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Russie : Africa Corps et Ambitions Africaines

La Russie dévoile ses ambitions en Afrique avec Africa Corps, remplaçant Wagner. Quelle stratégie se cache derrière ce virage géopolitique ?

Imaginez un continent riche en ressources, théâtre de luttes d’influence où les grandes puissances redessinent leurs stratégies. Au cœur de cette arène, la Russie, avec l’émergence d’un nouvel acteur, l’Africa Corps, affiche désormais sans détour ses ambitions africaines. Longtemps dissimulées derrière des opérations opaques, ces visées géopolitiques s’expriment aujourd’hui avec une clarté assumée, mêlant projection de puissance et quête de profits. Mais que signifie réellement ce tournant, et quelles en sont les implications pour l’Afrique ?

Un nouveau visage pour l’influence russe en Afrique

La Russie n’est pas un nouvel acteur en Afrique, mais son approche évolue. Pendant des années, elle a opéré dans l’ombre, déléguant ses ambitions à des groupes paramilitaires comme Wagner. Aujourd’hui, avec l’Africa Corps, Moscou prend les commandes de manière directe, marquant un changement stratégique majeur. Ce groupe, placé sous l’autorité du ministère de la Défense russe, symbolise une volonté de centraliser et de légitimer ses interventions.

De Wagner à Africa Corps : une transition contrôlée

Jusqu’en 2023, Wagner incarnait l’influence russe en Afrique. Dirigé par un homme d’affaires controversé, ce groupe opérait avec une autonomie relative, souvent au mépris des directives officielles. Mais un événement a tout changé : la disparition brutale de son leader dans un accident d’avion en août 2023. Cet incident, entouré de mystère, a marqué le début d’une reprise en main par le Kremlin.

Le Kremlin a déployé beaucoup d’efforts pour déconstruire le commandement de Wagner, réaffirmer le contrôle vertical et absorber ses structures.

Nicholas Chkaidze, chercheur indépendant

Le résultat ? L’Africa Corps, une entité plus alignée sur les objectifs de Moscou. Contrairement à Wagner, qui cultivait une certaine indépendance, ce nouveau groupe répond directement aux autorités russes, garantissant un contrôle strict. Cette transition, à la fois pragmatique et symbolique, reflète une volonté de professionnaliser l’influence russe tout en éliminant les ambiguïtés du passé.

Une présence renforcée sur le continent

La Russie ne se contente pas d’un simple changement de nom. Elle étend son empreinte à travers plusieurs pays africains. Le Mali, où l’Africa Corps a remplacé Wagner début juin, est au cœur de cette stratégie. Mais d’autres nations, comme le Burkina Faso, la Centrafrique, le Niger ou encore la Libye, figurent également dans le viseur de Moscou. Des rapports indépendants mentionnent même une présence au Soudan.

Pays concernés par l’influence russe :

  • Mali : Base principale de l’Africa Corps.
  • Burkina Faso : Coopération militaire croissante.
  • Centrafrique : Wagner toujours actif, sous supervision.
  • Niger : Partenariats en développement.
  • Libye : Soutien à des factions locales.

Cette expansion n’est pas sans précédent. Wagner avait déjà tenté de s’implanter au Mozambique pour combattre des groupes jihadistes, mais l’opération s’est soldée par un échec cuisant, marqué par de lourdes pertes. Ce revers a peut-être incité Moscou à revoir son approche, optant pour une structure plus centralisée avec l’Africa Corps.

Une stratégie à double tranchant : sécurité et prédation

Officiellement, la Russie se présente comme un partenaire fiable, offrant des solutions aux crises sécuritaires qui secouent le Sahel. Au Mali, par exemple, les mercenaires russes, d’abord Wagner puis l’Africa Corps, ont été appelés pour soutenir l’armée face aux groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Ces violences, qui ravagent la région depuis une décennie, ont fait des milliers de victimes et continuent de s’intensifier.

Mais les résultats sont mitigés. Si la prise de Kidal, une ville du nord du Mali, a été un succès symbolique, l’insécurité persiste. Pire, les mercenaires russes sont accusés d’exploiter les ressources locales, notamment les mines d’or, au détriment des populations. Cette prédation économique, couplée à des méthodes brutales, ternit l’image de la Russie.

