Alors que le Salvador vient de passer le cap des 1000 jours sous le régime d’exception instauré par le président Nayib Bukele pour lutter contre les gangs, l’ONG Amnesty International tire la sonnette d’alarme. Selon l’organisation, loin de résoudre le problème, cette politique sécuritaire drastique ne fait qu’aggraver une crise des droits humains déjà préoccupante dans le pays.
Un mirage de paix qui cache un système répressif
« Ce que le gouvernement appelle « paix » est en fait un mirage qui cherche à cacher un système répressif, une structure de contrôle et d’oppression qui abuse de son pouvoir », a déclaré Ana Piquer, directrice des Amériques à Amnesty International. L’ONG, qui a effectué plusieurs visites dans le pays, constate une « détérioration progressive de la situation des victimes et de leurs familles », aggravant ainsi la crise des droits humains.
Des milliers d’arrestations arbitraires et des centaines de décès en détention
Depuis la mise en place du régime d’exception le 27 mars 2022, qui autorise notamment les arrestations sans mandat judiciaire, environ 83 000 personnes ont été arrêtées selon les chiffres officiels. Amnesty International dénonce des « graves violations des droits humains » reflétant un « schéma généralisé d’abus de l’État », avec des « milliers d’arrestations arbitraires », une « politique de torture dans les centres de détention » et des « centaines de décès en détention ».
Détenir des personnes sans preuves et les poursuivre en masse ne constitue pas une justice, ce n’est pas non plus une solution efficace et durable.
Ana Piquer, directrice des Amériques à Amnesty International
D’après les rapports d’organisations locales relayés par Amnesty, plus de 300 personnes seraient décédées en détention. Si le président Bukele a annoncé en novembre dernier la libération de 8000 personnes « arrêtées à tort », cela reste une goutte d’eau face à l’ampleur des dérives.
Une popularité qui ne doit pas masquer les abus
Malgré les critiques des ONG, Nayib Bukele, réélu en février pour un nouveau mandat de 5 ans avec plus de 84% des voix, reste très populaire grâce à sa guerre sans merci contre les gangs. Il rejette en bloc les accusations et affirme avoir fait du Salvador « le pays le plus sûr au monde ».
Mais pour Amnesty International, cette apparente réussite ne doit pas occulter les graves atteintes aux libertés et à l’état de droit. L’organisation appelle le gouvernement à mettre fin à ces pratiques abusives et à garantir le respect des droits humains de tous les Salvadoriens.
Un défi majeur pour l’avenir du pays
Au-delà de la lutte contre la criminalité, c’est bien la question de la nature du régime qui est posée. En muselant toute opposition et en s’affranchissant de tout contre-pouvoir, Nayib Bukele fait peser une lourde menace sur la démocratie salvadorienne.
La communauté internationale, et en particulier les partenaires du Salvador comme les États-Unis, a un rôle crucial à jouer pour encourager un retour à l’état de droit et éviter que le pays ne sombre dans l’autoritarisme. Car derrière les promesses de sécurité et de prospérité, c’est l’avenir même du Salvador comme nation libre et démocratique qui est en jeu.