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Santander Écope de 22,5 M€ d’Amende pour Blanchiment en France

Une banque géante accepte de verser 22,5 millions d’euros pour échapper à un procès. Derrière cette amende record en France se cache un système qui a permis à des clients de blanchir près de 50 millions… Mais comment tout a-t-il commencé, et surtout, pourquoi Santander reconnaît-elle enfin ses failles ?

Imaginez une banque qui, pendant des années, ferme les yeux sur des mouvements d’argent suspects. Des clients qui transfèrent discrètement leurs revenus en Espagne pour échapper au fisc français, d’autres qui récupèrent du cash pour payer des pots-de-vin ou des salaires au noir. Ce n’est pas le scénario d’un film, c’est ce qui s’est passé dans une filiale parisienne du géant espagnol Santander.

Une amende de 22,5 millions d’euros pour clore quatorze ans d’enquête

Vendredi dernier, le tribunal de Paris a homologué une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) entre le parquet et Santander. La banque s’engage à payer 22,5 millions d’euros en trois versements sur douze mois. En échange ? Plus aucune poursuite pénale contre l’établissement.

Ce mécanisme, créé en 2016, permet aux entreprises de reconnaître des faits graves sans passer par un procès classique. Santander devient ainsi l’une des premières grandes banques étrangères à signer une telle convention en France pour du blanchiment.

Que s’est-il réellement passé entre 2004 et 2010 ?

L’enquête, ouverte il y a quatorze ans, a révélé l’existence d’un véritable circuit organisé au sein de la filiale BPI Paris. Près de 49 millions d’euros auraient été blanchis au profit de 74 clients, majoritairement français.

Le système était redoutablement simple :

  • Transfert de revenus professionnels vers des comptes en Espagne pour réduire l’impôt français
  • Dépôt d’espèces ensuite remises à d’autres clients
  • Retrait de liquidités pour financer des commissions occultes ou rémunérer du travail non déclaré

Aucun de ces clients n’avait déclaré son compte espagnol à l’administration fiscale française. Un détail qui pèse lourd.

22 000 opérations douteuses identifiées

Les enquêteurs ont recensé pas moins de 22 000 opérations considérées comme délictueuses. Des anciens salariés de la filiale et une trentaine de clients ont affirmé pendant l’instruction que ces pratiques étaient connues, voire validées, voire encouragées par le siège madrilène.

« Il n’y a pas eu de système de blanchiment organisé ni d’instruction en ce sens de la part de la banque », a cependant déclaré l’avocat de Santander lors de l’audience. La banque reconnaît simplement avoir détecté tardivement les faits. »

Le représentant de la banque, présent avec un traducteur, a admis que les contrôles internes de l’époque étaient insuffisants. « Aujourd’hui, les moyens déployés sont bien plus importants », a-t-il assuré.

L’étonnante origine de l’affaire

Le plus surprenant ? C’est Santander elle-même qui a déposé la première plainte en février 2011. Une altercation entre salariés parisiens et clients avait fait éclater au grand jour des pratiques illicites. La banque a alors décidé de signaler les faits, déclenchant l’ouverture d’une information judiciaire.

Après des années d’investigations, le juge a transmis le dossier au parquet en septembre dernier pour explorer la voie de la CJIP. Un choix stratégique qui évite un procès long et médiatisé.

Santander déjà condamnée au Royaume-Uni

Ce n’est pas la première fois que le groupe espagnol est épinglé pour des failles en matière de lutte antiblanchiment. En 2022, la justice britannique lui avait infligé une amende de 108 millions de livres pour des contrôles défaillants sur des comptes professionnels.

Ces sanctions répétées posent la question de la culture de conformité au sein du premier groupe bancaire espagnol, présent dans plus de quarante pays.

La CJIP, un outil de plus en plus prisé

Depuis sa création, une vingtaine d’entreprises ont signé une convention judiciaire d’intérêt public en France. Parmi elles, des géants comme HSBC, Société Générale ou encore Airbus pour des faits de corruption.

Avantages pour l’État : rentrée d’argent immédiate et sanctions rapides. Avantages pour l’entreprise : pas d’aveu de culpabilité pénale, pas d’inscription au casier judiciaire, et image moins abîmée qu’après un procès.

Mais certains critiquent un système qui donnerait l’impression que l’argent peut tout acheter, y compris l’impunité pénale.

Quelles leçons pour le secteur bancaire ?

Cette affaire rappelle que même les plus grandes banques ne sont pas à l’abri de dérives locales. Une filiale peut, pendant des années, développer des pratiques contraires aux règles sans que le siège ne réagisse assez vite.

Elle montre aussi l’importance croissante des signalements internes et de la coopération avec les autorités pour limiter les dégâts réputationnels et financiers.

En résumé : 22,5 millions d’euros d’amende, 49 millions blanchis, 22 000 opérations illicites, 74 clients impliqués, 14 ans d’enquête. Des chiffres qui donnent le tournis et qui marquent un nouveau chapitre dans la lutte contre le blanchiment en France.

L’histoire de Santander en France n’est probablement pas terminée. D’autres établissements étrangers pourraient bientôt se retrouver dans le viseur des autorités pour des faits similaires. Car une chose est sûre : les contrôles se renforcent, et les amendes aussi.

À suivre…

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