Imaginez la scène : un ancien ministre tout-puissant, placé derrière les barreaux pour corruption, décide, juste avant de perdre sa liberté, de lancer une grenade dégoupillée au cœur même du Palais de la Moncloa. C’est exactement ce qui vient de se produire en Espagne.
José Luis Ábalos, jadis numéro deux du Parti socialiste et bras droit de Pedro Sánchez, a profité de ses derniers instants de liberté pour pointer du doigt… l’épouse du président du gouvernement. Et pas pour n’importe quoi : pour le sauvetage massif d’Air Europa pendant la pandémie.
Un ancien fidèle devenu menace explosive
Jeudi dernier, la justice espagnole plaçait en détention provisoire José Luis Ábalos. L’accusation ? Corruption, organisation criminelle, trafic d’influence. Au centre du dossier : l’affaire Koldo García, son ancien conseiller, et une toile tentaculaire de contrats publics frauduleux pendant la crise du Covid.
Mais au lieu de se taire, Ábalos a choisi l’attaque frontale. Dans un entretien accordé juste avant son incarcération, il a laissé entendre que Begoña Gómez, l’épouse de Pedro Sánchez, aurait joué un rôle déterminant dans l’attribution des aides publiques à la compagnie aérienne Air Europa.
Des accusations graves. Explosives. Et qui tombent au pire moment pour le gouvernement socialiste.
Le sauvetage d’Air Europa au cœur de la tempête
Rappel des faits. En pleine pandémie, l’État espagnol injecte 475 millions d’euros pour sauver Air Europa, propriété du groupe Globalia. Un sauvetage nécessaire pour beaucoup, contesté par d’autres.
Mais voilà : à la même période, Globalia sponsorisait des événements et projets liés à l’IE Africa Center, une structure codirigée… par Begoña Gómez. Coïncidence ? L’opposition de droite hurle au conflit d’intérêts depuis des mois.
Et maintenant, c’est un ancien ministre socialiste, membre du même parti, qui relance la charge. Le coup est d’autant plus rude qu’il vient de l’intérieur.
« Nous n’allons accepter aucune menace, aucun chantage de la part de personnes ou d’organisations »
Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol
Ces mots, prononcés mardi soir sur une chaîne nationale, sonnent comme un ultimatum. Le président socialiste refuse catégoriquement de céder.
Sánchez passe à la contre-attaque
Loin de fléchir, Pedro Sánchez a choisi la fermeté absolue. Il présente la décision de placer Ábalos en prison comme une preuve de la détermination de son gouvernement à éradiquer la corruption, même dans ses propres rangs.
« Nous avons pris une décision difficile, dure, ferme », a-t-il martelé, soulignant que son parti et son exécutif assument pleinement leurs responsabilités.
Traduction : oui, il y avait de la corruption. Oui, des proches étaient impliqués. Mais c’est précisément parce que nous agissons que nous sommes légitimes à gouverner.
Un climat politique incandescent
Dimanche, des dizaines de milliers de personnes défilaient à Madrid à l’appel du Parti populaire. Pancartes anti-Sánchez, slogans sur la « mafia » au pouvoir, appels à la démission : l’ambiance était électrique.
Pour l’opposition, c’est Noël avant l’heure. Le PP et Vox se frottent les mains : enfin, un ancien haut dirigeant socialiste retourne sa veste et valide leurs accusations contre Begoña Gómez.
Mais Sánchez, lui, y voit autre chose : une tentative désespérée de chantage d’un homme acculé, et surtout une opération orchestrée par la droite et l’extrême droite pour le faire tomber.
Les protagonistes de l’affaire
- José Luis Ábalos – ex-ministre des Transports, ex-numéro 2 du PSOE
- Koldo García – son ancien conseiller, au cœur du scandale des masques
- Santos Cerdán – ex-numéro 3 du parti, également éclaboussé
- Begoña Gómez – épouse du président, visée par une procédure judiciaire séparée
- David Sánchez – frère du président, lui aussi dans le viseur de la justice
Jusqu’où ira la crise ?
La situation est inédite. Jamais un ancien ministre aussi puissant n’avait menacé aussi directement le chef du gouvernement en exercice. Et jamais le cercle familial du président n’avait été aussi exposé.
Car Begoña Gómez est déjà poursuivie dans un autre dossier. Son frère David également. Et maintenant Ábalos, depuis sa cellule, relance la machine judiciaire et médiatique.
Le président socialiste l’a redit clairement : il ne démissionnera pas. Pas avant 2027. Coûte que coûte.
Une stratégie de la tension assumée
Pedro Sánchez a déjà survécu à pire. Rappelons-nous : en avril 2024, il avait suspendu ses fonctions publiques cinq jours, menaçant de démissionner face aux attaques contre son épouse. Il en était revenu plus combatif que jamais.
Aujourd’hui, il adopte la même posture : victimisation, contre-attaque, polarisation. Il accuse la droite et l’extrême droite de mener une campagne de déstabilisation depuis des années.
Et il brandit sa propre action contre la corruption comme bouclier : « Regardez, nous mettons nos propres ministres en prison. Qui d’autre le fait ? »
Un argument risqué. Mais qui peut fonctionner auprès d’une partie de l’électorat de gauche, fatiguée des affaires mais encore attachée à Sánchez comme rempart contre la droite et l’extrême droite.
Vers une implosion du PSOE ?
La grande question maintenant : Ábalos va-t-il en dire plus ? A-t-il des preuves ? Des documents ? Des enregistrements ? Ou n’est-ce que du bluff d’un homme aux abois ?
Car si l’ancien ministre décide de tout balancer, si d’autres suivent, si Koldo García ou Santos Cerdán se mettent à parler… alors le gouvernement pourrait vaciller pour de bon.
Pour l’instant, le silence est assourdissant du côté des autres impliqués. Mais en politique, le silence ne dure jamais très longtemps.
Une chose est sûre : l’Espagne entre dans une zone de turbulences majeures. Et Pedro Sánchez, seul contre tous – ou presque –, joue désormais son va-tout.
La question n’est plus de savoir si la crise va éclater… mais quand elle va exploser.
À suivre de très près dans les prochaines heures et les prochains jours…









