Le monde du cinéma français est sous le choc. Jacques Doillon, figure emblématique et respectée, se retrouve au cœur d’un scandale retentissant. Plusieurs femmes, dont la comédienne Judith Godrèche, accusent le réalisateur de 80 ans de viol et d’abus sexuels. Une affaire qui ébranle l’industrie du 7ème art et soulève de nombreuses questions.
Des accusations graves
Tout commence en février dernier, lorsque Judith Godrèche, connue pour ses rôles marquants au cinéma, dépose plainte contre Jacques Doillon pour « viol sur mineur de 15 ans ayant autorité ». L’actrice aujourd’hui âgée de 52 ans affirme avoir été « pelotée » lors d’une scène de sexe non prévue sur le tournage d’un film en 1989, alors qu’elle n’avait que 15 ans.
Mais les révélations ne s’arrêtent pas là. D’autres femmes sortent du silence et témoignent à leur tour. Isild Le Besco, actrice et réalisatrice, confie avoir dû subir les avances insistantes de Jacques Doillon lors de séances de travail. Anna Mouglalis, quant à elle, accuse le cinéaste de l’avoir embrassée de force à son domicile en 2011.
La parole se libère
Ces accusations s’inscrivent dans un contexte particulier, celui de la libération de la parole des femmes ces dernières années. Le mouvement #MeToo a en effet permis de briser le silence entourant les violences sexuelles dans de nombreux milieux, y compris celui du cinéma. De plus en plus de victimes osent désormais parler et dénoncer leurs agresseurs, même lorsqu’il s’agit de personnalités influentes.
Il est temps que la honte change de camp. Les victimes n’ont plus à se taire, c’est aux agresseurs de rendre des comptes.
Une militante féministe
Jacques Doillon nie les faits
Face à ces graves accusations, Jacques Doillon clame son innocence. Dans un communiqué transmis au Parisien en avril, il affirme :
Je n’ai jamais profité de ma position de réalisateur pour obtenir des faveurs sexuelles. Je n’ai jamais eu de rapport intime avec Judith Godrèche. Je n’ai jamais été attiré par elle.
Jacques Doillon
Malgré ces dénégations, la justice a décidé de se saisir de l’affaire. Après une garde à vue le 1er juillet dernier, Jacques Doillon est désormais convoqué ce vendredi par un juge d’instruction parisien en vue d’une possible mise en examen pour viol.
Une affaire symptomatique
Au-delà du cas individuel de Jacques Doillon, cette affaire met en lumière les dysfonctionnements de l’industrie du cinéma en matière de violences sexuelles. Trop longtemps, le milieu a fermé les yeux sur les comportements abusifs de certains hommes de pouvoir, protégés par leur statut et leur influence.
Mais les langues se délient et les consciences s’éveillent. De plus en plus de professionnels du 7ème art prennent position et réclament des mesures concrètes pour lutter contre le harcèlement et les agressions sexuelles sur les tournages et dans les coulisses. Des chartes éthiques sont mises en place, des cellules d’écoute sont créées, des formations sont organisées.
La présomption d’innocence en question
Si les accusations visant Jacques Doillon sont graves, il convient cependant de rappeler le principe de présomption d’innocence. Tant que la justice n’a pas rendu son verdict, le cinéaste reste innocent aux yeux de la loi. Son avocate, Me Marie Dosé, a d’ailleurs tenu à souligner ce point crucial :
Mon client conteste fermement les faits qui lui sont reprochés. Il appartient désormais à la justice de faire la lumière sur cette affaire, dans le respect du contradictoire et de la présomption d’innocence.
Me Marie Dosé, avocate de Jacques Doillon
L’enjeu est de taille pour le cinéaste, qui risque gros en cas de mise en examen et de condamnation. Sa carrière, déjà ralentie ces dernières années, pourrait être définitivement brisée. Mais au-delà de son cas personnel, c’est tout le cinéma français qui se retrouve face à ses responsabilités et à la nécessité d’un profond changement de culture.
Un électrochoc nécessaire
L’affaire Jacques Doillon a valeur de symbole et d’avertissement. Elle rappelle que même les figures les plus respectées ne sont pas au-dessus des lois et que les comportements abusifs ne peuvent plus être tolérés, quel que soit le prestige de leur auteur. Un électrochoc douloureux mais nécessaire pour un milieu qui a trop longtemps cultivé l’omerta et le déni.
Les victimes, elles, espèrent que leur parole sera entendue et reconnue. Que justice leur sera rendue et que leur combat contribuera à faire évoluer les mentalités et les pratiques. Un espoir porté par Judith Godrèche, qui confiait récemment dans les colonnes de Libération :
Si je parle aujourd’hui, c’est pour que d’autres femmes, d’autres jeunes actrices, n’aient plus jamais à subir ce que j’ai subi. Pour que le cinéma cesse d’être un lieu d’abus de pouvoir et de domination masculine. Pour qu’enfin, les choses changent.
Judith Godrèche
Des paroles fortes, qui résonnent comme un appel à une prise de conscience collective. Car au-delà du cas Jacques Doillon, c’est un système tout entier qui vacille et qui doit se réinventer. Pour que le 7ème art redevienne un espace de création et d’émancipation, débarrassé enfin de ses vieux démons.