La Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord, quatre pays ouvertement hostiles à l’ordre mondial dominé par l’Occident, multiplient les signes de rapprochement ces derniers mois. Moscou vient de signer un accord de partenariat stratégique avec Téhéran, après avoir fait de même avec Pékin et Pyongyang. Cette « famille anti-occidentale » en gestation inquiète observateurs et dirigeants.
Le « rêve de Primakov » en voie de réalisation ?
Dans les années 90, Evgueni Primakov, alors chef du KGB puis ministre russe des Affaires étrangères, théorisait une alliance naturelle entre Russie, Chine, Inde et Iran pour contrer l’hégémonie américaine. Près de 30 ans plus tard, sa vision semble en passe de se concrétiser, du moins partiellement.
Les liens se resserrent en effet à vitesse grand V entre Moscou et ces pays, sur fond de tensions exacerbées avec les Occidentaux depuis l’invasion de l’Ukraine. En témoignent la récente « déclaration » russo-chinoise, l’accord de partenariat russo-nord-coréen et le pacte stratégique global qui doit être signé vendredi entre Vladimir Poutine et son homologue iranien.
Une convergence d’intérêts plus qu’une alliance formelle
Pour autant, pas question de parler d’un « nouveau Pacte de Varsovie » ou d’une alliance anti-occidentale structurée, tempère Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique :
Ce à quoi on assiste, c’est un tissu de relations bilatérales entre pays qui partagent une hostilité, à des degrés divers, envers l’Occident et l’ordre international libéral.
– Bruno Tertrais, Fondation pour la recherche stratégique
Difficile en effet d’imaginer une alliance formelle entre des pays aux intérêts parfois divergents et avec un lourd passif de rivalités, notamment entre Moscou et Pékin. Il s’agit plus d’un « rapprochement tactique dicté par les circonstances », avec la volonté commune de rééquilibrer un monde jugé trop dominé par les Etats-Unis.
Des liens économiques et militaires de plus en plus étroits
Cette convergence d’intérêts se traduit néanmoins par des coopérations croissantes, aussi bien économiques que militaires :
- La Chine est devenue le premier partenaire commercial de la Russie, absorbant son pétrole et son gaz.
- Moscou et Pékin multiplient les exercices militaires conjoints, comme récemment en mer du Japon.
- L’Iran fournit des drones à la Russie pour sa guerre en Ukraine et négocie l’achat d’avions de combat russes.
- La Corée du Nord livrerait secrètement des obus d’artillerie à Moscou selon les Etats-Unis.
Autant de développements qui nourrissent les craintes occidentales de voir émerger un bloc hostile, même si on est encore loin d’une véritable alliance structurée et contraignante pour ses membres. Les défenseurs de l’ordre mondial libéral n’en suivent pas moins avec inquiétude ce rapprochement des bannis du système international.
Un défi pour l’Occident ?
Reste à savoir si ce club des parias peut réellement faire jeu égal avec les puissances occidentales. Malgré leur poids géopolitique indéniable, la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord font face à de sérieux défis internes :
- La Russie s’enlise dans une guerre coûteuse en Ukraine et subit de lourdes sanctions économiques.
- La Chine est confrontée à un ralentissement de sa croissance et des tensions sociales.
- L’Iran est secoué par une vague de contestation sans précédent.
- La Corée du Nord reste l’un des pays les plus pauvres et isolés au monde.
Autant de faiblesses qui relativisent la menace que représente cette alliance anti-occidentale émergente. Néanmoins, le rapprochement entre ces puissances hostiles au système international actuel est un développement majeur qui rebat les cartes de la géopolitique mondiale. Un défi auquel l’Occident devra s’adapter pour préserver son leadership et ses valeurs.