Après des années de stagnation, les salaires moyens à travers le monde reprennent enfin leur ascension, dépassant même le rythme de l’inflation. C’est ce que révèle le dernier « Rapport mondial sur les salaires 2024-25 » publié par l’Organisation internationale du Travail (OIT). Une lueur d’espoir pour des millions de travailleurs, même si de profondes disparités subsistent entre pays et au sein même des nations.
Le grand rattrapage salarial est en marche
Selon les données de l’OIT, la croissance des salaires réels a atteint 1,8% en 2023 au niveau mondial, après avoir chuté de 0,9% en 2022 dans le sillage de la crise inflationniste. Et cette tendance positive semble s’accélérer, avec une hausse prévisionnelle de 2,7% pour 2024, soit le rythme le plus soutenu depuis 15 ans.
Cette embellie profite cependant de façon inégale aux différentes régions du globe. Ainsi, les économies émergentes, Chine en tête, affichent des progressions salariales nettement supérieures à celles des pays avancés :
- Pays émergents du G20 : +5,9% en 2024
- Pays avancés du G20 : +0,9% en 2024 (après 2 années dans le rouge)
La Chine, locomotive des salaires
Avec une croissance salariale fulgurante, la Chine pèse fortement sur les moyennes mondiales. Ainsi, hors impact chinois, la hausse des salaires réels retombe à 1,3% en 2023 et 2,3% en 2024. Le géant asiatique semble donc jouer un rôle moteur dans le rattrapage salarial, creusant l’écart avec les autres régions.
Des inégalités salariales toujours criantes
Si le retour de la croissance des salaires réels est indéniablement une bonne nouvelle, le directeur général de l’OIT Gilbert Houngbo tient à tempérer l’enthousiasme. Car derrière ces chiffres encourageants se cachent de profondes disparités salariales, aussi bien entre pays qu’au sein même des nations.
Nous ne devons pas oublier que des millions de travailleurs et leurs familles continuent de souffrir de la crise du coût de la vie qui a érodé leur niveau de vie, et que les disparités salariales entre et à l’intérieur des pays restent inacceptables.
Gilbert Houngbo, Directeur général de l’OIT
Certes, depuis 2000, les écarts de salaires entre hauts et bas revenus ont eu tendance à se réduire dans environ 2/3 des pays, de l’ordre de 0,5 à 1,7% par an selon les indicateurs retenus. Mais le chemin vers plus d’équité est encore long, comme l’illustrent ces chiffres édifiants au niveau mondial :
- Les 10% de travailleurs les moins bien payés ne perçoivent que 0,5% de la masse salariale totale
- À l’inverse, les 10% les mieux rémunérés s’accaparent près de 38% de cette même masse salariale
Un combat de longue haleine pour plus de justice salariale
Face à cette situation, l’OIT appelle les gouvernements et partenaires sociaux à poursuivre et intensifier leurs efforts pour réduire les inégalités de revenus. Cela passe notamment par des politiques de salaires minimums, un renforcement de la négociation collective et des mesures ciblées en faveur des travailleurs à bas salaires, souvent surreprésentés chez les femmes et les jeunes.
Car au-delà des moyennes, ce sont bien les conditions de vie concrètes de millions de familles qui sont en jeu. La hausse des salaires ne doit pas profiter qu’à une minorité, mais irriguer toutes les strates de la société pour construire un monde du travail plus juste et inclusif. Un défi de taille qui nécessitera une mobilisation de tous les instants, à l’échelle de chaque pays comme au niveau international.
Le combat pour la justice salariale est indissociable de celui pour le travail décent. C’est une question de dignité humaine autant qu’un impératif économique et social.
Une source proche de l’OIT
Alors que les signes d’une reprise de la croissance salariale se confirment, il est plus que jamais temps d’en faire bénéficier le plus grand nombre. Pour que cette embellie ne soit pas qu’un mirage statistique mais une réalité palpable pour tous les travailleurs. Le chemin est encore long, mais la direction est la bonne. À nous tous de transformer l’essai.