Dans un geste fort, le gouvernement du Sénégal vient d’annoncer l’allocation de 7,6 millions d’euros pour indemniser les victimes des violences politiques ayant secoué le pays entre 2021 et 2024. Cette décision intervient alors qu’une loi d’amnistie, votée en mars dernier à l’initiative de l’ex-président Macky Sall, couvre encore les faits relatifs à ces troubles. Mais le nouveau pouvoir en place compte bien tourner cette sombre page de l’histoire récente du Sénégal.
Des critères de répartition encore flous
Si le montant global de l’enveloppe destinée aux victimes est connu, les critères précis de répartition restent encore à définir. Un comité interministériel a été chargé de proposer les modalités d’attribution de ces indemnisations. On ignore encore le nombre exact et le profil des bénéficiaires potentiels. Seule certitude, 112 cas jugés d’une « extrême urgence », impliquant des « blessés et traumatismes graves », ont d’ores et déjà été pris en charge via un fonds de solidarité gouvernemental.
Un passé tumultueux
Pour comprendre l’origine de ces violences, il faut remonter à 2021. Selon des sources proches du dossier, le Sénégal a connu depuis cette date des épisodes de troubles meurtriers, provoqués par un bras de fer entre l’ancien opposant Ousmane Sonko, actuel Premier ministre, et l’ex-pouvoir incarné par le président Macky Sall. Au cœur des tensions, le flou maintenu par ce dernier sur son intention de briguer ou non un troisième mandat, une hypothèse vivement contestée au nom du respect de la Constitution.
En parallèle, Ousmane Sonko a lui-même été visé, à partir de février 2021, par des accusations de viols dont le traitement judiciaire a provoqué des émeutes meurtrières. Au total, des dizaines de personnes auraient perdu la vie dans ces violences et des centaines d’autres auraient été arrêtées, dans un contexte social déjà tendu.
Une loi d’amnistie en sursis
Pour tenter une décrispation à l’approche de la présidentielle de 2024, une loi d’amnistie avait été votée en mars dernier. Plusieurs centaines de personnes emprisonnées à la suite de ces événements avaient ainsi pu recouvrer la liberté, dont Ousmane Sonko lui-même et l’actuel président Bassirou Diomaye Faye. Mais cette amnistie pourrait être de courte durée. Le Premier ministre a en effet annoncé fin décembre le dépôt prochain d’un projet de loi visant à l’abroger.
Tourner la page mais ne pas oublier
Au-delà de l’indemnisation financière, cette décision est lourde de sens. Elle marque la volonté des nouvelles autorités sénégalaises de reconnaître les souffrances endurées par les victimes de ces violences politiques. Mais elle soulève aussi des questions. Combien de destins ont été brisés dans cette sombre période ? Quelles cicatrices resteront malgré les compensations promises ? L’abrogation annoncée de la loi d’amnistie permettra-t-elle de faire toute la lumière sur ces événements et d’établir toutes les responsabilités ?
Une chose est sûre, le Sénégal aspire désormais à écrire une nouvelle page de son histoire. Mais pour construire l’avenir, il faudra aussi regarder le passé en face. C’est tout le défi qui attend le gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko. Panser les plaies, sans jamais les oublier.