Imaginez un lieu où la lumière ne s’éteint jamais, où le silence est si pesant qu’il devient une torture, et où l’espoir semble s’évanouir derrière des murs épais. Ce lieu existe, et il porte un nom : la section 209 de la prison d’Evin, à Téhéran. Symbole de la répression du régime iranien, cette « prison dans la prison » est devenue tristement célèbre pour ses conditions inhumaines et son rôle dans la détention de prisonniers politiques, dont des otages étrangers comme Cécile Kohler et Jacques Paris, deux Français arrêtés en 2022. Leur histoire, comme celle de tant d’autres, révèle l’ampleur d’un système conçu pour briser les esprits.
La Section 209 : Une Machine à Briser les Âmes
La section 209 tire son nom d’un simple indicatif téléphonique interne, un détail presque anodin qui cache une réalité glaçante. Située dans l’enceinte de la prison d’Evin, au nord de Téhéran, cette zone est réservée aux prisonniers politiques et aux étrangers accusés de crimes comme l’espionnage. Contrairement au reste de la prison, elle est sous le contrôle direct des services de renseignements iraniens, ce qui la rend impénétrable, même pour les hauts responsables du pays.
Construite dans les années 1970, avant la révolution islamique de 1979, la prison d’Evin a toujours été un lieu de répression. Mais sous le régime des mollahs, elle est devenue un symbole de la lutte pour le pouvoir, où toute dissidence est écrasée sans pitié. La section 209, avec ses cellules minuscules et ses méthodes de torture blanche, incarne cette brutalité à son paroxysme.
Des Cellules Conçues pour l’Isolement
Les témoignages d’anciens détenus dressent un tableau terrifiant des conditions dans la section 209. Chaque prisonnier est confiné dans une cellule d’environ 1 mètre sur 1,80 mètre, sans fenêtre, où un néon brûle en permanence. Cette lumière constante, connue sous le nom de torture blanche, perturbe le sommeil et désoriente l’esprit, créant un sentiment d’éternité oppressante.
« On se sent tellement seul qu’on en vient à attendre les interrogatoires, juste pour voir un visage humain. »
Ancien détenu, 2009
Les prisonniers sont coupés du monde extérieur, sans accès à leurs familles ni à des avocats. Les sorties, rares, se font souvent les yeux bandés, dans une cour exiguë où ils peuvent marcher quelques minutes sous haute surveillance. Ces conditions, conçues pour briser la résistance psychologique, laissent des cicatrices durables.
Cécile Kohler et Jacques Paris : Otages d’un Système
En mai 2022, Cécile Kohler, enseignante, et Jacques Paris, son compagnon, ont été arrêtés en Iran sous l’accusation d’espionnage. Qualifiés d’« otages d’État » par la France, ils sont depuis enfermés dans la section 209, dans des conditions décrites comme « extrêmement dures ». Leur détention illustre une stratégie bien rodée du régime iranien : utiliser des étrangers comme monnaie d’échange dans des négociations internationales.
Leur cas n’est pas isolé. D’autres étrangers, ainsi que des binationaux, ont subi le même sort, souvent sans procès équitable. La France a récemment annoncé son intention de porter plainte devant la Cour internationale de justice pour dénoncer ces détentions arbitraires, soulignant l’urgence de leur libération.
Chiffres clés sur la section 209 :
- 80 cellules d’isolement réparties sur 10 rangées.
- 1 m x 1,80 m : taille moyenne d’une cellule.
- 24/7 : éclairage constant par néon.
La Torture Blanche : Une Arme Psychologique
La torture blanche est l’une des méthodes les plus insidieuses utilisées dans la section 209. En privant les détenus de sommeil, de repères temporels et de contacts humains, elle vise à détruire leur santé mentale. Les interrogatoires, qui peuvent durer des heures, sont souvent accompagnés de menaces ou de violences physiques, renforçant l’effet de désespoir.
Un ancien détenu raconte avoir été interrogé pendant 10 à 12 heures par jour, avec des menaces d’exécution répétées. Une femme, emprisonnée après les manifestations de 2022, décrit des bruits de coups dans les cellules voisines, suivis de mises en garde glaçantes : « Prépare-toi, tu es la prochaine. » Ces récits, bien que rares, révèlent l’ampleur de la cruauté exercée.
Un Traitement Inégal : Étrangers vs Locaux
Si les conditions dans la section 209 sont inhumaines pour tous, certains témoignages suggèrent que les prisonniers étrangers sont parfois mieux traités que les Iraniens. Un ancien détenu français, libéré après neuf mois, explique avoir bénéficié d’une cellule « convenable » par moments, contrairement à ses codétenus locaux, soumis à des traitements encore plus brutaux.
Cette distinction, cependant, n’atténue pas l’arbitraire du système. Les binationaux, non reconnus comme tels par l’Iran, sont particulièrement vulnérables. Leur sort dépend souvent des humeurs des gardiens ou des priorités diplomatiques du régime.
Evin, Symbole de Résistance
Paradoxalement, la prison d’Evin est aussi un symbole de résistance. Lors des manifestations iraniennes, comme celles déclenchées par la mort de Mahsa Amini en 2022, les slogans scandés dans les rues en ont fait une « université » de la dissidence. Les prisonniers, malgré leurs souffrances, deviennent des figures de lutte contre l’oppression.
« L’Iran est une prison, mais Evin est une université ! »
Slogan des manifestants iraniens
Ce paradoxe reflète la résilience du peuple iranien, qui continue de défier un régime autoritaire malgré les risques. La section 209, bien que conçue pour étouffer toute opposition, n’a pas réussi à briser cet esprit de révolte.
Vers une Réponse Internationale ?
La détention de Cécile Kohler et Jacques Paris a ravivé l’attention sur les abus dans la section 209. Les organisations de défense des droits humains, comme Iran Human Rights Monitor, appellent à une pression accrue sur le régime iranien. La plainte déposée par la France devant la Cour internationale de justice pourrait marquer un tournant, bien que les résultats restent incertains.
En attendant, les familles des otages vivent dans l’angoisse, tandis que les détenus luttent pour survivre dans un environnement hostile. Leur courage, face à un système conçu pour les réduire au silence, est une leçon d’humanité.
Aspect | Détail |
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Taille des cellules | 1 m x 1,80 m |
Éclairage | Neon 24/7 (torture blanche) |
Sorties | 30 min, yeux bandés |
Contrôle | Services de renseignements |
La section 209 de la prison d’Evin reste un sombre rappel des dérives d’un régime qui utilise la peur comme arme. Mais elle est aussi le théâtre d’une résistance silencieuse, portée par ceux qui, malgré tout, refusent de plier. Combien de temps encore le monde fermera-t-il les yeux sur cet enfer ?