C’est une sanction qui a fait grand bruit en Australie. La sénatrice aborigène Lidia Thorpe a reçu lundi une motion de censure de la part de ses pairs pour avoir vivement interpellé le roi Charles III lors de sa visite au Parlement australien fin octobre. Une prise de parole coup de poing qui n’est pas passée inaperçue.
Une interpellation choc du roi Charles III
Durant la tournée de six jours du monarque britannique en Australie, dont il est officiellement le chef d’État, le roi s’était rendu au Parlement pour un discours solennel. Mais à la fin de son allocution, Lidia Thorpe a crié depuis son siège :
Rendez-nous nos terres, rendez-nous ce que vous nous avez volé !
Pendant une minute, la sénatrice a dénoncé avec véhémence ce qu’elle a qualifié de “génocide” des aborigènes à l’époque de la colonisation européenne de l’Australie. Elle a également lancé au roi : “Vous n’êtes pas mon roi”. Un geste fort alors que les dignitaires se levaient pour l’hymne national australien.
Le lourd passé colonial de l’Australie
Il faut rappeler que l’Australie a été une colonie britannique pendant plus d’un siècle, une période durant laquelle des milliers d’Australiens aborigènes ont été tués et des communautés entières déplacées de force. Malgré une indépendance de fait en 1901, le pays n’est jamais devenu une république, la reine Élisabeth II restant cheffe d’État jusqu’à sa mort.
En 1999, un référendum serré avait vu les Australiens voter contre la fin de la monarchie, en plein débat à l’époque sur le mode de désignation du chef de l’État. Une question qui continue de diviser le pays.
Une sanction symbolique mais une détermination intacte
Face à l’indignation suscitée par son intervention, les sénateurs ont voté à 46 voix contre 12 une motion de censure contre Mme Thorpe, jugeant son comportement “infamant”, “perturbateur et irrespectueux”. Ils estiment qu’il n’est plus “opportun” qu’elle soit membre d’une délégation parlementaire.
Mais pour l’élue aborigène, cette sanction symbolique est anecdotique. Portant fièrement un collier en or proclamant “Not my king” (“Pas mon roi”), Lidia Thorpe a clamé qu’elle se “contrefoutait” de la censure et qu’elle referait exactement la même chose si le roi revenait. Une position intransigeante qu’elle assume :
Je résisterai à la colonisation dans ce pays. Je prête allégeance aux véritables souverains de ces terres: les Peuples premiers sont les véritables souverains.
Une revendication de souveraineté aborigène qu’elle entend bien continuer de porter haut et fort, au risque de bousculer les institutions. Sa consoeur sénatrice des Verts Mehreen Faruqi, qui s’est opposée à la sanction, estime qu’elle parle de l’histoire du pays “de la manière qu’elle veut”. Un droit que Lidia Thorpe n’est pas prête d’abandonner.
Son coup d’éclat face au roi Charles III aura en tout cas remis sur le devant de la scène la question sensible du passé colonial australien et des relations avec les peuples aborigènes. Un débat loin d’être clos, malgré les tentatives de censure.