Que signifie prendre position dans un monde où chaque geste peut être scruté, jugé, voire criminalisé ? Une autrice mondialement connue a choisi de répondre à cette question par un acte audacieux, défiant les lois et les conventions. Sally Rooney, romancière irlandaise à l’origine du phénomène Normal People, a récemment annoncé qu’elle reverserait une partie de ses droits d’auteur à une organisation controversée, Palestine Action. Ce choix, loin d’être anodin, place l’écrivaine au cœur d’un débat brûlant, mêlant littérature, politique et liberté d’expression. Dans cet article, nous explorons les tenants et aboutissants de cette décision, ses implications et ce qu’elle révèle de notre époque.
Un Engagement Littéraire et Politique
À seulement 34 ans, Sally Rooney s’est imposée comme une figure incontournable de la littérature contemporaine. Ses romans, qui capturent les tourments intimes et sociaux des millenials, ont conquis des millions de lecteurs. Mais au-delà de ses récits, c’est son engagement politique qui fait d’elle une voix singulière. Définissant elle-même ses convictions comme marxistes, Rooney n’a jamais hésité à utiliser sa notoriété pour défendre des causes qui lui tiennent à cœur, notamment celle du peuple palestinien.
Son annonce récente, publiée dans une tribune, marque un tournant. L’autrice a déclaré vouloir reverser une partie des revenus tirés de ses livres et des adaptations télévisées de ses œuvres, notamment Normal People et Conversations entre amis, à Palestine Action. Cette organisation britannique, récemment interdite, milite contre ce qu’elle considère comme la complicité du Royaume-Uni dans le conflit israélo-palestinien, en ciblant notamment les ventes d’armes à Israël.
« J’ai l’intention d’utiliser ces revenus issus de mon travail, et ma notoriété de manière plus large, pour soutenir Palestine Action. »
Sally Rooney
Palestine Action : Une Organisation Controversée
Pour comprendre la portée du geste de Rooney, il est essentiel de s’intéresser à Palestine Action. Fondée par Huda Ammori, cette organisation s’est fait connaître par des actions directes, parfois violentes, visant à dénoncer les liens entre le Royaume-Uni et Israël. Parmi leurs faits d’armes, on note des actes de vandalisme sur des installations militaires, qui ont conduit à leur interdiction en juillet dernier. Classée comme organisation terroriste par les autorités britanniques, Palestine Action est désormais sous haute surveillance, avec plus de 700 arrestations et une soixantaine de poursuites judiciaires en cours.
Ce contexte rend le soutien de Rooney particulièrement audacieux. En s’associant publiquement à une entité interdite, l’autrice risque des conséquences légales, notamment au Royaume-Uni. Pourtant, elle assume pleinement son choix, affirmant qu’elle est prête à être qualifiée de « soutien au terrorisme » si cela reflète sa prise de position.
Fait marquant : Sally Rooney a déclaré qu’elle aurait aimé publier sa tribune dans un journal britannique, mais que cela serait désormais illégal en raison de l’interdiction de Palestine Action.
Un Passé d’Engagement pour la Cause Palestinienne
Ce n’est pas la première fois que Sally Rooney fait parler d’elle pour son engagement en faveur des droits des Palestiniens. En 2021, elle avait refusé que son troisième roman, Où es-tu, monde admirable ?, soit traduit en hébreu par une maison d’édition israélienne qu’elle jugeait trop proche du gouvernement. Ce boycott culturel avait suscité des réactions contrastées, certains saluant son courage, d’autres critiquant une décision jugée discriminatoire par une partie de la communauté juive.
Ce choix s’inscrit dans une démarche plus large de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS), un mouvement qui cherche à faire pression sur Israël pour mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens. Rooney, par ses actions, incarne une forme de résistance culturelle, utilisant sa plume et sa notoriété pour porter un message politique.
