Imaginez prendre les rênes d’une institution millénaire, devenir la première femme à occuper le poste le plus élevé, et voir soudain resurgir une affaire vieille de plusieurs années qui remet en question votre capacité à protéger les plus vulnérables. C’est exactement ce qui arrive à Sarah Mullally, désignée pour succéder à Justin Welby à la tête de l’Église anglicane d’Angleterre. Une nomination historique ternie par des accusations graves.
Une nomination historique dans un contexte douloureux
À 63 ans, Sarah Mullally s’apprête à marquer l’histoire. Nommée début octobre, elle deviendra officiellement la cheffe spirituelle des anglicans le 28 janvier prochain. Actuellement évêque de Londres, elle succède à Justin Welby, qui a démissionné au début de l’année 2025 après la publication d’un rapport accablant. Ce document révélait une couverture prolongée d’abus physiques et sexuels commis par un laïc au sein de l’Église.
Cette transition aurait pu symboliser un renouveau. Une femme à la tête de l’Église, une ancienne infirmière devenue évêque, incarnant peut-être une approche plus humaine et protectrice. Pourtant, une plainte déposée il y a plusieurs années refait surface et place la future archevêque de Cantorbéry sous les projecteurs pour de mauvaises raisons.
Les attentes sont immenses. Les fidèles, mais aussi l’opinion publique, espèrent une rupture avec les erreurs du passé. Sarah Mullally elle-même avait promis, lors de son discours de nomination, de promouvoir une culture de sécurité pour tous. Des mots forts, mais qui résonnent différemment aujourd’hui.
Les faits reprochés à Sarah Mullally
La plainte concerne des événements remontant à une dizaine d’années. Une personne, désignée sous le pseudonyme « N », accuse un prêtre du diocèse de Londres d’agression. Lorsque « N » porte plainte auprès de l’Église, c’est Sarah Mullally, alors évêque de Londres, qui gère le dossier.
Le reproche principal est sérieux : l’évêque aurait envoyé un courrier électronique au prêtre mis en cause, l’informant des accusations portées contre lui. Ce message contenait, selon les informations révélées, l’idée que ces allégations étaient « sans fondement ». Une telle démarche contrevient clairement au code de conduite du clergé, qui impose une confidentialité stricte dans ce type de procédures.
Ce n’est pas seulement une erreur de procédure. Pour la victime présumée, cette prise de contact directe avec l’accusé a pu représenter une nouvelle blessure. Protéger les plaignants est une priorité absolue dans la gestion des affaires d’abus, et toute communication inappropriée peut être perçue comme une minimisation des faits.
« Tout cela m’a rappelé à quel point ma vie a peu de valeur »
« N », la personne à l’origine de la plainte
Cette citation, rapportée par des sources proches du dossier, illustre le profond désarroi ressenti. La santé mentale de « N » se serait détériorée au fil des années, face au silence de l’institution.
Une plainte ignorée pendant des années
En 2020, « N » décide de franchir une nouvelle étape. Il dépose une plainte, cette fois contre Sarah Mullally elle-même, pour sa gestion de l’affaire initiale. Une démarche courageuse, mais qui reste sans suite pendant longtemps.
L’Église d’Angleterre explique cet oubli par des « erreurs administratives » et une « mauvaise interprétation des souhaits de la personne concernée ». Des justifications qui peinent à convaincre lorsqu’on connaît la gravité du sujet. Pendant plusieurs années, Sarah Mullally n’aurait même pas été informée de l’existence de cette plainte à son encontre.
Ce n’est que récemment, à l’approche de sa prise de fonctions, que l’institution a réagi. Un courrier a été envoyé à « N » pour clarifier la situation et indiquer les prochaines étapes. Un geste tardif qui soulève des questions sur la réactivité de l’Église face aux dysfonctionnements internes.
Ces erreurs administratives ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans une longue série de ratés qui ont émaillé la gestion des abus au sein de l’Église anglicane. Le rapport qui a conduit à la démission de Justin Welby mettait déjà en lumière des failles systémiques similaires.
