Le procès des viols de Mazan, qui se tient actuellement à Avignon, n’en finit pas de révéler son lot de surprises et de controverses. Mercredi 18 septembre, l’audience a été le théâtre d’un nouveau scandale lorsque des avocats de la défense ont demandé la diffusion de photos intimes de Gisèle Pelicot, 72 ans, la victime présumée au cœur de cette affaire hors normes.
Des clichés compromettants projetés en pleine audience
Alors que Gisèle Pelicot témoignait à la barre, les avocats de certains des 50 accusés ont réclamé le visionnage de 27 photographies issues du disque dur de Dominique Pelicot, l’ex-mari de la septuagénaire. Selon la défense, ces clichés intimes du couple seraient “utiles à la manifestation de la vérité” car ils suggèreraient que la victime était consentante lors des actes sexuels imposés par son conjoint et des inconnus.
Gisèle Pelicot, qui se bat depuis le début du procès pour que les débats soient intégralement publics, a donné son accord pour la diffusion des images, non sans un certain malaise. Dans un silence de plomb uniquement rompu par les clics de souris du président, les photos défilent alors sur l’écran de la salle d’audience, révélant l’intimité d’un couple à la dérive.
“J’ai l’impression que la coupable, c’est moi”
Mais rapidement, la victime s’insurge. Pour la première fois depuis l’ouverture du procès, Gisèle Pelicot hausse le ton :
“On veut dire que j’ai appâté ces hommes. J’ai l’impression que la coupable, c’est moi”
s’emporte-t-elle à la barre.
Pointant du doigt certains clichés, elle affirme avec force : “Ce n’est pas moi sur ces photos !”. Un moment de tension rare dans ce procès des plus singuliers.
Un procès sous le signe de la “soumission chimique”
Depuis le 2 septembre dernier, Gisèle Pelicot fait face à son ex-mari, Dominique Pelicot. Cet ancien électricien comparaît libre devant la cour criminelle du Vaucluse pour “complicité de viol par administration de substances” et “complicité d’agressions sexuelles par administration de substances”. Il est accusé d’avoir drogué son épouse à son insu pendant des années, avant de la livrer à des inconnus contactés sur internet pour des relations sexuelles imposées.
Au cœur des débats : la question de la soumission chimique. Gisèle Pelicot affirme avoir été droguée par son mari via des médicaments dissous dans son café du matin, la plongeant dans un état second avant les viols. Une version contestée par Dominique Pelicot, qui évoque un “jeu” librement consenti par son épouse. Les analyses toxicologiques menées pendant l’enquête n’ont pas permis de détecter la présence de “drogues du viol” dans l’organisme de la septuagénaire.
Un dossier “hors normes” pour la justice française
Au-delà du débat sur le consentement de la victime présumée, c’est l’ampleur de l’affaire qui sidère. 51 hommes au total sont cités dans cette procédure fleuve, du jamais-vu pour la justice française en matière de crimes sexuels. Parmi eux, 50 “clients” de Dominique Pelicot, âgés de 26 à 73 ans et issus de tous milieux sociaux : chef d’entreprise, aide-soignant, représentant de commerce, fonctionnaire…
Tandis que l’ancien mari encourt 20 ans de réclusion criminelle, les 50 autres accusés comparaissent pour “viol” ou “agressions sexuelles” et risquent jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Ils assurent avoir été “dupés” par Dominique Pelicot qui leur faisait croire, photos intimes à l’appui, que son épouse était consentante.
Le calvaire d’une femme sous emprise
Pendant ce temps, Gisèle Pelicot, décrite comme une femme fragile et sous emprise, livre un récit glaçant. Humiliations, violences sexuelles à répétition, chantage au suicide… La septuagénaire était, selon ses dires, totalement soumise à son mari manipulateur.
“Je n’arrivais pas à me soustraire à l’emprise qu’il avait sur moi”
a-t-elle confié à la barre, évoquant sa “peur de tout perdre”.
Un calvaire qui aurait duré pendant près de 10 ans, dans l’indifférence générale, jusqu’à ce que Gisèle Pelicot trouve la force de porter plainte en 2020, deux ans après le décès de son mari.
La diffusion des photos intimes lors de l’audience de mercredi a ravivé les blessures de cette femme brisée, déjà éprouvée par un procès éprouvant. Mais déterminée à aller jusqu’au bout pour que la vérité éclate dans ce dossier tentaculaire aux allures de naufrage conjugal, Gisèle Pelicot compte bien se battre jusqu’au verdict, attendu le 6 octobre prochain. Le procès des viols de Mazan n’a certainement pas fini de faire parler de lui.