ActualitésÉconomie

Russie: La Banque Centrale Maintient Son Taux Directeur Malgré L’Inflation

Coup de théâtre en Russie : malgré une inflation à 8,9%, la Banque centrale maintient son taux à 21%. Une décision surprise qui suscite des réactions contrastées. Quel impact pour l'économie russe ? Les détails ici...

Dans un contexte économique tendu marqué par une inflation galopante et des sanctions occidentales, la Banque centrale de Russie (BCR) vient de prendre une décision inattendue. Vendredi dernier, elle a annoncé le maintien de son taux directeur à 21%, soit son plus haut niveau depuis 2003. Une position qui tranche avec les anticipations de la majorité des analystes qui tablaient sur une hausse d’un à deux points.

Une inflation à 8,9% en novembre

Pourtant, les derniers chiffres de l’inflation publiés il y a deux semaines sont préoccupants. En novembre, la hausse des prix à la consommation s’est accélérée pour atteindre 8,9% sur un an, soit plus du double de l’objectif officiel de 4% fixé par les autorités russes. Face à cette envolée, la patronne de la BCR Elvira Nabioullina avait d’ailleurs laissé entendre qu’une augmentation des taux était envisagée.

Mais contre toute attente, l’institution monétaire a choisi de maintenir le statu quo. Elle estime que le resserrement opéré fin octobre, où le taux était passé de 19% à 21%, va commencer à produire ses effets pour freiner l’inflation, malgré la vigueur actuelle des prix et de la demande intérieure.

Une décision qui divise

Cette décision à contre-courant a suscité de vives réactions au sein des milieux économiques russes. Plusieurs grands patrons, à l’instar de German Gref, le PDG de la première banque du pays Sberbank, ont publiquement critiqué la politique de taux élevés menée par Elvira Nabioullina, bien que soutenue par le Kremlin.

« L’économie ne peut pas survivre comme ça longtemps »

a averti début décembre German Gref, craignant qu’avec des taux d’intérêt pour les prêts tournant entre 25% et 30%, de nombreuses entreprises et ménages ne puissent plus rembourser leurs emprunts.

Même son de cloche du côté de Sergueï Tchemezov, le patron du conglomérat de l’industrie de défense Rostec pourtant réputé proche de Vladimir Poutine, qui a qualifié ces niveaux de taux d’intérêt de « folie ».

Poutine reconnaît une inflation « préoccupante »

Signe que le problème inquiète au plus haut sommet de l’État, Vladimir Poutine lui-même a reconnu jeudi lors de sa conférence de presse annuelle que la hausse des prix était « un signal préoccupant » qui grignotait le pouvoir d’achat des Russes. Tout en disant attendre une décision « équilibrée » de la Banque centrale. Message reçu semble-t-il.

Car au-delà des seuls taux d’intérêt, c’est l’orientation de la politique monétaire qui est en jeu. L’inflation est alimentée par la flambée des dépenses militaires pour financer l’offensive en Ukraine, les sanctions occidentales qui perturbent les importations, et une hausse des salaires dopée par les pénuries de main-d’œuvre.

L’économie russe sous pression

Après avoir plutôt bien résisté depuis le début du conflit, l’économie russe montre des signes d’essoufflement depuis plusieurs semaines. Le rouble est au plus bas face au dollar et à l’euro depuis mars 2022, le billet vert s’échangeant désormais contre plus de 100 roubles.

Dans ce contexte incertain, les prévisions de croissance pour 2023 ont été revues à la baisse, entre 2% et 2,5% selon Vladimir Poutine. Un net ralentissement après le rebond estimé à près de 4% cette année.

Entre poussée inflationniste et perspectives de croissance moroses, la Banque centrale russe marche donc sur un fil. Si elle a décidé de jouer la temporisation, elle n’exclut pas de relever ses taux lors de sa prochaine réunion en février 2023. L’évolution de la conjoncture, sur le front des prix comme sur celui de la guerre en Ukraine, sera scrutée de près.

Un avenir économique en suspens

Cette décision surprise de la BCR illustre la complexité de piloter l’économie russe en cette période troublée. Entre une inflation difficile à maîtriser, des sanctions qui pèsent sur l’activité, un rouble sous pression et des dissensions internes sur la politique à mener, les défis sont nombreux pour les autorités monétaires.

L’issue du conflit en Ukraine, dont nul ne connaît encore l’échéance, sera déterminante pour l’avenir économique du pays. D’ici là, la Banque centrale russe devra redoubler de prudence et d’agilité pour maintenir la stabilité financière sans étouffer la croissance. Un exercice d’équilibriste périlleux, dont les répercussions se feront sentir bien au-delà des frontières russes.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.