Le géant pharmaceutique français Sanofi se retrouve sous le feu des critiques après l’annonce de son projet de céder sa filiale santé grand public Opella, qui produit notamment le célèbre médicament Doliprane, au fonds d’investissement américain CD&R. Une décision qui suscite l’inquiétude du gouvernement, qui réclame des explications et n’exclut pas une possible participation de l’État au conseil d’administration d’Opella.
Face à cette levée de boucliers, Frédéric Oudéa, président du conseil d’administration de Sanofi, a tenu à défendre ce choix stratégique dans une interview accordée aux Échos ce mercredi 16 octobre. Il explique que cette cession s’inscrit dans une réflexion globale visant à renforcer les activités pharmaceutiques clés du groupe, comme les médicaments biologiques pour l’immunologie, les maladies rares ou encore les vaccins.
Des investissements massifs dans la R&D
Pour justifier cette décision, Frédéric Oudéa met en avant les investissements colossaux réalisés par Sanofi dans la recherche et développement, notamment dans le domaine prometteur de l’ARN messager. Des dépenses qui impliquent des arbitrages selon lui :
Nous ne pouvons pas tout faire, nous aurions été incapables d’apporter à Opella tous les moyens nécessaires à son développement.
– Frédéric Oudéa, président du conseil d’administration de Sanofi
Il insiste par ailleurs sur le fait que Sanofi conservera 50% du capital d’Opella, un équilibre qui lui paraît optimal en termes de création de valeur et de gouvernance, tout en lui donnant un droit de veto sur les grandes décisions stratégiques. Une manière de rassurer sur le maintien d’un certain contrôle du groupe sur sa filiale.
Un ancrage français remis en question
Malgré ces arguments, l’annonce de cette vente fait l’effet d’une douche froide pour le gouvernement. Le ministre de l’Économie Antoine Armand a réclamé un “bilan exhaustif” des aides publiques perçues par Sanofi ces dix dernières années et confirmé la “possible présence de l’État au conseil d’administration” d’Opella. Une manière de faire pression sur le laboratoire.
En déplacement mardi sur le site historique de production du Doliprane à Lisieux, dans le Calvados, où les salariés sont en grève, le ministre a averti : “Nous sommes prêts à demander des sanctions et l’étude d’une prise de participation” publique “pour que ces engagements soient tenus”. Des menaces qui témoignent de la volonté de l’exécutif de préserver la souveraineté française sur ce fleuron de l’industrie.
L’avenir incertain du Doliprane
Au-delà des enjeux économiques et stratégiques, c’est le devenir d’un médicament iconique qui cristallise les craintes. Produit phare d’Opella, le Doliprane est un véritable symbole en France, présent dans toutes les pharmacies familiales.
Si Frédéric Oudéa se veut rassurant, affirmant que Sanofi n’a “aucune raison d’affaiblir” cette marque et rappelant les investissements continus sur le site de Lisieux, des doutes subsistent. La perspective d’un passage sous pavillon américain de ce médicament suscite une vive émotion et ravive le débat sur le patriotisme économique.
Cette cession polémique est loin d’avoir livré tous ses secrets. Si Sanofi défend bec et ongles ce choix, la pilule reste difficile à avaler pour le gouvernement qui entend bien peser de tout son poids pour préserver les intérêts français. L’avenir nous dira qui aura le dernier mot dans ce bras de fer industriel aux allures de feuilleton national.