L’onde de choc provoquée par les accusations d’islamophobie à l’IEP de Grenoble en 2021 continue de se faire ressentir. Le tribunal administratif vient en effet de confirmer la décision de l’école de ne pas sanctionner les 17 étudiants syndiqués qui avaient lancé une cabale contre deux professeurs, Klaus Kinzler et Vincent Tournier. Une affaire qui avait pourtant pris une ampleur nationale, mettant en lumière les débats houleux autour de l’islamophobie et de la liberté d’expression dans l’enseignement supérieur français.
Retour sur une polémique qui a ébranlé Sciences Po Grenoble
Tout commence en janvier 2021 quand l’Union syndicale, un syndicat étudiant de gauche, demande à la direction de l’IEP de prendre des mesures contre « l’islamophobie », visant nommément Klaus Kinzler et Vincent Tournier pour leurs cours et prises de position. Quelques jours plus tard, les noms des deux enseignants sont tagués sur les murs de l’école, associés aux mots « fascistes » et « islamophobes ». Face aux menaces, ils sont contraints de se mettre en retrait.
Alors que la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal dénonce un « islamo-gauchisme » qui gangrènerait les universités, la polémique prend une tournure nationale. Pourtant, le conseil de discipline de Sciences Po Grenoble choisit de ne pas sanctionner les étudiants, estimant que leurs propos relèvent de la liberté d’expression. Une décision confirmée trois ans plus tard par la justice administrative, au grand dam du rectorat qui réclamait des sanctions.
Le spectre de l’islamophobie qui plane sur les universités
Pour beaucoup, cette affaire est symptomatique des tensions qui traversent le monde académique autour des questions identitaires et religieuses. La lutte contre l’islamophobie, souvent portée par des syndicats étudiants de gauche, se heurte à la défense de la laïcité et de la liberté d’expression des enseignants. Un affrontement qui prend parfois des allures de chasse aux sorcières, comme l’a vécu Klaus Kinzler, accusé d’islamophobie pour avoir osé participer à un débat critique sur l’islamisme.
À l’IEP Grenoble, certains ont perdu de vue la manière dont un débat démocratique doit se tenir.
Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS
Pour tenter de sortir de la crise, Sciences Po Grenoble a mis en place un comité de personnalités chargées de restaurer un « climat de confiance ». Mais trois ans après, les stigmates restent vivaces. L’absence de sanctions envers les étudiants accusateurs pose question. Faut-il y voir un blanc-seing accordé à la censure de toute critique de l’islam dans les universités ? Un encouragement aux militant·es prompt·es à lancer des cabales au nom de la lutte contre l’islamophobie ?
La liberté d’expression universitaire en péril ?
D’autres s’inquiètent d’un effet d’autocensure chez les enseignants, qui n’oseraient plus aborder certains sujets sensibles de peur d’être taxés d’islamophobie. Un climat délétère pour le débat académique et la mission émancipatrice de l’université.
La sociologue Nathalie Heinich avait ainsi refusé de participer au comité de l’IEP Grenoble, estimant qu’il faudrait d’abord « une réflexion approfondie sur les présupposés qui ont permis à une telle crise de se développer », notamment « l’idéologie dite « woke », venue des campus américains ».
De son côté, Klaus Kinzler, qui a pu réintégrer l’IEP après avoir saisi la justice, veut tirer les leçons de cette affaire et milite pour une formation des étudiants aux valeurs de la République et de la laïcité. Car pour lui, la liberté d’expression et la lutte contre toutes les discriminations doivent aller de pair, loin de tout manichéisme :
C’est parce que je suis viscéralement attaché à la lutte contre le racisme que je me suis retrouvé accusé d’islamophobie. C’est absurde.
Klaus Kinzler, enseignant à Sciences Po Grenoble
Trois ans après, le malaise semble persister à Sciences Po Grenoble. La question de l’islamophobie et de sa dénonciation reste un sujet inflammable, symptomatique d’une université traversée par des clivages idéologiques profonds. Un signal inquiétant pour l’avenir du débat et de la liberté académique dans l’enseignement supérieur français.
La sociologue Nathalie Heinich avait ainsi refusé de participer au comité de l’IEP Grenoble, estimant qu’il faudrait d’abord « une réflexion approfondie sur les présupposés qui ont permis à une telle crise de se développer », notamment « l’idéologie dite « woke », venue des campus américains ».
De son côté, Klaus Kinzler, qui a pu réintégrer l’IEP après avoir saisi la justice, veut tirer les leçons de cette affaire et milite pour une formation des étudiants aux valeurs de la République et de la laïcité. Car pour lui, la liberté d’expression et la lutte contre toutes les discriminations doivent aller de pair, loin de tout manichéisme :
C’est parce que je suis viscéralement attaché à la lutte contre le racisme que je me suis retrouvé accusé d’islamophobie. C’est absurde.
Klaus Kinzler, enseignant à Sciences Po Grenoble
Trois ans après, le malaise semble persister à Sciences Po Grenoble. La question de l’islamophobie et de sa dénonciation reste un sujet inflammable, symptomatique d’une université traversée par des clivages idéologiques profonds. Un signal inquiétant pour l’avenir du débat et de la liberté académique dans l’enseignement supérieur français.