Imaginez la scène : une nuit d’été 2018 à Saint-Tropez, les lumières des yachts qui dansent sur l’eau, la musique qui pulse dans les clubs huppés. Une jeune barmaid termine son service, accepte un dernier verre avec un homme qu’elle trouve « mignon ». Quelques heures plus tard, elle appelle une amie en pleurs, le maquillage ruiné, les lèvres tuméfiées. L’homme en question ? Saad Lamjarred, superstar marocaine aux dizaines de millions de followers.
Un procès très attendu s’ouvre ce lundi à Draguignan
À partir de ce lundi, la cour d’assises du Var va examiner l’affaire qui oppose le chanteur de 40 ans à la jeune femme qui l’accuse de l’avoir violée dans la chambre d’un palace tropézien. Le procès doit durer quatre jours et le verdict est attendu jeudi soir.
Saad Lamjarred comparaîtra libre. Une demande de huis clos a été formulée par l’avocate de la plaignante, Me Dominique Lardans, qui parle d’« une nuit d’horreur » suivie de « sept ans d’attente, de souffrance et de patience ».
Ce que raconte la plaignante
Ce soir-là, la jeune femme ne connaissait pas le statut de star de son interlocuteur. Elle savait seulement qu’il avait « des millions d’abonnés ». Elle le trouve sympathique, accepte d’aller boire un verre au bar de son hôtel.
Mais, selon son récit, il la conduit directement dans sa chambre. Il tente de l’embrasser, la plaque sur le lit, lui maintient les poignets, la déshabille de force et la viole. Elle se dit tétanisée, incapable de réagir.
Lamjarred, lui, assure que le rapport était pleinement consenti et que la jeune femme aurait même retiré elle-même son pantalon.
Les éléments matériels et témoignages
L’amie appelée à l’aide juste après les faits a décrit une jeune femme en état de choc : maquillage coulant, lèvres enflées, regard vide. Des constatations médicales réalisées quelques heures plus tard relèvent des traces compatibles avec une relation imposée.
Les analyses toxicologiques montrent un taux d’alcoolémie élevé des deux côtés : entre 1,2 et 1,4 g/l pour elle, entre 1,6 et 1,8 g/l pour lui.
« Pénétrer dans la chambre d’un homme ne vaut pas consentement automatique. »
Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2021
Cette phrase a été déterminante : malgré l’avis initial du parquet qui envisageait un non-lieu, les juges ont renvoyé le chanteur devant les assises.
Des tentatives d’arrangement à l’amiable
Pendant la garde à vue de Lamjarred, un homme a contacté l’entourage de la victime pour proposer 200 000 euros en échange d’un abandon des poursuites. La jeune femme a refusé.
Son amie, en revanche, a un temps écrit à un avocat du chanteur pour évoquer un accord, avant de réaffirmer devant les enquêteurs n’avoir jamais menti sur l’état de choc de la plaignante.
Un passé judiciaire déjà lourd
Cette affaire n’est pas isolée. En 2010 aux États-Unis, une procédure pour viol et abus sexuel avait été classée après un arrangement financier avec la plaignante.
En France, Saad Lamjarred a déjà été condamné en février 2023 à six ans de prison par la cour d’assises de Paris pour le viol et les violences sur une autre jeune femme en 2016 dans une chambre d’hôtel parisien. Il a fait appel ; le nouveau procès, initialement prévu en juin, a été reporté.
La victime parisienne et quatre complices présumés devront également répondre de tentative d’extorsion pour avoir réclamé trois millions d’euros en échange du retrait de plainte.
Une popularité intacte malgré les scandales
Phénomène dans le monde arabe, Saad Lamjarred continue de remplir les salles et de cumuler des centaines de millions de vues sur YouTube. Ses fans, très mobilisés sur les réseaux, dénoncent souvent un acharnement ou des complots.
Pour ses accusatrices et leurs soutiens, ces affaires révèlent au contraire la difficulté de faire condamner une personnalité publique, surtout quand l’argent et la notoriété entrent en jeu.
Pourquoi ce procès est crucial
Au-delà du cas individuel, ce nouveau procès interroge la prise en compte du consentement, l’impact de l’alcool, la parole des victimes face à des célébrités, et la frontière parfois floue entre séduction et agression dans l’univers de la nuit.
Sept ans après les faits, la plaignante attend toujours une reconnaissance officielle de son statut de victime. Le verdict de jeudi pourrait marquer un tournant, ou au contraire renforcer l’impunité perçue de certaines stars.
Quelle que soit l’issue, cette affaire continuera de diviser entre ceux qui croient les victimes et ceux qui défendent la présomption d’innocence d’un artiste adoré par des millions de personnes.
À suivre de très près.
