InternationalPolitique

Sanctions Américaines contre les Mercenaires Colombiens au Soudan

Des centaines d’ex-militaires colombiens combattent désormais au Soudan aux côtés des paramilitaires accusés de génocide. Washington vient de frapper fort avec des sanctions ciblées. Mais qui dirige vraiment ce réseau et pourquoi recrute-t-on jusqu’aux enfants ? Ce que révèlent ces mesures...

Imaginez un ancien soldat colombien, habitué aux jungles d’Amérique latine, se retrouvant soudain au milieu du désert brûlant du Darfour, kalachnikov à l’épaule, aux côtés de paramilitaires accusés des pires atrocités. Cette scène n’est plus une fiction. Elle est devenue une réalité depuis plus d’un an et les États-Unis viennent de décider d’y mettre un coup d’arrêt brutal.

Washington passe à l’offensive contre un réseau international

Mardi, le département du Trésor américain a annoncé des sanctions contre quatre individus et quatre entités formant un réseau principalement colombien. Objectif affiché : couper les vivres à ceux qui recrutent et déploient des combattants étrangers au profit des Forces de soutien rapide (FSR), le groupe paramilitaire dirigé par Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemedti ».

Ces mesures, classiques dans l’arsenal américain, gèlent tous les avoirs sur le sol des États-Unis et interdisent toute transaction avec des personnes ou entreprises américaines. En pratique, elles isolent financièrement les sanctionnés sur une grande partie de la planète.

Un recrutement structuré et massif

Depuis septembre 2024, plusieurs centaines d’anciens militaires colombiens ont été envoyés au Soudan. Des hommes rompus au combat, souvent issus des forces spéciales ou d’unités anti-guérilla, attirés par des salaires largement supérieurs à ce qu’ils pourraient gagner chez eux.

Le personnage central de ce réseau se nomme Alvaro Andres Quijano Becerra. Ressortissant italo-colombien, ancien militaire, il opère depuis les Émirats arabes unis. Washington le désigne comme le pivot du recrutement et du déploiement.

Le schéma est bien rodé : repérage en Colombie, promesses de contrats juteux, formation accélérée, puis acheminement vers le théâtre soudanais. Une fois sur place, ces hommes renforcent les unités FSR dans les combats les plus violents.

Des enfants soldats dans le viseur américain

Le communiqué du Trésor va plus loin. Il accuse le réseau de former « y compris des enfants » pour combattre aux côtés des FSR. Une ligne rouge absolue pour la communauté internationale.

« Les FSR ont montré à maintes reprises qu’elles étaient prêtes à s’en prendre à des civils, y compris des nourrissons et des jeunes enfants »

John Hurley, sous-secrétaire au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier

Cette phrase, lourde, résume le changement de ton de Washington. On ne parle plus seulement de guerre classique entre deux forces armées, mais d’accusations de crimes contre l’humanité, voire de génocide, portées contre les Forces de soutien rapide.

Un conflit qui s’internationalise à grande vitesse

Le Soudan, depuis avril 2023, est déchiré par une guerre opposant l’armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane aux paramilitaires FSR. Un conflit né d’une lutte de pouvoir entre deux généraux qui étaient pourtant alliés lors du coup d’État de 2021.

Très vite, la guerre a pris une dimension régionale puis internationale. Les Émirats arabes unis sont accusés de soutenir massivement les FSR (armes, logistique, hôpitaux de campagne). La Russie, via le groupe Wagner puis Africa Corps, a été pointée du doigt pour son appui à l’armée régulière. L’Égypte et l’Arabie saoudite tentent de jouer les médiateurs.

Au milieu de ce maelström, l’arrivée de mercenaires colombiens marque une étape supplémentaire. Elle montre que les FSR, malgré les pressions, parviennent à renouveler leurs forces avec des combattants expérimentés venus de très loin.

La chute d’El-Facher, tournant militaire

Fin octobre, les FSR ont pris El-Facher, dernière grande ville du Darfour encore aux mains de l’armée. Une victoire symbolique et stratégique. Selon plusieurs sources, les combattants colombiens ont joué un rôle notable dans cette offensive.

Cette prise a provoqué un nouveau flux de dizaines de milliers de réfugiés vers le Tchad voisin et a accentué la pression sur Khartoum pour trouver une sortie de crise.

Diplomatie tous azimuts, résultats limités

Parallèlement aux sanctions, Washington multiplie les contacts. Le secrétaire d’État Marco Rubio s’est entretenu mardi avec ses homologues égyptien et saoudien pour pousser vers une trêve.

Le président Trump lui-même s’est dit « horrifié » par les violences au Soudan et a promis d’agir. Des déclarations fortes, mais qui, pour l’instant, n’ont pas débouché sur de cessation concrète des hostilités.

Les initiatives se multiplient : plateforme de Jeddah, médiations égypto-saoudiennes, pressions de l’Union africaine… Rien n’a fonctionné durablement jusqu’ici.

Pourquoi la Colombie ?

La Colombie compte des dizaines de milliers d’anciens militaires bien entraînés, souvent sans emploi stable après des décennies de conflit armé interne. Le chômage, la précarité et l’attrait de salaires élevés (parfois 2 000 à 3 000 dollars par mois) en font une cible idéale pour les recruteurs.

Ce n’est pas la première fois que des Colombiens sont employés comme mercenaires. On les a vus en Irak, au Yémen aux Émirats. Le Soudan représente simplement le nouveau théâtre d’une profession qui, hélas, ne connaît pas la crise.

Quelles conséquences concrètes des sanctions ?

Sur le terrain, l’impact immédiat pourrait être limité. Les flux financiers passent souvent par Dubaï ou d’autres places grises. Mais à moyen terme, ces sanctions compliquent sérieusement la logistique.

Les banques hésitent à traiter avec des entités sanctionnées. Les assurances refusent de couvrir les vols charters. Les recruteurs doivent redoubler de prudence. C’est toute la chaîne qui se grippe peu à peu.

Surtout, ces mesures envoient un message clair aux Émirats : votre rôle ne passe plus inaperçu. Washington serre la vis sur les intermédiaires opérant depuis leur territoire.

Vers une désescalade ou un embrasement ?

La guerre au Soudan a déjà fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de dix millions de personnes. L’ONU parle de la pire crise humanitaire au monde. La famine menace des millions d’habitants.

Chaque renfort étranger, qu’il vienne de Colombie, de Russie ou d’ailleurs, repousse l’espoir d’une paix rapide. Les sanctions américaines constituent un coup porté au camp FSR, mais elles ne suffiront pas seules à faire taire les armes.

Le chemin vers une trêve reste long, sinueux et semé d’embûches. Pendant ce temps, dans le désert soudanais, d’anciens soldats colombiens continuent d’écrire, à leur corps défendant, un nouveau chapitre tragique de ce conflit oublié des caméras.

Une chose est sûre : plus la guerre dure, plus elle attire des acteurs prêts à tout pour un peu d’or et beaucoup de sang. Et plus il devient difficile d’imaginer une sortie de crise qui ne laisse pas le Soudan exsangue pour des décennies.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.