : que les Russes vendent leurs parts et que les Américains lèvent les sanctions. Ce scénario s’éloigne chaque jour un peu plus.
Le président serbe marche sur une corde raide. Refuser les exigences américaines expose le pays à l’isolement financier. Céder complètement signifierait renoncer à une relation historique avec la Russie et accepter la perte d’un actif national stratégique.
Quelles conséquences à court et moyen terme ?
À court terme, la fermeture de la raffinerie créerait un choc immédiat. Même si l’État promet qu’il n’y aura « absolument aucun problème » d’approvisionnement global, la transition sera forcément chaotique.
À moyen terme, la Serbie devra :
- Trouver de nouveaux fournisseurs de pétrole brut
- Réorganiser toute la chaîne logistique carburant
- Accélérer la diversification de ses sources d’énergie
- Renégocier ou remplacer le contrat gaz avec la Russie
Autant de chantiers colossaux qui pourraient coûter cher, tant en termes financiers que politiques.
Un réveillon sous tension
Noël orthodoxe tombe le 7 janvier en Serbie. D’ici là, le pays aura peut-être évité le pire… ou plongé dans une crise énergétique sans précédent.
Une chose est sûre : les prochaines semaines seront décisives. Chaque jour qui passe rapproche la Serbie d’un choix cornélien entre souveraineté énergétique et stabilité financière.
Et pendant ce temps, les automobilistes serbes regardent leur jauge avec une angoisse nouvelle. Car derrière les grandes manœuvres géopolitiques, c’est bien leur quotidien qui risque de basculer.
En résumé : la Serbie dispose de quelques semaines pour sauver sa raffinerie ou organiser sa survie sans elle. Les sanctions américaines sur NIS placent Belgrade dans une position intenable. Le président Vučić a déjà prévenu qu’il sacrifiera l’entreprise si nécessaire pour protéger le pays. L’hiver 2025-2026 pourrait marquer un tournant historique pour l’indépendance énergétique serbe.
À suivre de très près.









