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RSF Dénonce Réquisition “Forcée” de 3 Journalistes au Burkina Faso

Reporters sans Frontières dénonce la réquisition "de force par l'armée" de 3 journalistes burkinabè, portés disparus depuis 4 mois, une méthode de plus en plus utilisée par la junte au pouvoir pour museler les voix critiques. Comment le journalisme libre va-t-il survivre au Burkina Faso ?

Dans un communiqué vibrant, Reporters sans Frontières (RSF) a vigoureusement dénoncé la réquisition “de force par l’armée” de trois journalistes burkinabè, portés disparus depuis maintenant quatre mois. Selon l’ONG, cette méthode est de plus en plus employée par la junte au pouvoir pour faire taire les voix jugées trop critiques.

Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, a déclaré : “Pour la première fois en 4 mois, les autorités burkinabè assument un secret de polichinelle : Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré, disparus en l’espace de 10 jours en juin, ont bien été réquisitionnés de force par l’armée”. Selon les informations recueillies par RSF, ces trois journalistes avaient été “enlevés par des individus armés” ou qui se “sont présentés comme étant membres de l’Agence nationale de renseignement (ANR)”.

La junte assume les “conscriptions” de journalistes

Lors de la 81e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à Banjul en Gambie, Marcel Zongo, directeur général des droits humains au Ministère de la justice du Burkina Faso, a reconnu que les trois journalistes “ont été réquisitionnés” en vertu d’un décret de “mobilisation générale” prononcé par la junte pour lutter contre les groupes jihadistes qui ensanglantent le pays depuis près de dix ans.

Kalifara Séré, chroniqueur sur la chaîne privée BF1, a disparu depuis le 19 juin après avoir été auditionné par le Conseil supérieur de la communication (CSC). Il avait accusé l’État de “fabriquer des informations fausses”. Le journaliste et chroniqueur sur BF1, Adama Bayala, est lui porté disparu depuis le 28 juin, alors qu’il se rendait à un rendez-vous à Ouagadougou. Quant à Atiana Serge Oulon, directeur de publication du bimensuel d’investigation L’Événement, il a été enlevé à son domicile le 24 juin, après avoir enquêté sur des soupçons de détournement de fonds par un haut gradé.

RSF a fermement dénoncé ces conscriptions, qu’elle qualifie de “pratique extrême visant à ‘punir’ et réduire au silence des journalistes d’investigation et des chroniqueurs critiques du pouvoir”. L’organisation rappelle que plusieurs voix jugées critiques du pouvoir ont déjà été enrôlées de force dans l’armée ces derniers mois au Burkina Faso.

Le journalisme libre en danger au Burkina Faso

Dans une tribune publiée par Le Monde, une cinquantaine de journalistes d’Afrique de l’Ouest ont déploré ces “disparitions forcées de journalistes” qui sont “le symbole d’une tendance grandissante au Burkina Faso : une répression de la liberté de la presse tous azimuts”. Selon eux, “le journalisme libre et fiable meurt à petit feu au Burkina Faso”.

Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré lors d’un coup d’État en septembre 2022, le Burkina Faso a suspendu l’accès ou la diffusion de plusieurs médias, notamment étrangers, accusés de freiner les efforts du régime pour reconquérir le territoire face à la menace jihadiste. Cette dérive autoritaire inquiète de plus en plus les défenseurs de la liberté de la presse.

Les “disparitions forcées” de journalistes sont le symbole d’une répression de la liberté de la presse tous azimuts au Burkina Faso.

Une cinquantaine de journalistes d’Afrique de l’Ouest

Alors que le pays est en proie à une grave crise sécuritaire, avec de vastes pans du territoire contrôlés par des groupes armés, la répression contre les médias jugés critiques suscite de vives inquiétudes. De nombreux observateurs craignent que la liberté d’informer ne soit sacrifiée au nom de la lutte contre le terrorisme.

Face à cette situation alarmante, RSF et les organisations de défense de la liberté de la presse appellent les autorités burkinabè à libérer immédiatement les journalistes “réquisitionnés” et à respecter le droit des médias à informer librement la population. L’avenir de la démocratie et du journalisme indépendant au Burkina Faso est en jeu.

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