InternationalSociété

Sécheresse Historique : Téhéran Menacée de Pénurie d’Eau Totale

Les barrages de Téhéran ne contiennent plus que 170 millions de m³ d’eau contre 381 millions l’an dernier. La capitale iranienne de 10 millions d’habitants pourrait-elle vraiment devoir être évacuée faute de pluie ? La situation devient critique…

Imaginez une capitale de plus de dix millions d’habitants où l’eau pourrait venir à manquer au point de rendre la ville inhabitable. Ce n’est pas le scénario d’un film catastrophe, mais l’alerte lancée ces dernières semaines par les plus hautes autorités iraniennes. À Téhéran, les barrages sont à moitié vides et la sécheresse qui frappe le pays atteint des niveaux jamais vus depuis un demi-siècle.

Une chute brutale des réserves d’eau dans la région de Téhéran

Le constat est implacable. Le volume total d’eau stockée dans les barrages qui alimentent la province de Téhéran n’est plus que de 170 millions de mètres cubes. L’an dernier, à la même période, ce chiffre dépassait les 380 millions de mètres cubes. En un an, les réserves ont donc été divisées par plus de deux.

Cette baisse spectaculaire n’est pas un accident isolé. Elle s’inscrit dans une tendance lourde : les précipitations enregistrées cet automne sont quasi inexistantes. Le troisième mois de la saison n’a apporté que 1,7 millimètre de pluie, soit une chute de 96 % par rapport à l’année précédente.

Les premières pluies d’automne, enfin arrivées un lundi soir, ont été trop tardives et bien trop faibles pour inverser la tendance. Les experts locaux parlent d’un déficit pluviométrique « quasiment sans précédent depuis un siècle » dans la capitale.

Une sécheresse historique à l’échelle nationale

L’Iran traverse cette année la pire sécheresse depuis soixante ans. Dans les 31 provinces du pays, les cumuls de pluie sont inférieurs à la normale. Quatre régions concentrent les situations les plus critiques : Bouchehr au sud-ouest, Khorasan du Sud à l’est, ainsi que Qom et Yazd au centre affichent des déficits proches ou supérieurs à 100 %.

Cette aridité exceptionnelle touche aussi bien les zones désertiques traditionnelles que les massifs montagneux qui, habituellement, reçoivent neige et pluie en abondance. Le versant sud de l’Alborz, où niche Téhéran, n’échappe pas au phénomène.

« Le faible niveau des précipitations est quasiment sans précédent depuis un siècle »

Un responsable local, octobre dernier

Des mesures d’urgence déjà en place

Face à l’ampleur du problème, le gouvernement a pris des décisions radicales. Depuis novembre, des coupures d’eau nocturnes périodiques ont été instaurées dans la capitale pour préserver les réserves restantes.

Ces restrictions, bien qu’impopulaires, apparaissent comme la seule solution immédiate pour éviter une pénurie totale. Elles touchent des millions d’habitants et bouleversent le quotidien, surtout dans les immeubles de grande hauteur où la pression baisse rapidement.

Plus inquiétant encore, le président Massoud Pezeshkian a évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’une évacuation partielle ou totale de Téhéran si la situation ne s’améliore pas. Une hypothèse qui semble irréelle pour une métropole de cette taille, mais qui illustre la gravité perçue par les autorités.

Pourquoi Téhéran est-elle particulièrement vulnérable ?

La capitale iranienne est coincée entre deux contraintes géographiques majeures. Au nord, le massif de l’Alborz bloque les masses d’air humide venues de la Caspienne. Au sud et à l’est s’étendent des déserts parmi les plus arides de la planète.

Historiquement, la ville a toujours dépendu des barrages construits sur les rivières descendant des montagnes et de la fonte printanière des neiges. Or, ces dernières années, l’enneigement hivernal a fortement diminué et les pluies automnales se font rares.

À cela s’ajoute une croissance démographique rapide. En quelques décennies, Téhéran et sa périphérie sont passées de cinq à plus de dix millions d’habitants, augmentant mécaniquement la pression sur les ressources hydriques.

À retenir : Le volume d’eau disponible par habitant dans la province de Téhéran a été divisé par plus de deux en un an. Une situation qui place la capitale parmi les grandes villes les plus menacées par le stress hydrique dans le monde.

Quelles perspectives pour les prochains mois ?

L’hiver approche et, avec lui, l’espoir de précipitations plus généreuses. Traditionnellement, la période la plus froide apporte neige sur l’Alborz et pluie en plaine. Mais les modèles météorologiques ne laissent guère d’optimisme : la tendance à la sécheresse semble installée pour plusieurs saisons.

Sans un renversement spectaculaire du régime pluviométrique d’ici le printemps, les réserves des barrages risquent d’atteindre des niveaux critiques avant l’été prochain. Un scénario qui rendrait les restrictions actuelles presque dérisoires.

Au-delà des mesures d’urgence, des voix s’élèvent pour demander une réflexion de fond : transfert d’eau depuis d’autres bassins, modernisation des réseaux (qui perdent parfois 30 % de l’eau transportée), changement des pratiques agricoles très gourmandes en eau… Des chantiers colossaux qui prennent des années.

Un avertissement pour le reste du monde

Ce qui se passe aujourd’hui à Téhéran n’est pas un cas isolé. De nombreuses métropoles, du Cap à São Paulo en passant par Chennai, ont déjà frôlé ou connu la « journée zéro » où les robinets restent à sec.

Le cas iranien rappelle avec brutalité que même les grandes capitales, symboles de puissance et de modernité, restent profondément dépendantes des caprices du climat et de la gestion durable de leurs ressources.

Alors que les négociations climatiques internationales peinent à produire des résultats concrets, la crise de l’eau à Téhéran agit comme un signal d’alarme. Demain, d’autres mégapoles pourraient se retrouver dans la même situation si rien n’est fait pour anticiper et adapter les villes au changement climatique en cours.

Pour l’instant, les habitants de Téhéran retiennent leur souffle en regardant le ciel. Chaque nuage qui passe au-dessus de l’Alborz est scruté avec espoir. Mais pour combien de temps encore ?

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.