Les tactiques brutales de contre-insurrection, telles que les massacres et les punitions collectives, sont structurelles.

Nicholas Chkaidze

Des méthodes controversées sous le feu des critiques

Les pratiques des mercenaires russes suscitent l’indignation. Des organisations de défense des droits humains, ainsi que les Nations unies, dénoncent régulièrement des exactions. Une récente enquête a révélé des cas de kidnappings, de détentions arbitraires et de tortures infligées à des civils, souvent dans des camps militaires partagés avec l’armée malienne.

Pour les populations locales, la distinction entre Wagner et l’Africa Corps est purement formelle. Comme le souligne un analyste basé à Dakar, ce changement d’appellation n’apporte aucune amélioration tangible :

Dans la perception des populations, il ne s’agit que d’un changement d’appellation sans évolution positive.

Bakary Sambe, Timbuktu Institute

Cette continuité dans les méthodes brutales reflète une approche structurelle, héritée de Wagner et perpetuée par l’Africa Corps. Les effectifs de ce dernier, composés en grande partie d’anciens membres de Wagner, incluent des vétérans du front ukrainien et même des criminels recrutés dans les prisons russes. Ce profil alimente les craintes d’une escalade des violences.

Un jeu géopolitique face à l’Occident

Au-delà des enjeux sécuritaires, la présence russe en Afrique s’inscrit dans une rivalité plus large avec l’Occident. En se positionnant comme une alternative aux anciennes puissances coloniales, comme la France, Moscou cherche à redessiner les alliances dans la région. Le Mali, après deux coups d’État en 2020 et 2021, a rompu ses liens avec Paris pour se tourner vers la Russie, un choix emblématique de ce basculement.

La Russie accompagne cette stratégie par des livraisons d’armes et d’équipements, renforçant ainsi sa présence militaire. Mais cette influence a un coût. Si les détails financiers restent opaques, certains experts estiment que les paiements effectués par les gouvernements africains, comme celui du Mali, alimentent directement le ministère de la Défense russe.

Objectifs russes en Afrique Moyens déployés
Contrecarrer l’influence occidentale Alliances avec des juntes, critique des ex-colonisateurs
Exploiter les ressources Contrôle des mines via mercenaires
Renforcer la présence militaire Livraisons d’armes, Africa Corps

Quelles perspectives pour l’Afrique ?

La montée en puissance de l’Africa Corps soulève des questions cruciales pour l’avenir de l’Afrique. Si la Russie parvient à consolider ses positions, elle pourrait devenir un acteur incontournable dans la région, au détriment des puissances occidentales. Cependant, son approche, marquée par l’exploitation des ressources et des méthodes brutales, risque d’alimenter le ressentiment des populations.

Pour les pays comme le Mali, le pari russe est risqué. En s’appuyant sur des mercenaires pour assurer leur sécurité, ces gouvernements délèguent une partie de leur souveraineté, tout en s’exposant à des critiques internationales. La recrudescence des violences jihadistes, loin de s’apaiser, met en lumière les limites de cette stratégie.

Enjeux pour l’Afrique :

  • Stabilité : Persistance des menaces jihadistes.
  • Souveraineté : Dépendance accrue envers la Russie.
  • Ressources : Exploitation par des acteurs étrangers.
  • Droits humains : Exactions impunies.

En définitive, l’émergence de l’Africa Corps marque un tournant dans la stratégie russe en Afrique. En assumant ouvertement ses ambitions, Moscou cherche à s’imposer comme une puissance incontournable, tout en défiant l’influence occidentale. Mais ce pari, s’il peut sembler payant à court terme, repose sur des bases fragiles : une sécurité précaire, des alliances instables et des populations de plus en plus méfiantes.

Alors que le Sahel reste un théâtre d’instabilité, une question demeure : la Russie parviendra-t-elle à transformer ses ambitions en influence durable, ou son intervention ne sera-t-elle qu’un nouvel épisode dans la complexe histoire des ingérences étrangères en Afrique ?

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