Les Répercussions d’une Décision Audacieuse
Le soutien de Rooney à Palestine Action n’est pas passé inaperçu. Les autorités britanniques, par la voix d’un porte-parole du Premier ministre, ont rappelé que soutenir une organisation interdite constitue une infraction. Si Rooney réside en Irlande, ce qui la protège en partie des lois britanniques, son geste pourrait compliquer ses relations avec le Royaume-Uni, où ses adaptations télévisées ont été largement diffusées.
Par ailleurs, plusieurs organisations internationales, dont des ONG de renom, ont dénoncé l’interdiction de Palestine Action, y voyant une atteinte à la liberté d’expression et au droit de manifester. Ces critiques soulignent un débat plus large : où se situe la frontière entre militantisme et actes répréhensibles ? Rooney, en s’engageant publiquement, contribue à alimenter cette réflexion.
| Événement | Impact |
|---|---|
| Interdiction de Palestine Action | 700 arrestations, 60 poursuites judiciaires |
| Soutien de Sally Rooney | Débat sur la liberté d’expression et la légalité |
Le Contexte du Conflit Israélo-Palestinien
Pour saisir l’ampleur de l’engagement de Rooney, il est crucial de replacer son action dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Le 7 octobre 2023, une attaque du Hamas a causé la mort de 1 219 personnes, majoritairement des civils, et l’enlèvement de 251 autres. En réponse, l’offensive israélienne à Gaza a entraîné la mort de plus de 61 944 personnes, principalement des civils, selon des chiffres officiels. Ce bilan, qualifié de désastre humanitaire, a amplifié les tensions internationales et les accusations de génocide.
Dans ce climat, le soutien à des organisations comme Palestine Action devient un acte à la fois symbolique et risqué. Rooney, en choisissant cette voie, s’expose à des critiques mais aussi à un soutien fervent de ceux qui partagent ses convictions.
Une Voix pour les Millenials et au-delà
Sally Rooney est souvent décrite comme la « voix des millenials », une génération marquée par les crises économiques, sociales et environnementales. Ses romans explorent les relations humaines avec une sensibilité rare, mais ils abordent aussi des questions de classe, de pouvoir et d’injustice. En soutenant Palestine Action, Rooney prolonge cet engagement dans la sphère publique, transformant sa notoriété littéraire en levier politique.
Son geste pose une question essentielle : un artiste doit-il rester neutre ou utiliser sa plateforme pour défendre ses convictions ? Pour Rooney, la réponse semble évidente. Elle incarne une nouvelle génération d’écrivains qui refusent de séparer l’art de la politique.
Vers un Débat plus Large
L’annonce de Sally Rooney dépasse le cadre de son action individuelle. Elle met en lumière des enjeux cruciaux : la liberté de manifester, le rôle des artistes dans les luttes sociales et la responsabilité des gouvernements dans les conflits internationaux. En reversant ses droits d’auteur, Rooney ne se contente pas de faire un don ; elle lance un défi aux autorités et à la société.
Le recours en justice déposé par Huda Ammori, prévu pour novembre, pourrait également changer la donne. Si l’interdiction de Palestine Action est levée, cela pourrait redéfinir les limites de la liberté d’expression au Royaume-Uni. En attendant, Rooney continue de provoquer et d’inspirer, rappelant que les mots, comme les actions, ont un poids.
Points clés à retenir :
- Sally Rooney reverse ses droits d’auteur à Palestine Action.
- L’organisation est interdite au Royaume-Uni, avec des centaines d’arrestations.
- Le geste de Rooney soulève des questions sur la liberté d’expression.
- Son engagement s’inscrit dans une démarche de boycott culturel.
En conclusion, Sally Rooney ne se contente pas d’écrire des histoires ; elle écrit l’histoire. Son soutien à Palestine Action, dans un contexte de tensions internationales, fait d’elle une figure à la croisée de la littérature et de l’activisme. Son choix, aussi controversé soit-il, nous invite à réfléchir : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour défendre nos convictions ?
