Imaginez une scène digne d’un film d’action : des fumées roses et noires envahissent une salle austère, des drapeaux claquent dans l’air, et des cris résonnent entre les murs d’un Parlement. Ce n’est pas une fiction, mais la réalité qui a secoué la Serbie ce mardi, lors de l’ouverture de la session législative de printemps. Des membres de l’opposition, armés de fusées éclairantes et de gaz lacrymogènes, ont transformé cet espace de débat en un véritable champ de bataille symbolique, soutenus par une vague de manifestations étudiantes contre la corruption qui ne faiblit pas.
Une révolte qui prend de l’ampleur
Ce chaos n’est pas un coup de théâtre isolé. Depuis des mois, la Serbie vit au rythme des protestations, déclenchées par un drame qui a marqué les esprits : l’effondrement d’un toit devant la gare de Novi Sad, causant la mort de 15 personnes. Cet accident, survenu après des travaux de rénovation douteux, a mis en lumière des années de négligence et de corruption présumées. Les étudiants, en première ligne, ont fait de ce scandale le symbole d’un système à bout de souffle.
Le Parlement sous tension : un mardi explosif
La séance de ce mardi devait être un moment clé : officialiser la démission du Premier ministre et débattre d’une réforme de l’enseignement supérieur. Mais l’opposition avait d’autres plans. En plein débat, des fumées colorées ont envahi la salle, tandis que des objets – œufs et bouteilles d’eau – fusaient vers les membres du parti au pouvoir. Une source proche de la scène décrit un climat “électrique”, où la colère accumulée a éclaté sans retenue.
“Votre révolution de couleur a échoué, ce pays vivra et continuera à gagner.”
– La présidente du Parlement, face au tumulte
Face à cette révolte, la présidente du Parlement a tenté de reprendre le contrôle, dénonçant une tentative vaine de déstabilisation. Mais les images parlent d’elles-mêmes : drapeaux serbes brandis, pancartes accusatrices, et un slogan qui résonne : “La Serbie se lève”. Le message est clair : pour beaucoup, le régime doit tomber.
Les racines d’une colère profonde
Tout commence avec l’accident de Novi Sad. Ce drame n’était pas un simple hasard, mais le résultat d’années de gestion opaque, selon les manifestants. Les travaux de la gare, mal supervisés, ont cristallisé une frustration qui couvait depuis longtemps. Corruption, favoritisme, manque de transparence : ces mots reviennent sans cesse dans les discours des protestataires, notamment les étudiants, qui exigent des comptes.
Depuis, le mouvement n’a cessé de grandir. Des milliers de personnes descendent dans les rues, de Belgrade à Nis, portant des banderoles et observant des silences poignants en mémoire des victimes. Leur détermination a déjà fait plier plusieurs hauts responsables, dont le Premier ministre, poussé à la démission en janvier.
Des concessions sous pression
Face à cette tempête, le gouvernement a multiplié les gestes pour apaiser la foule. Documents sur les rénovations de la gare rendus publics, grâces accordées aux manifestants arrêtés, fonds supplémentaires pour les universités : autant de mesures visant à répondre aux revendications. Mais pour beaucoup, cela ressemble à des pansements sur une plaie bien plus profonde.
- Publication des dossiers de la gare de Novi Sad.
- Amnistie pour les protestataires interpellés.
- Augmentation du budget de l’enseignement supérieur.
- Poursuites contre les responsables présumés d’agressions.
Ces annonces suffiront-elles à calmer les esprits ? Rien n’est moins sûr. Les étudiants, en particulier, maintiennent la pression, appelant à un grand rassemblement le 15 mars à Belgrade. Leur slogan, “Vos mains sont ensanglantées”, résonne comme un défi lancé au pouvoir.
Un pouvoir sur la défensive
Le président serbe, figure centrale du gouvernement, oscille entre dialogue et fermeté. D’un côté, il promet des enquêtes ; de l’autre, il accuse des forces étrangères de manipuler les protestataires. Une rhétorique qui ne convainc pas tout le monde. “Ils cherchent des boucs émissaires pour éviter de rendre des comptes”, confie une source proche du mouvement étudiant.
Dans ce climat tendu, le Parlement reste un théâtre d’affrontements. Mardi, plusieurs députés auraient été blessés dans la mêlée, selon la présidente de l’assemblée. Mais le vote sur les réformes, notamment la baisse des frais universitaires, a tout de même eu lieu, comme un défi lancé à l’opposition.
Les étudiants, moteur de la contestation
Derrière ce soulèvement, une jeunesse déterminée. Ce sont eux qui, dès le début, ont occupé les rues, bloqué les routes, et fait entendre leurs voix. Leur combat ? Une Serbie plus juste, où l’éducation soit accessible et les responsables tenus pour comptes. Leur dernière action devant le Parlement – 15 minutes de silence pour les victimes – a ému le pays.
Revendication | Action gouvernementale | Réaction étudiante |
Transparence sur Novi Sad | Publication de documents | Jugée insuffisante |
Baisse des frais universitaires | Projet de loi en débat | Attente de résultats concrets |
Justice pour les victimes | Poursuites lancées | Défiance persistante |
Leur mouvement, baptisé “La Serbie se lève”, ne montre aucun signe d’essoufflement. À Nis, ce week-end, des milliers de voix ont encore résonné, preuve que la colère dépasse désormais les grandes villes.
Vers un point de rupture ?
Ce qui se joue en Serbie aujourd’hui dépasse une simple crise politique. C’est un bras de fer entre un peuple excédé et un pouvoir fragilisé. Les prochains jours seront décisifs : le rassemblement du 15 mars pourrait marquer un tournant, ou au contraire, voir le mouvement s’essouffler. Une chose est sûre : la révolte a déjà laissé une empreinte indélébile.
Et si tout basculait ? La Serbie retient son souffle alors que la jeunesse défie l’ordre établi. Le compte à rebours est lancé.
Entre fumées colorées et cris de révolte, ce mardi au Parlement n’était qu’un avant-goût. La question demeure : jusqu’où ira ce soulèvement ? Pour l’instant, les étudiants comptent bien faire trembler les fondations d’un système qu’ils jugent à bout de course.