L’affaire Joël Le Scouarnec, ce chirurgien accusé d’agressions sexuelles sur 299 jeunes patients, ne cesse de révéler l’ampleur d’un scandale aux multiples ramifications. Alors que son procès s’ouvre le 24 février, les récentes révélations suggèrent qu’un lourd silence, une véritable omerta médicale, a longtemps protégé celui que l’on surnomme désormais le chirurgien pédocriminel.
Des signalements multiples mais ignorés
Dès 2004, une enquête est ouverte sur Joël Le Scouarnec après un signalement du FBI le concernant pour consultation de sites pédopornographiques. Condamné en 2005 à 4 mois de prison avec sursis, il continue pourtant d’exercer, changeant d’établissement, sans que sa hiérarchie ne soit informée. Certains de ses collègues, comme le Dr Thierry Bonvalot à Quimperlé, sonnent l’alarme dès 2006.
Je réalise qu’il est dangereux et je lui demande de démissionner. Il refuse.
Dr Thierry Bonvalot
Mais malgré les signalements répétés du médecin auprès de la direction de l’hôpital et du Conseil de l’Ordre, rien ne se passe. Le Scouarnec est même titularisé chef de service à l’été 2006. Les autorités de tutelle, informées, se renvoient la balle. Aucune mesure concrète n’est prise.
Un « échec collectif » dénoncé
Pour les victimes et les associations qui les défendent, il s’agit d’un véritable « échec collectif ». Combien de personnes savaient mais n’ont rien fait ? C’est la question qui hante les esprits et nourrit la colère des parties civiles.
Ils savaient et n’ont rien fait. Je veux qu’ils soient jugés.
Une victime sous anonymat
L’association « La Voix de l’Enfant » et « Face à l’Inceste » ont porté plainte contre X pour « mise en danger d’autrui » et dénoncent « l’inaction » coupable des autorités médicales et administratives. Le parquet de Lorient a ouvert une enquête préliminaire pour « non-empêchement de crime ».
Le procès d’un système
Au-delà du cas Le Scouarnec, c’est bien un système entier qui semble avoir failli et qui devra aussi répondre de ses manquements. Comment un prédateur sexuel a-t-il pu passer entre les mailles du filet aussi longtemps malgré les alertes ? Quelles failles, quels dysfonctionnements ont permis cela ?
Le procès qui s’ouvre doit faire la lumière sur les responsabilités de chacun. Pour que les victimes obtiennent justice. Pour qu’un tel scandale ne se reproduise plus. L’omerta n’a plus sa place dans nos institutions. C’est un devoir de transparence et de protection des plus vulnérables qui doit prévaloir.
Le monde médical doit tirer les leçons de ce drame et revoir en profondeur ses procédures de signalement et de sanction. Aucun médecin ne devrait pouvoir exercer en toute impunité après une condamnation pour consultation d’images pédopornographiques. C’est un minimum.
L’affaire Le Scouarnec doit marquer un tournant. Il en va de la confiance des patients dans le système de santé, pilier essentiel de notre société. Cette confiance a été trahie. Il faudra du temps et des actes forts pour la restaurer. La vérité et la justice sont des étapes indispensables sur ce chemin.