La scène politique française est plus que jamais sous tension. Alors que le gouvernement de Michel Barnier fait face à une motion de censure déposée par la gauche, le Rassemblement National (RN) et La France Insoumise (LFI) semblent avoir choisi la voie de la radicalité. Pour le politologue Pascal Perrineau, ces deux partis n’agissent plus comme des « partis de gouvernement » mais comme de purs partis de protestation radicale, déconnectés des réalités du jeu politique. Décryptage d’une situation explosive.
Le RN et LFI, champions de la protestation
Longtemps cantonnés aux extrêmes de l’échiquier politique, le RN et LFI ont peu à peu gagné en influence ces dernières années. Mais selon Pascal Perrineau, auteur de « Le Goût de la politique », cette montée en puissance s’est faite au prix d’un ancrage dans une posture de pure protestation :
Marine Le Pen redécouvre la radicalité qui a été caractéristique pendant longtemps du mouvement qu’elle dirige. Dans le contexte de parlementarisme sans majorité stable qui est le nôtre, le compromis est non seulement une vertu politique mais une nécessité. Or, Marine Le Pen et le RN n’en sont vraiment pas porteurs.
Pascal Perrineau, politologue
Un constat qui s’applique également à LFI selon l’expert. Les deux formations se positionneraient ainsi en opposition frontale et systématique, rejetant toute forme de compromis pourtant indispensable au bon fonctionnement démocratique.
La tentation de la censure
Illustration parfaite de cette radicalité : la décision du RN de voter la motion de censure déposée par la gauche contre le gouvernement Barnier. Un choix surprenant alors même que le parti d’extrême-droite avait obtenu des concessions importantes lors des négociations budgétaires :
- Abandon du déremboursement des médicaments
- Renoncement à la hausse des taxes sur l’électricité
Mais plutôt que de capitaliser sur ces victoires, Marine Le Pen a préféré jouer la carte de l’opposition frontale, réclamant toujours plus jusqu’à rendre tout compromis impossible. Une attitude jugée irresponsable par Pascal Perrineau dans le contexte actuel.
Déconnexion et irresponsabilité
Pour le politologue, le RN comme LFI paient au fond leur déconnexion des réalités du jeu politique et institutionnel. Focalisés sur la contestation permanente, ils peineraient à endosser un rôle plus constructif :
Il est probable que le RN sorte affaibli de cet épisode, car de nombreux électeurs de droite plus âgés, plus aisés, considèrent que la colère n’est jamais un argument.
Pascal Perrineau, politologue
Un manque de maturité et de responsabilité qui pourrait coûter cher, électoralement parlant, aux deux formations. D’autant que les Français attendent d’abord de leurs élus qu’ils se montrent à la hauteur des enjeux du pays.
L’impasse de la radicalité
À l’heure où la France traverse de multiples crises – économique, sociale, sanitaire – la tentation de la radicalité portée par le RN et LFI apparaît comme une dangereuse impasse. Plutôt que le rejet systématique, le pays a plus que jamais besoin d’une opposition constructive et responsable, capable de faire avancer le débat démocratique.
Un défi de taille pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon s’ils veulent transformer l’essai de ces dernières années et s’imposer comme des alternatives crédibles. Reste à savoir s’ils sauront, enfin, troquer leur costume de trublion contre celui d’opposant sérieux et pragmatique. L’avenir politique de leur camp en dépend largement.