La réponse de Sarah Mullally face à la controverse
Confrontée à cette affaire, Sarah Mullally a choisi la transparence. Dans un communiqué, elle exprime sa déception face aux procédures actuelles de l’Église.
« N a été déçu par les procédures de l’Église d’Angleterre. Le fonctionnement de l’Église doit changer »
Sarah Mullally
Ces mots montrent une prise de conscience. Elle promet, une fois en poste, de tout mettre en œuvre pour mener à bien les réformes nécessaires. Des réformes attendues depuis longtemps par de nombreux fidèles et observateurs.
Dès sa nomination, elle avait placé la sécurité au cœur de son projet. Elle déclarait vouloir « favoriser une culture de sécurité et de bien-être pour tous » et reconnaissait que l’Église avait « trop souvent échoué à reconnaître ou à prendre au sérieux les abus de pouvoir sous toutes leurs formes ».
Cette affaire personnelle pourrait paradoxalement renforcer sa détermination. En étant directement touchée par les failles du système, elle dispose d’une légitimité accrue pour impulser le changement. Reste à voir si les actes suivront les paroles.
Les défis immenses qui attendent la future archevêque
Prendre la tête de l’Église anglicane en 2026 n’est pas une mince affaire. Au-delà de cette plainte, Sarah Mullally hérite d’une institution fragilisée par des années de scandales. La confiance des fidèles a été ébranlée, et la reconstruction sera longue.
Parmi les priorités figurent :
- La mise en place de procédures irréprochables pour traiter les plaintes d’abus
- La formation continue du clergé sur les questions de safeguarding
- Une transparence accrue dans la communication interne et externe
- Le soutien psychologique systématique aux victimes
- Une culture d’écoute réelle au sein des diocèses
Ces chantiers ne sont pas nouveaux, mais leur mise en œuvre effective reste à prouver. Sarah Mullally, avec son parcours d’ancienne infirmière, pourrait apporter une sensibilité particulière aux questions de soin et de protection.
Son expérience dans le domaine de la santé lui a appris l’importance d’une prise en charge globale des personnes. Une approche qui pourrait se révéler précieuse dans la gestion des victimes d’abus au sein de l’Église.
Un tournant possible pour l’Église anglicane
Cette controverse arrive à un moment charnière. L’Église anglicane traverse une crise de confiance profonde. La nomination d’une femme à sa tête était déjà un symbole fort de modernité. Cette affaire pourrait transformer cette nomination en catalyseur de changement.
Beaucoup espèrent que Sarah Mullally saura transformer l’épreuve en opportunité. En reconnaissant publiquement les failles, en s’engageant résolument pour la réforme, elle pourrait restaurer une partie de la crédibilité perdue.
Les prochains mois seront décisifs. La manière dont cette plainte sera traitée, les mesures concrètes annoncées, les changements visibles dans la gouvernance : tout sera scruté. L’Église d’Angleterre se trouve à la croisée des chemins.
Pour « N » et toutes les victimes qui attendent justice et reconnaissance, l’arrivée de Sarah Mullally représente peut-être une lueur d’espoir. Une espoir fragile, mais réel. L’histoire nous dira si cette nomination historique marquera le début d’une ère nouvelle, plus sûre et plus juste.
L’Église anglicane, comme tant d’institutions religieuses, doit affronter ses démons. La route vers la guérison passe par la reconnaissance des erreurs passées et une volonté ferme de changer. Sarah Mullally portera cette lourde responsabilité.
En attendant, cette affaire nous rappelle une vérité douloureuse : le pouvoir spirituel n’immunise pas contre les erreurs humaines. Protéger les vulnérables doit rester la priorité absolue, quelle que soit la position occupée dans la hiérarchie.
Le 28 janvier approchant, tous les regards seront tournés vers Cantorbéry. Une nouvelle page s’écrit, mais son contenu reste à déterminer. Entre espoir de renouveau et crainte de voir se répéter les erreurs du passé, l’Église anglicane retient son souffle.
Ce qui est certain, c’est que Sarah Mullally ne débutera pas son mandat dans la sérénité espérée. Mais peut-être est-ce précisément dans l’adversité que naissent les grands changements. L’histoire le dira.









