ActualitésInternational

Ruée des Alépins sur les centres commerciaux de l’ex-fief rebelle syrien

Dans les centres commerciaux de Sarmada, en Syrie, les Alépins redécouvrent l'abondance et la normalité. Un contraste saisissant avec leur ville meurtrie par la guerre. Plongez dans cette réalité méconnue aux portes de la Turquie...

À seulement 40 km à l’est d’Alep, un spectacle étonnant se déroule sous les yeux ébahis des visiteurs. Dans l’ancien fief rebelle du nord-ouest de la Syrie, le village d’Al-Dana, près de Sarmada, s’est métamorphosé en un immense centre commercial aux portes de la Turquie. Un contraste saisissant avec la réalité d’Alep, encore meurtrie par des années de guerre.

L’abondance aux portes de la Turquie

Ici, à Sarmada, dans la province d’Idleb, les transactions se font en livres turques ou en dollars. Les grandes enseignes du puissant voisin turc sont omniprésentes, proposant alimentation, vêtements, électroménager et ameublement dans des galeries marchandes rutilantes. Un choc pour les Alépins habitués aux pénuries.

Ça fait longtemps que je n’avais pas vu autant de choses !

Aicha Darkalt, mère de famille alépine de 54 ans

Alors qu’Alep reste plongée dans la pénombre avec moins de trois heures de courant par jour, Al-Dana séduit avec ses lumières flashy, ses décorations colorées et ses escalators. Tout le contraire de la deuxième ville syrienne qui s’est enfoncée dans la guerre et la pauvreté pendant que la région de Sarmada prospérait.

Un développement commercial fulgurant

Selon le centre Carnegie pour le Moyen Orient, cet essor commercial s’est enclenché dès le début de la guerre en 2011, lorsque le président Bachar el-Assad a suspendu les importations turques suite à sa rupture avec Ankara. Les hommes d’affaires locaux, rompus aux procédures transfrontalières, ont alors tiré profit de l’afflux de déplacés. Sarmada est ainsi passée d’une modeste localité de 15 000 habitants à une cité commerçante florissante.

Épargnée par les bombes en raison de sa proximité avec la Turquie, contrairement à Idleb pilonnée jusqu’en décembre 2022, la région est devenue une destination shopping incontournable. Depuis la fin des combats, les clients affluent d’Alep mais aussi de Homs, Hama et même Damas pour profiter de cette abondance si longtemps inaccessible.

Le choc des Alépins face à la normalité retrouvée

Pour les habitants d’Alep, se rendre à Sarmada est un véritable choc culturel. Habitués à vivre dans une ville dévastée, ils découvrent un endroit épargné où l’électricité ne manque pas et où tous les produits sont disponibles. Le contraste est d’autant plus frappant que beaucoup pensaient cette région dangereuse et contrôlée par des criminels.

Les gens qui arrivent d’Alep ont l’air misérable, ils sont fatigués, on voit à leur visage qu’ils vivaient dans une prison.

Imad Fares, commerçant installé à Al-Dana

Pour beaucoup, faire ses courses à Al-Dana est un retour à « la vie d’avant », loin des pénuries et des risques de se faire détrousser dans les rues d’Alep. Un soulagement qui se lit sur les visages, comme en témoigne Ahmad, 42 ans, qui charge son coffre d’écrans plats et de jouets introuvables chez lui.

Des contrastes de richesse saisissants

Dans les rues d’Alep, l’apparition soudaine de 4×4 rutilants immatriculés dans la province d’Idleb ne passe pas inaperçue. Un symbole supplémentaire du fossé qui s’est creusé entre les deux régions pendant la guerre. Car si l’importation de voitures de Turquie était interdite côté loyaliste, à Sarmada, le parc automobile s’est renouvelé.

Ma voiture date de 2013 et elle était encore considérée comme neuve : on m’en donnait 50 000 dollars la semaine dernière. Mais aujourd’hui qu’on peut en acheter une neuve à Sarmada, elle ne vaudrait pas plus de 8000.

Un médecin alépin

Ce médecin, comme tant d’autres Alépins, voit ses amis se précipiter pour faire leurs courses chez les anciens rebelles, où les prix sont jusqu’à trois fois moins chers qu’en ville. Une réalité difficile à accepter pour ceux qui sont restés toutes ces années : « On n’avait pas compris que les malheureux, c’était nous », conclut-il dans un rire amer.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.