Un revirement inattendu vient de se produire dans l’affaire qui secoue le milieu théâtral russe depuis plusieurs mois. Evguénia Berkovitch et Svetlana Petriïtchouk, deux artistes emprisonnées depuis mai dernier pour avoir monté une pièce jugée subversive, ont vu leur condamnation révisée à la baisse par une cour d’appel.
Leur spectacle intitulé « Finist, le clair faucon », présenté en 2020, avait fait polémique en racontant l’histoire de jeunes russes recrutées sur internet par des djihadistes en Syrie. Malgré les éloges de la critique, les autorités y avaient vu une apologie du terrorisme.
Une peine de prison contestée
En juillet dernier, un tribunal militaire de la région de Moscou avait lourdement sanctionné les deux femmes, très réputées dans les cercles artistiques russes. Evguénia Berkovitch, la metteuse en scène de 39 ans, écopait de 6 ans ferme. Quant à Svetlana Petriïtchouk, dramaturge de 44 ans, elle était condamnée à la même peine.
Leur incarcération avait soulevé une vague d’indignation. De nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer une atteinte à la liberté de création. Beaucoup y voyaient aussi une sanction déguisée contre Berkovitch, qui s’était publiquement prononcée contre l’offensive en Ukraine avant son arrestation.
Un soulagement en demi-teinte
En appel, les peines ont finalement été revues à la baisse, mais de quelques mois seulement. Evguénia Berkovitch a été condamnée à 5 ans et 7 mois de camp. Sa co-prévenue Svetlana Petriïtchouk écope quant à elle de 5 ans et 10 mois.
Si c’est un soulagement pour leurs proches et soutiens, beaucoup jugent cette décision en demi-teinte. Les deux artistes restent lourdement sanctionnées pour une œuvre qui, bien que provocante, relevait de la création artistique. Et ce, alors même qu’elles n’ont cessé de clamer leur innocence.
Le débat sur la liberté d’expression relancé
Au-delà de ce dossier emblématique, c’est le débat sur la liberté d’expression en Russie qui se trouve relancé. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le régime a durci la répression contre toutes les voix dissidentes, réelles ou supposées.
« Des milliers de personnes ont depuis été sanctionnées, menacées ou emprisonnées en raison de leur opposition au conflit »
D’après une source proche des milieux militants
Cette condamnation, même allégée, envoie un message d’intimidation à tous ceux qui voudraient s’écarter de la ligne officielle. Elle pose la question des limites de plus en plus floues entre expression artistique et propagande anti-étatique aux yeux des autorités.
L’art comme acte de résistance
Malgré ce contexte répressif, des artistes continuent courageusement de porter une parole critique à travers leurs œuvres. Pièces de théâtre, mais aussi films, livres ou expositions : la création reste un espace de contestation et de réflexion sur la société russe d’aujourd’hui.
La condamnation de Berkovitch et Petriïtchouk montre cependant les risques encourus. Beaucoup se demandent jusqu’où les autorités sont prêtes à aller pour museler les voix dissonantes, y compris dans les sphères culturelles.
Le sort des deux artistes sera donc suivi avec attention. Au-delà de leur cas personnel, il est devenu le symbole d’une bataille essentielle pour la préservation d’espaces de liberté et de débat dans une Russie de plus en plus verrouillée.